mardi 27 août 2019

Le silence salutaire



L'éveil ? Je ne suis pas certain.
"Tout est conscience" ? Cela mérite discussion.

En revanche, le silence intérieur ?
Immédiat. Il suffit de s'arrêter. Ne me demandez pas comment. Juste s'arrêter. Et alors, ça s'arrête. Un peu comme une apnée, un vol plané. Et cela s'approfondit. Se prolonge. Ou alors, je peux dire qu'une alchimie s'approfondit dans ce silence qui, en lui-même, est parfait car simple, incomposé. Un arrêt.

Tandis que je marche dans la forêt, je réalise aussi l'importance du silence extérieur. Le silence extérieur est l'absence des bruits humains. Machines, moteurs, voix... Dans ce contexte, la pratique du silence intérieur ou de l'arrêt est possible. Mais dans le "silence" de la nature, il y a une autre magie : même quand le bavardage intérieur se donne libre cours, il ne dégénère pas dans ce silence. Cela paraît presque impossible. Il y a comme un équilibre... naturel. Le cours des choses suit une harmonie entendue comme un silence, comme un arrêt. Et les êtres de la nature, sans nom, indistincts, rient. Oui, il y a comme une jubilation muette. Un murmure de fond dans le sous-bois. 

Mais la pratique du silence est possible et bonne partout.
Elle ne requiert rien. Ne présuppose aucune croyance, nulle adhésion à un système. Pas besoin de comprendre. Y a-t-il un Moi ? Ou pas ? Y a-t-il un libre-arbitre ? Ou pas ? Qui suis-je ? Dualité ? Unité ? Illusion ? Réalité ? Matière ? Esprit ? L'expérience du silence intérieur n'attend pas. Elle ne suit pas. Elle devance. Elle est indépendante. Il y a une immense liberté en elle. 

L'expérience même est comme une mise à nu de l'expérience. Tout est là, inchangé. Mais nu. A vif. Un bruit s'arrête et tout prend une soudaine intensité. Chacun connait ces moments où il s'arrête pour se rappeler un souvenir, pour regarder quelque chose ? Eh bien il y a alors ce silence. La pratique est simplement la pratique délibérée de ce silence.

Les bienfaits me surprennent à chaque fois. Le silence intérieur sauve. Il guérit. Ajuste, accorde, équilibre, tempère, éveille, remet dans l'ordre. 
Il n'est pas contre le corps. Il guérit le corps.
Il n'est pas contre le mental. Il assouplit, il aiguise la pensée.

Dans ce silence, l'expérience est le Grand Livre. Pour lire, il faut se taire. Pour écouter cette parole infiniment délicate, il faut demeurer muet. C'est la mystique, sans doute. 

Mais étrangement, cette écoute invite à parler. Comme une bonne nuit de sommeil invite à l'action, comme le jeûne appelle l'appétit. Tout paraît plus net, plus serein, comme si l'on voyait d'une vision globale. C'est l'intuition, sans doute.

Ce silence est l'expérience nue. La vie nue. Rien n'est exclu, sauf ce je-ne-sais-quoi qui parasite ce sacré silence. Comme un ressourcement. Une mort pour une renaissance. Un rythme retrouvé. Mille tracas sont alors oubliés. C'est comme les chaussures : si elles portent bien, on les oublie. Si le corps est bien, il se fait léger, transparent. Si le mental est bien, il se fait doux et précis. 

Cependant, il y a les douleurs et les malheurs, inévitables. Là non plus, inutile de se faire une religion pour rationaliser ces souffrances. Le silence suffit. Il y faut un grand courage. Une forme d'élan aveugle. C'est la foi, sans doute : une certitude qui ne dépend d'aucune formulation. Une confiance qui s'ouvre sans demander ni ceci ni cela. Un émerveillement sans pourquoi.

Attention ! L'expérience nue, dépouillée comme le sommet d'un glacier, n'est pas une philosophie sceptique. Au contraire, je découvre dans cette expérience indicible de quoi dire. J'y trouve d'infinies ressources pour agir et réfléchir. Simplement, d'une façon différente. Plus nette. Plus économe. De grandes nappes de silence. D'immenses bulles de vide lumineux. Nourrie de rien, la pensée jaillit, prête à tout. Des systèmes s'élaborent. Sans a priori. Sans scepticisme ni dogmatisme. Je suis idéaliste ("tout est conscience") et je pense que c'est la formulation la plus adéquate. Mais je suis souple, inclusif. Je sais qu'il y a des formulations opposées, valides car efficaces selon les contextes. J'ai une intuition que "tout est conscience". Mais je sais que cette intuition invite à une exploration qui ne finira jamais. C'est la philosophie, sans doute.

Je sais que je ne peux rien dire, et c'est justement ça qui me pousse à dire, sans terme ni limite décidée à l'avance. Il y a un progrès infini. Des possibilités infinies, parce que j'ai l'intuition de cette perfection, intuition qui est cette expérience, l'expérience nue, le silence intérieur. 

L'atemporel nourrit ainsi le devenir. Et j'éprouve de la joie dans ce rapport, dans cette relation d'amour, de don reçu, de gratuité. Une joie immense. Une complétude. Je sens que tout m'est donné dans le nu instant présent, dans ce profond silence. Et que rien ne sera jamais parfait. L'éternité n'a pas de commencement. Le devenir ne finit pas. Et l'une coule en l'autre comme un mouvement perpétuel, un moteur alimenté au vide. Et c'est très, très bon. Une sécurité, une sérénité de fond, invisible. Un goût d'aventure, d'inconnu, de suspens, d'étonnement. 

Voilà le point : me mettre à l'école du silence. 
Voilà mon maître-racine. Ma lignée. Mon initiation. Mon Mantra, mon ange, ma pratique, mon secret, mon ignorance et ma connaissance, ma parole et mon silence, ma tête et mon coeur, ma vie et ma mort.

L'expérience nue m'enseigne. Aussitôt que "je me tais", je l'entends, puissante, vibrante, douce, plus subtile que le rien, plus parfaite que le tout. Gratuite, vraie, intègre, atemporelle, digne d'adoration, sans nulle séparation, exacte, juste, excellente pédagogue. 
Que demander de plus ? Tout ! Mais en elle. Dans le sein de son conseil.

Simple, inépuisable.
Quelle chance ! 

3 commentaires:

  1. ce je ne sait quoi...qui assurément est DIEU en votre état..'pris ici'
    mon ange..mon secret..ma pratique..mon ignorance..ma Vie..ma mort..
    quelle résonance :)

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