jeudi 10 octobre 2019

Séparer la raison et l'expérience ?


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Lisant le manuel du franciscain Simon de Bourg-en-Bresse, je tombe sur ceci : 

"Or Dieu voulant encore plus élever l'âme, lui donne plus de pureté, de simplicité et de perfection et l'unir plus intimement à soi, il touche immédiatement sa volonté, la soulève par la dextre de sa plus intime opération, et l'unit à soi très noblement par un amour sans aucune connaissance.

Et c'est pour lors que l'âme ne regarde plus Dieu comme un autre, un second, et un distinct d'elle. Car l'aimant très purement et lui adhérant très intimement, sans aucune vue et connaissance sur lui, et ne se pouvant plus regarder elle-même, elle ne voit aucune distinction entre lui et elle. Et par ce moyen elle devient, comme parle l'apôtre, un même esprit avec lui. Et, ô merveille très grande ! La condition d'égalité, laquelle Aristote requiert entre amants, se rencontre très admirablement entre Dieu infini et l'homme ce chétif vermisseau. Car l'âme ne pouvant plus voir de distinction entre Dieu et elle, non seulement elle entre dans une certaine égalité avec Dieu, mais encore dans une union, une unité, une transformation, et une perte de toute elle dans Dieu."
Les Saintes élévations, VI, chapitre 4

Cela est du sixième degré, sur huit. 

L'idée est classique dans la mystique catholique : une unité vécue dans l'expérience, mais qui n'implique aucune unité réelle. 

Parfois, je me dis que c'est là un artifice rhétorique destiné à tromper l'Inquisitio. Mais à d'autres moments, je me dis que c'est un moyen astucieux de préserver l'expérience de la houle philosophique. Regardez le Vedânta : des siècles de polémiques, tout ça pour en revenir aujourd'hui à l'idée banale d'un yoga qui viendrait compléter la "connaissance intellectuelle", et donc superficielle, procurée par les scolarques du Vedânta.

Et je me demande si, en effet, il n'y aurait pas comme une certaine indépendance, non de la théorie par rapport à la pratique, mais de la vie mystique (ou intérieure) par rapport à la vie de l'entendement. Un espace pour du jeu entre la méditation (la raison discursive) et la contemplation (l'intelligence intuitive). Cela, non pour s'amputer de l'activité rationnelle, mais au contraire pour la laisser évoluer à sa guise. Un peu comme Kant, lorsqu'il voulu critiquer la raison, pour laisser une place à la foi. Ce faisant, il a libéré la raison.

D'où cette question : 

Le fait de nier à l'expérience de l'unité toute portée ontologique enlève-t-il quelque chose à cette expérience même ? Certitude intime ; doute philosophique : jusqu'où pareil aménagement pourrait-il tenir ?

2 commentaires:

  1. il est pas facile de traduire en mots certains ressentis :)
    certitude très intime..

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  2. Rêve d'unité ou réalité ?

    N'est-ce pas plutôt ton être dans son unité, unicité réelle,
    qui se donne à être entendu : l'entendement en tant qu'outil, instrument, au service de,
    qui se donne à être senti :
    les sens en tant qu'outils, instruments au service de,
    la virtigineuse profondeur de ton être ?

    Chaque cellule porte l'empreinte de l'immanence. Ou chaque substance est un bain de lumineuse insubstance.

    Chaque sensation corporelle est une interprétation, traduction, vibration de. Aussi chacune te ramène à.
    Ton inaltérable complétude.
    Ta totalité.

    Ton être transcende l'entendement, difficile d'en parler !

    Et c'est aussi par l'entendement que s'offre la possibilité de laisser choir l'entendement, laisser choir le temps (pour un temps), la libre expression de ta yogini, s'il est permis de s'exprimer ainsi ou la libre infusion de primordiale sapience, sagesse ou intuition, c'est selon...
    Etre sans le savoir.
    Régénérescence de l'immédiat (étym:sans passer par le medium, milieu).

    Et cette unité réelle ne peut pourtant être 'experiencée' sans en être brisée,
    (à ce qu'il y paraît), l'expérience nécessitant un expérimentateur (que l'on a tour à tour nommé psyché, âme, esprit, mental, pensée, entendement...) au-revoir l'unité.
    Ou n'est-ce pas la réalité de l'expérience qu'il conviendrait de mettre en doute ?

    La seule vraie connaissance qui soit
    est la connaissance, conscience de soi, vérité une et nue, se faisant jour dans la simplicité de la spontanéité, rien à appréhender, tu l'es !

    Il est dit Shiva sans sa Shakti ne serait qu'un cadavre,
    ou Shiva rayonne de sa Shakti, les deux sont un, cette union est pur amour, fécond de vie, la vie en soi qui se manifeste de mille et une façons, qu'il est donné d'éprouver (une preuve de lui-même) que cela façonne notre entendement ou non...
    Bien que l'entendement puisse vibrer
    au diapason.
    Tout baigne ! de l'unique majestueuse majesté qui soit.

    Et la seule chose qui puisse être demandé est de répondre à l'appel,
    l'appel de ce qui est et qui, pour l'entendement est ouverture à l'inconnu,
    élan d'amour, toujours,
    saut dans le vide,
    ouverture qui ouvre à l'ouverture,
    insatiable boulimie...
    L'être toujours comblé,
    L'entendement jamais rassasié,
    le plonger en soi c'est le rasséréner,
    pour que l'outil devienne serviable à merci.

    Que l'entendement le silence entende,
    qu'à cette source vive, à sa guise,
    il s'aiguise.
    Ainsi transmué, illuminé, vivifié,
    n'est-il pas acuité, sagacité, lucidité ?
    Le silence œuvre en l'écoute transparente, une belle entente.

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