dimanche 12 janvier 2020

Du mépris de l'Inde et de l'hindouisme

Deux poids, deux mesures.
Indulgence à outrance pour les idoles de la gauche et du Marché.
Sévérité méticuleuse pour les têtes de Turc du système.

Prenez l'hindouisme.
L'Inde est considérée comme une culture infantile, dont on souri, tout juste bonne à meubler un cabinet de curiosités.
"Gourou" est toujours péjoratif. L'hindouisme n'est presque jamais mentionné lorsque l'on parle de religion. Les "grandes religions", c'est, bien entendu, Abraham et compagnie. L'hindouisme est présenté comme "polythéiste", alors que, depuis toujours, il est clair que "l'Être est un" et qu'Indra a mille visages. Durant toute mes études en "indologie" on m'a présenté l'Inde comme un truc pas sérieux, qu'il ne faut surtout pas prendre au sérieux - attention, l'Inde rend fou ! L'Inde, c'est un objet de curiosité. Aucun universitaire n'osera se dire Hindou, alors que les universitaires musulmans ou chrétiens sont légions. Être un "islamologue" musulman et militant ? pas de problème ! Être "indologue" et hindou militant ? Bah... comment dire... "Mais vous allez ruiner votre carrière !" "Faites attention !" etc. Même en Inde, dominée jusqu'à récemment uniquement par le marxisme, l'hindouisme était conspué. Je me souviens d'un entretien avec un professeur du Kérala, alors que je cherchais le fils de Krishna Ménon. Il me dit "Advaita Vedânta ? But this is fascism !" Il ne me donna aucun renseignement. Ou cette discussion avec des étudiants indiens en philosophie sur Half Moon Beach. Des fanatiques de la French Theory ! La philosophie en Inde ? Selon eux, elle n'existe pas. Des vieilleries indignes d'être connues. Par contre, le relativisme foucaldien, ça c'est de la vraie sagesse !

Hindouisme est synonyme de secte.
Regardez les sites anti-secte.
L'hindouisme est systématiquement présenté comme un agrégat de sectes loufoques. Certes, les Haré Krishna ont leur folklore, et l'on est pas tenu de s'enthousiasmer de leur intolérance (relative). Certes, je suis le premier à critiquer le système des castes, la bêtise de certains brahmanes, la rigidité du Vedânta parfois. Mais, si l'on combat les sectes et le danger qu'elles représentent pour l'ordre public, quid de l'islam ? Deux poids, deux mesures...

Sous couvert de dénoncer les sectes et les charlatans, on fait souvent montre de son mépris pour l'Inde.

Alors que les sectes (en laissant de côté cet inépuisable vivier qu'est l'islam et, plus généralement, les "religions du Livre") n'ont bien souvent rien à voir avec l'Inde.

Regardez par exemple The Work™. C'est un business dérivé du business de Ken Keyes, avec quelques traces abâtardies de la magnifique sagesse stoïcienne.

Et regardez celle-ci :






Certes cette bande de pauvres diables se faisait appeler "buddhafield" et certes, à regarder ce qui se passe au royaume "merveilleux" de Sham Bhala, héritage du "sage" (ah bon ?) "fou" (ah oui), on peut se poser des questions :



Mais enfin, le concept de gourou n'est pas le propre de l'hindouisme. Jésus et Mahomet étaient des gourous. Et il ne manque pas de sectes chrétiennes ni islamiques, avec leur gourous et leurs adeptes lobotomisés. Un exemple parmi mille :



Mais quand on parle de secte ou de gourou, on parle presque toujours de l'Inde. Il est vrai que ce continent d'une richesse sans égale ne manque pas de figures pittoresques ou baroques. Certes les charlatans pullulent, au nom de l'hindouisme, du yoga, du tantra, du shivaïsme du Cachemire même (moins du Vedânta ?).

Mais ne parler que de cela quand on parle de l'Inde, c'est passer sous silence que l'Inde, c'est d'abord et avant tout une culture incroyable, d'une tolérance sans égale, la plus grande démocratie du monde, une liberté de moeurs et d'expression qui ne se retrouve nulle part ailleurs, une joie de vivre qui a résisté à des siècles de ravages abrahamistes, un patrimoine sans équivalent, bref, l'une des plus puissantes civilisation du monde. La culture sanskrite reste à découvrir. 
Et surtout, surtout, que serait la "spiritualité" dont on vante aujourd'hui les mérites, sans l'Inde ? Que serait la non-dualité sans l'Inde ? Que serait le Tantra sans l'Inde ? Que serait le yoga sans l'Inde ? Que serait la pleine conscience sans l'Inde ? Que feraient ces milliers de personnes et d'éveillés qui vivent de spiritualité, sans l'Inde ?

Non. Je critique l'Inde, bien sûr, au sens où je m'efforce de discerner (du grec krinein "séparer", "choisir", tel l'oiseau hamsa) mais sans jamais oublier que l'Inde est le berceau de toutes les spiritualités dont j'essaie chaque jour, dans la mesure de mes forces, de me faire le disciple. Certes, il y a de belles et grandes choses dans le christianisme, par exemple. Mais si l'Inde n'avait pas, d'abord, dit les choses clairement, pourrais-je les reconnaître dans le christianisme ? Je ne crois pas. Alors rendons à l'Inde ce qui est à l'Inde. Sans niaiserie, "en conscience", mais sans être frileux.

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