samedi 1 août 2020

La spiritualité me rend-elle meilleur ?

The Angelus, the prayer that inspired a masterpiece – Missionaries ...

L'époque est au narcissisme.
Il est vrai que le bonheur tend à l'égoïsme et que sans doute, jamais aucune époque n'a connu un tel degré d'abondance et de conforts.

Et la spiritualité connaît un développement sans précédent.

Et la morale, là-dedans ?

Eh bien, la méditation et autres pratiques sont censées me rendre plus empathique. Si l'éveil est la réalisation que nous sommes tous une seule conscience, alors je devrais m'en trouver plus compatissant, sensible, attentif, débordant d'amour "inconditionnel", comme on dit.

Or quand je regarde en moi, je ne constate pas cela. 
Je trouve bien, au centre de moi, comme "plus moi que moi", une sensation que "tout est bien", que "tout est bon". Une manne de félicité incompréhensible. Et dans le silence intérieur, je trouve une fraîcheur et une légèreté incroyables.

Mais cette vie me rend-telle meilleur ? 

En bref : Non.

Quand je m'observe, je vois bien que je sens que "tout est un". 
Pourtant :
- les souffrances des être innombrables de la planète, de l'univers, des univers, ne m'empêchent nullement de dormir. Je ne ressens rien. Si j'y pense, alors oui, un peu. Mais cela passe très vite, sans effort.
- en revanche, mes propres "souffrances" m'obsèdent. Le moindre souci suffit à troubler mon sommeil. La plus petite contrariété m'agace. Je deviens très créatif pour trouver des raisons à mes actes mauvais. Si je suis victime, je peux écrire des livres sur le sujet. Cela me poursuit sans fin, tels des échos magiques, maléfiques, disproportionnés.

Donc voilà. Les autres, je m'en fiche. Je ne sens presque rien spontanément. Moi, en revanche - je veux dire, ma personne - je reste au centre de moi, fut-ce de cet espace infini, de cette immensité transparente et paisible.

D'autre part, cette vie ne me rend pas parfait dans les autres domaines : l'égocentrisme continue de régner, rampant, insidieux, mais facile à débusquer pourvu que je le cherche un peu. 

Voici la leçon que j'en tire :

1 - L'individu peut et doit progresser. Mais il n'en finira jamais. Il n'atteindra jamais la perfection. Nul n'est à 100% sans ego.

2 - La spiritualité ne sert pas à devenir heureux, à atteindre tel ou tel "objectif". Elle ne sert à rien. Elle est gratuite. Moi, ce qui m'attire et me fascine, c'est l'expérience brute. Elle me suffit. Ma pratique, c'est l'attention. Une dévotion gratuite, parce que ce que je sens, à lui seul, le mérite. Un instant de ce ressenti suffit à motiver tous mes efforts. Entre le fini et l'infini, il n'y a pas négociation. En plus, j'en reçois tant ! Alors que je ne mérite rien. Tout ce qu'il peut y avoir de vrai, de beau, de bon, de juste en moi, ne vient pas de moi. Ça n'est pas un choix, une option. C'est une constatation. Face à l'infini, je suis fini. 

Et alors, il ne reste que l'adoration. Je veux dire, l'attention. Ou l'amour. Car l'amour est attention.
Devenir comme un verre transparent. Laisser passer la lumière. Cela est impossible. Mais c'est ma pratique. Une pratique de gratitude. Je ne demande rien. Tout. 

"Développement personnel" ? "Épanouissement" ? Ces mots sonnent comme des sacrilèges, de l'indécence. Mais je veux aussi tout cela. Je suis indécent. Mais, par la bonté de ce mystère qui gît au fond de moi, de nous, je reçois, malgré toute cette folie, en dépit tout cet aveuglement, de ces infidélités, un réconfort, une ambroisie. 

Et chaque jour je n'en suit que plus reconnaissant. Gratitude pour une grâce gratuite. La moindre vérité qui passe à travers moi est un miracle. Chaque instant d'expérience est inouï. Qu'ai-je fait pour mériter cela ? Rien. Qu'ai-je fait pour qu'on me le retire ? Tout. Alors je dis que la méditation, le yoga, tout ça, c'est une adoration. Se faire humble, transparent, sourire sans visage, vitrail miraculé, tout écoute.

Merci à tous, merci à tout.

1 commentaire:

  1. La Reconnaissance c'est aussi la reconnaissance... Je ne sais pas s'il y a aussi cette polysémie en sanskrit pour ce mot...
    Merci pour ce texte juste et profond.

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