lundi 7 décembre 2020

C'est en n'étant personne que l'on incarne sa personne


 Je ne suis personne - aucun masque ne m'enferme, nul visage ne me confine. Vide, je m'ébat dans le vide. De longues et salutaires coulées, des gorgées de silence qui nourrissent jusqu'à me rendre au désir des choses, acides et pimentées. Le yogi, dit Maheshvara Ânanda, désire ce sel après les océans de vacuité.

L'impersonnel n'est pas la fin de la personne. Bien au contraire, c'est dans ces morts répétées que les noms et les formes reprennent de la vigueurs. Je ne suis jamais plus singulier que quand je me laisse à l'universel. Voyez un miroir : un coup de chiffons pour en ôter les couleurs et les couleurs s'y reflètent comme jamais. Voyez l'œil : retirez-en les poussières et les humeurs teintées, et les monde brillera d'indicibles nuances.

La mort de l'individu est condition de sa naissance véritable. Nous naissons de la nature, de la culture, puis du rien. Ce rien n'est pas fin en soi mais, comme la sieste digestive, comme le profond sommeil, comme le coma artificiel, ce rien nous sauve. Sans cette amnésie, nous serions bien vite saturés de noms et de formes. Je ne veux pas vivre absolument vide, sans rien. Mais j'ai absolument besoin de vide pour savourer. De jeûner pour saliver. De fermer les yeux pour m'émerveiller. De partir pour revenir. C'est une respiration, non un aller simple. C'est la veillée avant Noël, l'épaisse neige avant les chants de mars. 

C'est en n'étant personne que l'on incarne sa personne.

2 commentaires:

  1. Voici un article intéressant qui rejoint votre thèse (l'art comme intermédiaire entre l'activité profane et la libération spirituelle) : La saveur de l’apaisement, expérience esthétique et spirituelle selon le Śivaïsme du Cachemire non dualiste
    https://revues.mshparisnord.fr/ethnographie/index.php?id=347

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  2. Merci. C'est un article universitaire très profond, bien éloigné de mon babillage.

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