Depuis l'obscure alpage,
les troupeaux de fins moutons descendent
sur mon absence,
couverture de glace mordante aux pieds.
Ces eaux gelées concentrent les lumières,
les déposent au creux des doigts brûlants.
Eau et glaces : deux parfums, une substance.
Les eaux de l'été, saturées, presque écœurantes.
Les glaces de l'hiver au saveurs d'eau.
Ce goût unique de la glace des hauteurs, si froide.
Les eaux d'été renvoient les reflets du soleil.
Les glaces rassemblent ses rayons.
Voilà un paradoxe !
Vivante, l'eau rejette la lumière.
Pétrifiée, elle l'accueille.
Voilà la leçon de l'hiver :
la Mort concentre la clarté,
comme les lèvres se retroussent,
mettent le souffle à nu.
Ne plus bouger :
immobiliser les souffles,
c'est souffler sur les braises.
L'hiver annonce la fin de l'expir.
Tout doit céder enfin,
se remettre à l'heure de l'atemporel.
La vieillesse du monde
fait se rétracter le voile des verdures.
Retrait dans lequel s'avance
le son intérieur, strident.
Les abeilles au printemps,
nuée de trompettes du réveil.
Dans l'expir s'annonce l'expir.
Entre les deux,
suggestion de ce qui n'est pas
vie en mouvement,
mais vie immobile,
peut-être source de ces mouvements ?
Se mettre au froid,
ouvrir ses orteils à ses dents,
les pieds palmés, loin dans les entrailles de la terre.
L'hiver est profond sommeil,
pressentiment du retour au noyau immuable,
cœur de pierre dont la pulsation
génère tous les printemps.
L'hiver annonce.
Joie des saisons !
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