dimanche 4 avril 2021

Au-delà de l'être



La conscience est au cœur de tout et au cœur de toute vie spirituelle.
Mais qu'est-ce que la conscience ?

Selon la plupart des traditions, la conscience est une lumière immuable qui illumine tout sans être affecté par rien, comme le soleil éclaire et fait croître les êtres vivants sur terre, sans en être affecté en retour.

Selon le Tantra, cette idée de la conscience est très incomplète.
En effet, la conscience n'est pas passive, ni statique. Elle est mouvement, vibration, frémissement, élan, élévation, expansion, extase, activité. Et cette activité est "conscience de soi". Être conscient, en effet, c'est pouvoir sentir ce que cela fait d'être soi. Et cette conscience est émerveillement, camatkâra, délectation d'être, étonnement d'être, ressenti de soi, appréciation et dégustation d'être soi. C'est cela, l'essence de la conscience qui est l'essence de tout.

Dès lors, le monde n'est pas rejeté hors de la vie spirituelle.

Utpaladeva définit ainsi l'essence de la conscience dans son Poème pour reconnaître le divin en soi (Îshvara-pratyabhijnâ), verset commenté par Abhinavagupta : 

citiḥ pratyavamarśātmā, parā vāksvarasoditā |
svātantryametanmukhyaṃ, tadaiśvaryaṃ paramātmanaḥ || I, 5, 13 ||

Comm. : cetayati ityatra yā citiḥ citikriyā, tasyāḥ pratyavamarśaḥ svātmacamatkāralakṣaṇa ātmā svabhāvaḥ. tathā hi : ghaṭena svātmani na camatkriyate.

La Conscience est prise de conscience de soi,
Parole transcendante qui parle spontanément.
Elle est d'abord liberté, car elle est
la souveraineté du Soi suprême. I, 5, 13

Commentaire par Abhinavagupta : La Conscience est activité, comme le montre le verbe "prendre conscience" (cetayati). Sa "prise de conscience de soi" est son Soi, sa nature, définie comme émerveillement et appréciation de soi-même. En effet, un vase ne s'émerveille pas de soi. 

________________________

La différence entre ce qui est doué de conscience propre et ce qui est inerte, comme le vase, c'est le pouvoir de se ressentir. Le vase "est", certes. Tout "est". Mais le privilège de ce qui est conscient, c'est de pouvoir se ressentir, se ressaisir, s'apprécier. "Être ce vase" ne fait rien pour le vase, n'a pas de sens pour le vase, parce que justement, il n'est pas un être conscient. 

Et ce pouvoir d'être conscient de soi est "émerveillement", miracle d'être. La conscience n'est donc pas simplement "ce qui est". Son essence est "conscience d'être ce qui est", l'acte de savourer le fait d'être. 

Et cette conscience n'est pas une chose statique, mais un acte, désigné donc par un verbe. L'absolu n'est pas une masse inerte, un bloc immuable (ghana), mais mouvement infini, élan inépuisable, vibration plus rapide que tout.

Là se trouve l'essence du Tantra, texture de la vie.

3 commentaires:

  1. Mais une chose peux ne pas avoir de conscience exterieur mais avoir une conscience interne et des sensations interne .
    Qu’est ce qui me prouve que le caillou n’a pas une conscience interne de ces parties interne ?

    L’inertie d’une chose vis à vis de l’extérieur n’implique pas forcément une absence de relation entre le sujet et lui même ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien sûr. Selon le Tantra, tout est conscience, mais tout n'est pas conscient au même degré. Le vase et la pierre sont donc doués de conscience, mais d'une conscience très simple, manifestée dans le solidité, leur cohésion et leur poids.

      Supprimer

Pas de commentaires anonymes, merci.