lundi 19 avril 2021

L'absolu est-il néant ?


"'Je suis' est l'Illusion primordiale (mûla-mâyâ)."
Siddharâmeshvar, Amritalaya, p. 196

Selon ce philosophe, maître de Nisargadatta, l'état de conscience 'je suis' est la mère de tous les maux : le corps, le monde, etc. Il est certes félicité, il "existe toujours' (id.), mais il est le germe de toutes les souffrances. Au-delà se trouve l'absolu, sans identification au corps (sans 'ignorance') et sans 'je suis' (sans 'connaissance'). Sans rien, en fait. L'absolu est pour lui le néant, qu'il nomme parfois 'awareness', mais c'est une conscience qui n'est consciente de rien, une conscience inconsciente, vide, inerte, immobile, immuable comme l'espace. Le 'je suis' est dualité, il est une 'impulsion' féminine, une diminution de la perfection du néant.  L'absolu est absolu quand il ne connaît rien et ne se connaît pas. 
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Ce discours, que j'essaie de reconstruire en bref - car il est, il faut le dire, assez confus et basé sur un vocabulaire dont les équivalents dans la langue d'origine, le marathi, ne sont pas clairs - est peu convaincant. Il me rappelle ce sujet de philosophie : "La conscience est-elle le malheur de l'homme ?" Siddharâmeshvar et Nisargadatta répondraient certainement "oui". La conscience - le pouvoir de prendre conscience, de savoir, quelque soit ce savoir - est un mal, la racine de tous les maux. La conscience, c'est-à-dire l'expérience, toute expérience. Cette doctrine revient aux philosophies pessimistes de l'Inde ancienne, qui considèrent qu'il est impossible de transformer la vie, que toute vie est souffrance, et que la seule issue est dans le néant, l'extinction. Le Nirvâna est la négation du Samsâra. La négation de tout. Dieu est une illusion, la conscience est une illusion, toute expérience est une illusion, 'être, conscience, félicité', sat-cit-ânanda est une illusion. Il ne reste rien. La délivrance est l'exclusion totale. Ces philosophes admettent qu'il y a du plaisir, de la joie dans l'expérience. Mais comme il y a aussi de la souffrance, il faut s'en débarrasser. La conscience est le germe de toutes les souffrances. En particulier, la conscience devient le corps, source des pires souffrances et de l'impureté. Le verre n'est pas vide, mais il est à moitié vide. 
Cette doctrine ressemble à celle du bouddhisme ancien, à celle du Sâmkhya et surtout à celle du Nyâya, pour qui l'état absolu n'est pas un état de conscience heureuse, mais une totale absence de souffrance. Et, pour qu'il n'y a plus de souffrance du tout, il faut qu'il n'y ait plus d'expérience du tout. Plus de conscience du tout. Tant qu'il y a conscience, il y a souffrance, ne serait-ce que potentiellement. Pour ces philosophes, il n'y a pas d'émerveillement, les dieux et Dieu même sont des illusions. L'absolu n'est rien et ce rien est absence de souffrance et cette absence de souffrance est l'état le meilleur, même si ça n'est pas vraiment un état, puisque c'est le néant. 

Cela ne me semble pas convaincant du tout : 1) Si cet état est en dehors de toute expérience, comment peut-on en faire l'expérience ?; 2) Si nous n'en avons aucune expérience, comment peut-on ne serait-ce qu'en parler, et a fortiori, affirmer qu'on en a l'expérience ? N'est-ce pas une affirmation qui se contredit et se réfute elle-même ? ; 3) Cet 'état absolu' qui n'est rien est une pure abstraction, il ne correspond à aucune expérience ; s'il correspond à une expérience, alors cet état n'est pas au-delà de l'expérience ; 4) Surtout, cette doctrine aboutit à l'exclusion de tout, au rejet de la vie, au mépris du corps.  Sur une photo, on voit Siddharameshvar, une cigarette à la main, l'air totalement déprimé ; Nisargadatta affirmait aussi son mépris du corps ; il a gagné sa vie en vendant des cigarettes ; il fumait ; il est mort d'un cancer de la gorge ; quand on lui demandait pourquoi il n'arrêtait pas de fumer, il disait que le corps n'est rien, un tas d'immondices. 

En plus d'être contradictoire et abstraite, je trouve que cette vision est froide et sans amour. Cet aspect est quelque peu caché par les affirmations positives sur le 'je suis', la Conscience universelle, que l'on trouve souvent dans ces écrits. Le 'je suis' est la porte vers l'absolu, s'y plonger, c'est faire l'expérience de l'amour. Mais, selon ces philosophes, il faut passer cette porte et la refermer. Donc, finalement, il n'y a plus d'amour, plus de joie, de vérité, plus rien. D'où le célèbre verset sanskrit que je citais il y a peu : 
varaṃ vṛndāvane ramye śṛgālatvaṃ vrajāmyaham /
na ca vaiśeṣikīṃ muktiṃ prārthayāmi kadācit //
"Je préfère me retrouver chacal
dans la charmante forêt de Vrindâvana (où vécut Krishna),
mais jamais je n'aspirerai à la délivrance
des adeptes du (Nyâya) Vaisheshika !"
Gadâdhara, Muktivâda

7 commentaires:

  1. Le faite même que Nisargadatta soient une figure reconnue dans les milieu non dualiste me pose question car j’ai pourtant direct saisi le côté malsain de l’affaire .
    En parlant avec des gens qui s’y connaissaient dans différente tradition aussi ils m’ont dis que Nisargadatta dénigrait beaucoup le monde est que ce n’était pas le cas par exemple de ramana maharshi

    Fabio

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  2. un tas d'immondices !
    une pure merveille ce corps...avec toutes ces rivières d'Energie..tous ces points lumineux qu'il suffit de toucher avec Amour...évidement c'est une façon différente de percevoir le corps :)c'est vraiment différent pour chacun !
    a travers ce corps c'est la Vie 'Dieu ' qu'on touche...

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    1. J’ai un rapport conflictuel avec mon corps je l’aime mais c’est un amour « vieille vache »
      Comme si moi et mon on était un vieux couple
      Comment y remédier ?
      Pourtant je suis encore jeune 25 ans

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    2. Le premier pas est peut-être de réaliser que personne n'est parfaitement en paix avec son corps. Il y a du plus et du moins, mais pas de paix parfaite. Ensuite, plonger dans la vibration du "je suis", car elle pulse dans le corps, depuis le centre de l'être, jusqu'au bout des membres et au-delà, dans le monde et dans l'espace infini.

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    3. Quand vous parlez de plonger dans la vibration du "je suis", qui pulse dans le corps, est-ce la vibration de la présence du corps que l'on peu remarquer sitôt que l'on porte l'attention sur une partie du corps sous la forme d'un fourmillement très léger ou est-ce autre chose ? Dans le premier cas le "je suis" est-il le sentiment d'exister en tant qu'être humain vivant doté peut-être en plus du corps d'un esprit ?

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  3. ce qui m'émerveille c'est en médecine chinoise, les méridiens,points de pressions,qui nous traverse tous..et que chacu rien que sous la plante des pieds, a sa correspondance avec chaque organes, avec un peu d'apprentissage on peu soulager bien des maux..partout oreilles, mains, des centres d'Energie que nous bloquons souvent par ignorance.
    quel Maitre d'oeuvre a put imaginer cela !

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  4. Non, ce n'est pas physique. C'est purement subjectif, la simple sensation d'être. Dans l'instant, on se sent guéri et comblé.

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