lundi 23 août 2021

Le mystère de l'union


Dans le tantra, l'union sexuelle est le "rituel primordial", âdi-yâga. Cela est vrai tout spécialement dans le tantra ésotérique, la tradition "de la famille" (kaula). Mais, même dans le tantra en général, le mythe de la création par union du Dieu et de la Déesse est bien connu. 

Cependant, l'union sexuelle comme image de l'acte créateur n'est pas inconnu en Occident. Outre le célèbre enseignement de la prêtresse Diotime au jeune Socrate, nous avons ce passage du Discours parfait d'Hermès à Asclépius :

 "Et si tu veux contempler la réalité de ce mystère, regarde l’image merveilleuse de l’union consommée par le mâle et la
femelle : lorsque donc 20 il (le mâle) atteint le moment extrême, la semence jaillit. Alors, la femelle reçoit la puissance du mâle et le mâle, de son côté, reçoit
la puissance de la femelle, car 25 tel est bien l’effet de la semence !
C’est pourquoi le mystère de l’union est accompli en secret, de crainte que les deux sexes ne semblent indécents à la foule qui 30 ne sait pas (vraiment) à
quoi s’en tenir en cette matière. En effet, chacun (en particulier) transmet son principe générateur. Car, pour ceux qui ignorent ce qu’est (vraiment) cette
œuvre, si elle se produit sous leurs yeux, <elle est> ridicule, de même que pour les incroyants ! Et d’autant plus qu’il 35 s’agit de mystères sacrés en paroles
et en actes : non seulement on ne saurait les entendre, mais on ne saurait non plus les voir." (Naghammadi, Pléiade, p. 1009)

Voici le même passage dans la traduction Festugière, Belles Lettres 1998, p. 61. Le contexte est le suivant : Hermès vient d'expliquer qu'aucun nom ne convient à Dieu, à la fois Tout et au-delà du Tout, immanent et transcendant. Et il poursuit :

"Dieu donc, à lui seul toutes chose,
infiniment rempli de la fécondité des deux sexes,
toujours gonflé de sa propre volonté,
toujours enfante tout ce qu'il a eu dessein de procréer.
Or sa volonté est, toute entière, bonté.
Et cette bonté aussi qui existe en tous les êtres
est naturellement issue de la divinité de Dieu,
pour que tous les êtres 
soient comme ils sont 
ou comme ils ont été,
et jusqu'à tous ceux qui doivent exister par la suite
ils procurent en suffisance la faculté de se reproduire.
Que te soit donc transmise en ces termes, Asclépius, 
la doctrine sur les causes et le mode de la production de tous les êtres.

- Quoi, dis-tu que Dieu possède les deux sexes, Hermès ?
Oui, Asclépius, et non pas Dieu seulement, mais tous les êtres animés et inanimés.
Il ne se peut en effet qu'aucun des êtres qui existent soit infécond.
Car, si l'on enlève la fécondité à tous les êtres
qui existent à présent,
les races actuelles ne pourront plus durer toujours.
Pour moi, je déclare qu'il est aussi dans la nature des êtres
de sentir et d'engendrer,
et je dis que le monde possède en lui-même
le pouvoir d'engendre
et qu'il conserve toutes les races
qui sont une fois venues à l'être.
En effet l'un et l'autre sexes sont pleins de force procréatrice
et la conjonction de ces deux sexes ou, pour mieux dire,
leur unification,
qui se peut nommer correctement Amour ou Vénus
ou de ces deux noms ensemble,
est une chose qui passe l'entendement.
Mets-toi bien dans l'esprit,
comme une vérité plus sûre et plus évidente qu'aucune autre,
que ce grand souverain de toute nature, Dieu,
a inventé pour tous les êtres
et leur a accordé à tous ce mystère de reproduction éternelle,
avec tout ce qu'il comporte d'affection, de joie, d'allégresse, de désir et d'amour,
don de Dieu.
Et ce serait le lieu de dire combien ce mystère a de force
pour nous contraindre, si chacun de nous, en s'examinant,
ne le savait du reste pas ses sentiments les plus intimes.
Car, si tu considères ce moment suprême où,
par un frottement répété, 
nous parvenons à cet effet
que chacune des deux natures 
répande en l'autre sa semence,
dont l'une avidement s'empare pour la renfermer en elle-même,
en ce point donc tu constates que, 
par un mélange en les deux natures,
et la femme se pourvoit de la vigueur du mâle
et le mâle se détend en féminine langueur.
Aussi l'acte de ce mystère,
si doux et nécessaire qu'il apparaisse,
est-il accomplit en secret pour que les moqueries du vulgaire
ignorant ne forcent pas à rougir
la divinité qui se montre en l'une et l'autre natures
dans ce mélange des sexes,
surtout si l'on s'expose au regard des impies."

Comme le tantra, Hermès ajoute que rares sont les gens pieux en ce sens. Festugière note que "c'est une façon de voir qui n'est pas rare dans l'Antiquité". Tout est dit.

Voir aussi la traduction de Ménard.

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