mardi 3 août 2021

Le Tantra est-il essentialiste ?


La Source a-t-elle voulu un ordre des choses précis ?
Dans beaucoup de traditions, on se réfère à un "monde absolu", un monde d'archétypes idéaux, pour justifier une hiérarchie sociale, un ordre politique. Par exemple, sous l'Ancien Régime, la domination du clergé et de la noblesse correspondait à la domination des anges sur le monde sublunaire. Ces schémas sont dérivés du platonisme. 
Or, aujourd'hui, on combat contre cette manière, que l'on a nommée "essentialiste". Il n'existe pas d'essence, c'est-à-dire pas d'archetypes, pas d'ordre a priori, pas de structures naturelles. Tout est construction, rien ne préexiste, il n'y a ni plan divin, ni providence, ni destin, mais seulement un jeu de forces aveugles. 
Selon le tantra, la Source est absolument libre. Ce qui signifie qu'il n'y a pas d'essences, pas de plan divin. La conscience universelle est au-dessus de la raison elle-même. Il n'y a donc pas de Monde Intelligible. 
Du moins, au départ. C'est-à-dire au plan de la conscience elle-même. Au commencement, il n'y a pas de plan, de bien ni de mal, mais un jaillissement pur, vierge de toute décision. Cette doctrine ressemble à la vision post-moderne, au bouddhisme, et surtout aux hypothèses les plus récente sur le Big Bang. Ainsi, les "lois" de la nature ont émergé APRES le Big Bang. Mais au tout commencement, il n'y avait rien, seulement une sorte de vide quantique indifférencié. De même, selon le Tantra, la conscience est en elle-même indifférenciée, comme un miroir incolore. 
Mais ensuite, des structures apparaissent. Et ces structures sont pour nous, individus, des lois qui forment un système de la nature. L'individu est soumis à ces lois. Les choses se définissent peu à peu. La situation est comparable à celle d'une improvisation. Au départ, tout est encore possible. Au hasard d'abord, des lignes mélodiques apparaissent. Puis elles se définissent de plus en plus. Elles deviennent des essences, des entités qui excluent les autres entités. Tout n'est plus possible, l'élan à perdu de sa fluidité. Des choix se font, parfois rationnels, parfois irrationnels. 
Mais au départ, plus on remonte vers la Source, plus on revient aux possibles. Au centre du cercle, les rayons convergent et se confident, toutes les directions sont possibles. 
Il y a donc des essences, des structures, des ordres, au sein d'une infinité d'univers. 
Mais ici, en tant que cette pure présence vide qui enveloppe ces jeux de force, je suis libre de tout cela, comme le centre du cercle est riche de tous les rayons qui s'élancent dans des directions différentes et parfois opposées. 
Le Tantra n'est donc pas essentialiste. Mais il n'est pas non plus post-moderne. A la source de tout, il y a une liberté, mais une liberté sauvage. Une intelligence, mais qui improvise et qui laisse le hasard créer. Il n'y a donc pas de plan divin dont on puisse se réclamer pour justifier un ordre social ou une domination politique. 


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