samedi 28 août 2021

Om



"Om" symbolise la totalité de la manifestation, la totalité de l'expérience, le plein déploiement de la conscience.
Mais "om" peut aussi signifier l'acquiescement, un "oui", peut-être comparable au "amen/amin" abrahamique. 

Dans ces deux versets de Shankara, "om" est employé comme exprimant un accord, une compréhension, une acceptation, un acquiescement :

दृशिस्वरूपं गगनोपमं परं सकृद्विभातं त्वजमेकमक्षरम् / 
अलेपकं सर्वगतं यदद्वयं तदेव चाहं सततं विमुक्त ओम् // 

 dṛśisvarūpaṃ gaganopamaṃ paraṃ 
sakṛdvibhātaṃ tvajamekamakṣaram / 
alepakaṃ sarvagataṃ yadadvayaṃ 
tadeva cāhaṃ satataṃ vimukta om // Upadeśasahasrī, 2, 53

 Je suis vision, pareil au ciel, transcendant, manifesté à jamais, et pourtant un et impérissable. Sans attache, omniprésent, sans second, c'est cela que je suis toujours : délivré, oui ! 

 अजोऽमरश्चैव तथाजरोऽमृतः स्वयंप्रभः सर्वगतोऽहमद्वयः / 
न कारणं कार्यमतीव निर्मलः सदैकतृप्तश्च ततो विमुक्त ओम् // 

 ajo'maraścaiva tathājaro'mṛtaḥ 
svayaṃprabhaḥ sarvagato'hamadvayaḥ / 
na kāraṇaṃ kāryamatīva nirmalaḥ 
sadaikatṛptaśca tato vimukta om // Upadeśasahasrī, 10, 3 

 Je suis sans naissance ni mort, donc sans âge, immortel. Je suis évident, omniprésent : il n'y a rien d'autre. Je ne suis ni cause, ni effet : je suis plus que pur, plénitude perpétuelle et rien d'autre : je suis donc délivré, oui.

4 commentaires:

  1. « … Ô mais d’où me viennent ces paroles dont le sens ne m’appartient ? Tel un boeuf harcelé par les taons, et dont le corps et l’âme lentement s’empoisonnent, sous les aiguillons de cet ordre nouveau, je me vois tout à coup. Et pourtant, à travers cette nuée d’oiseaux noirs, je crois me reconnaître : Tel l’un d’eux, je sens la graine sous la terre, creuse et fouille en tous sens. Mon âme se fraie un chemin, vers un point qu’elle sent si fort, que sur son passage tout elle arrache. Ô folie. Et pourtant il me semble que par la folie on atteint ce degré de sagesse auquel nulle raison ne peut prétendre. Ô vraiment, j’avance malgré moi. Mes mots me sont dictés. Tel un papillon qui sort de la chrysalide, et abandonne son exuvie de chenille aux fossoyeurs de la terre, j’abandonne ma dépouille de chien et m’envole butiner le nectar des fleurs. Je suis hors de moi. Je sens mon âme se diviser à l’infini, telle une rose qui s’ouvre, et lancera ses semences, pour se diviser à nouveau mille et mille fois ; tel l’Éternel qui engendre les mondes, et par les miracles engendre à nouveau encore et encore. Ô boucles merveilleuses ! ô Éternel ! au sein duquel tout se fait et se défait. Ô je te vois, toi en qui je n’avais cru. Tu es bien la suprême connaissance comme l’enseignaient les anciens sages. Tes bras sont infinis ; tu contiens tout ce qui a jamais été contenu. Tu es bien impérissable, puisque tout toujours te revient. Ô joie ! joie ! joie ! larmes de joie !…
    Quand on voit dans le nid, une coquille qui se brise, c’est pour un oiseau la vie qui commence. Mais quand c’est le verbe qui bouge, qu’on le sent, qu’il est là, alors soudain, pareillement c’est l’éclosion. L’œuf de la langue se brise, et les ailes de la pensée, dans un élan sublime, aussitôt vers les cieux majestueusement se déploient, car divine est cette éclosion qui remplit maintenant l’âme et le cœur… »

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  2. SISYPHE. Ma conscience est comme un roc que je soulève avec effort, mais portée à bout de bras : je crée. J’ordonne le chaos. Je lutte contre l’éparpillement. Comment décrire tout cela ? Tant de choses se pressent en moi. Chaque jour je reconstruis mes forces. Je prends appui sur des montagnes de mots pour me hisser jusqu’aux portes du langage. Si je me regarde, je vois que c’est encore ce que je fais en ce moment. Je n’abandonne jamais. Je suis prêt à tous les sacrifices pour me hisser jusqu’à moi-même, pour éprouver quelques instants seulement la force du réel. Mais dans ces instants j’avance, je me construis intérieurement. Dans ces instants ma conscience est ce roc porté à bout de bras, et que maintenant je roule dans le monde pour en prendre l’empreinte. Puis mes forces s’évanouissent. Je retombe de toute ma hauteur. Je suis comme Sisyphe sans son rocher. Car il me faut une masse verbale pour m’élever, il me faut une masse verbale pour entrer en résonance avec le monde. Du vide rien ne résonne. Chaque jour je recompose cette masse verbale. Mes mots sont des atomes que je presse les uns contre les autres aussi fort que je le peux. Je me sers des mots pour véhiculer de l’énergie. Je peux me répéter des milliers de fois la même phrase pour atteindre cette tension créatrice dont j’ai besoin. Je lis des livres pour sortir des mots. Je lis des auteurs dont l’œuvre ne s’ouvre qu’à coups de boutoir. Cette masse verbale recomposée, c’est comme si j’avais dans la tête un bélier. J’entre en action. Je deviens moi-même. Dans ces moments où la pensée est action, je suis pareil à une haveuse qui trace un sillon dans la montagne. Je creuse le monde. Je me sers des mots comme d’un marteau-piqueur. Je creuse jusqu’à ce que jaillissent en moi des vérités nouvelles. Des vérités qui élargissent ma compréhension du monde. Car la vérité est compréhension, et créer c’est comprendre et donner à comprendre. Avec les atomes des mots, je me suis fabriqué un outil pour creuser le monde. J’ai fait du verbe ma plus grande force. Oui, j’ai fait du verbe ma plus grande force !

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  3. Témoignage :
    C’est en lisant Être et temps d’Heidegger que tout a commencé. Au fur et à mesure que j’avançais dans la lecture de cet ouvrage, je prenais de plus en plus conscience d’un enfermement à l’intérieur du langage. Oui, je prenais de plus en plus conscience que j’étais prisonnier à l’intérieur du langage. La conscience de cet enfermement et la volonté d’en sortir ont généré en moi une grande tension. Et j’ai alors senti une énergie incroyable monter en moi. Elle tourbillonnait dans ma tête. Je ne comprenais absolument pas ce qui m’arrivait. Au fur et à mesure que les heures passaient, cette énergie gagnait en puissance jusqu’à devenir pareille à un torrent. J’avais l’impression que ma tête allait éclater et j’eus très peur de mourir. Oui, à ce moment-là, j’étais sûr que j’allais mourir, que ma dernière heure était arrivée. Mais, d’un seul coup, il y eut comme une « explosion » et toute cette formidable énergie se déversa au dehors et je vis alors apparaître l’image de l’Univers avec les cycles cosmiques à l’intérieur. Je devais plus tard comprendre que j’avais réalisé la fusion atman-brahman comme Śaṅkara ou Abhinavagupta.

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  4. Réflexion. Dans le Tantrāloka, Śāmbhavopāya, on peut lire (3. 47-48) : « Comment l’Univers peut-il être absorbé dans une seule Conscience ? Comme l’image tout entière est reflétée dans un cristal parfaitement limpide, de même en est-il pour l’Univers tout entier dans la Conscience, qui possède une parfaite limpidité. » Dans ce chapitre, Abhinavagupta tente d’expliquer à partir de sa propre expérience comment il est possible que l’« image » de l’Univers tout entier puisse surgir à la conscience. Eh bien, dois-je dire, sans la lecture du Tantrāloka, je n’aurais jamais osé aborder cette question, de peur de passer pour fou et aurais gardé cette grandiose expérience enfouie au plus profond de mon être. Ce que je sais, c’est qu’à la fusion atman-brahman, j’ai ressenti comme une explosion et cette « image » de l’Univers est apparue. En fait, il ne s’agit pas vraiment d’une image, mais plutôt d’une compénétration où l’âme individuelle fusionne avec le Tout. Je pense que cela est possible car chaque « grain » d’énergie cosmique contient l’image du Tout. Et lorsque qu’un « atome » d’énergie cosmique s’ouvre à l’intérieur de l’esprit, c’est le mode d’emploi de toute la Création qui vous est révélé. C’est ce qui arriva à Abhinavagupta, Śaṅkara, Rāmānuja, Ramana Maharshi et bien d’autres. Ils ont tous eu cette même expérience de l’Un, même s’ils ont posé des systèmes qui paraissent différents.

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