samedi 30 décembre 2023

Quelle connaissance est libératrice ?


D'ordinaire, la connaissance est considérée comme libératrice. Mais Shiva dit que "la connaissance est le lien.

Alors qu'en est-il ? Lien ou libération ? 

La connaissance incomplète est un lien.

La connaissance complète est libération.

Mais qu'est-ce que la connaissance complète ?

C'est la connaissance complète de l'expérience, c'est-à-dire de la conscience.

Mais qu'est-ce que la connaissance complète de l'expérience ?

C'est la connaissance complète du cycle de la conscience. Ce qui est dit dans le Tantra de la pratique du yoga :

utpattisthitisaṃhārān ye na jānanti yoginaḥ /
na muktāste tadajñānabandhanaikādhivāsitāḥ // (cité dans Tantrâloka, 6, 59)

"Les yogis qui ne connaissent pas

les (cycles de) l'éclosion, de l'existence et de la résorption

ne sont pas libérés : ils baignent entièrement

dans le lien qu'est cette connaissance incomplète."

La voie royale de l'éveil libérateur est donc la voie de l'observation attentive des cycles de la conscience, c'est-à-dire de l'expérience. Tant que je ne connais pas pleinement la source des pensées, sensations et autres cognitions, je suis aliéné. Dès que je la reconnais, je deviens "maître de la roue".

vendredi 15 décembre 2023

Stage "Allumer les chakras" à Paris janvier 2024

 




Allumer les chakras

Expérience de l'éveil par le corps selon la tradition du Tantra

Stage avec

David Dubois

Du samedi 27 au dimanche 28 janvier 2024

À la Cité des Consciences (Paris)
et en visioconférence en direct par Zoom
Le corps est le temple. Le sanctuaire.
Le corps n'est pas un obstacle à l'éveil spirituel : il est le moyen.
L'éveil, c'est l'ouverture de la conscience au-delà des limites du corps.
Mais cela passe par le corps.
Et le corps, c'est le mandala des chakras, ces fameuses roues d'énergies.
Comment les faire tourner ?
Nous ferons l'expérience des enseignements de la Yoginî, la Déesse, pour dégeler ces anneaux de feu et fluidifier notre être.
Le but est une connexion stable avec notre être intérieur déjà éveillé.

Stage ouvert aux adhérents de la Cité des Consciences (adhésion en ligne ou sur place), dans la limite des places disponibles, en présentiel ou en visioconférence en direct, avec ou sans expérience de la méditation, du Tantra ou du Yoga.

Programme

  • méthodes d'éveil de l'énergie
  • méditations assises courtes, accessibles à tous
  • mudrâ de Shiva
  • mudrâ de Shakti
  • les voies d'éveil des chakras, au-delà de la dualité haut/bas
  • des rituels simples de la tradition
  • méditations en mouvement, tambour, musique
  • méditations allongé, imposition des mantras
  • méditations de relation à l'autre
  • méditation de sons et de chants
  • théorie : les instructions de la Famille Divine (kaula)
  • comment éveiller les chakras avec les mantras, seul (mais l'on n'est jamais vraiment seul !) ou à deux.

Texte support : « Les Quatre yogas », David Dubois, éditions Almora

En savoir plus : https://david-dubois.com/

Informations pratiques

Horaires

Stage sur 2 jours du samedi 27 janvier 2024 de 10h à 17h au dimanche 28 janvier 2024 de 9h à 16h.

  • Accueil le samedi à partir de 9h30 ;
  • Début du stage le samedi à 10h00 ;
  • Fin du stage le dimanche vers 16h00.
Tarifs
En présentiel à la Cité des Consciences
  • Tarif soutien (pour soutenir les tarifs réduit et jeune) : 180 €
  • Tarif normal : 150 €
  • Tarif réduit (faible budget) : 120 €
  • Tarif jeune (-30 ans) : 75 €

Possibilité de s'inscrire en réglant un acompte.

En visioconférence en direct par Zoom
  • Tarif soutien (pour soutenir les tarifs réduit et jeune) : 105 €
  • Tarif normal : 90 €
  • Tarif réduit (faible budget) : 75 €
  • Tarif jeune (-30 ans) : 45 €

Adhésion obligatoire à l'association « La Cité des Consciences » (à partir de 15 €).

Lieu

À la Cité des Consciences, 24 rue Chanoinesse, 75004 Paris.

Inscription – Réservation – Participation

Pour vous inscrire à l’évènement :

En présentiel à la Cité des Consciences

1) adhérez à l’association la Cité des Consciences (adhésion valable du 1er septembre 2023 au 31 août 2024) en cliquant sur le bouton ci-dessous pour accéder à notre formulaire d'adhésion en ligne :
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2) réservez votre place dès maintenant en cliquant sur le bouton ci-dessous pour accéder à notre formulaire d’inscription sécurisé, puis suivez les instructions pour vous inscrire :
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jeudi 7 décembre 2023

L'œil qui ne voit pas



La conscience.
La plus parfaite évidence.
Le mystère le plus insondable.

Je voudrais partager avec vous que cet enseignement existe aussi dans notre tradition, occidentale. Non seulement en Orient.

Voici des sources.

D'abord, un extrait d'un enseignement d'Augustin d'Hippone (430) :

"Puisque la lumière fait voir tous les autres êtres 
qui se voient à la faveur de ses rayons, 
aura-t-elle elle-même besoin d'un secours étranger pour se faire voir ? 
La lumière fait apercevoir les objets étrangers, et du même coup, 
elle se fait apercevoir elle-même. 
Tout ce que nous comprenons, 
nous le comprenons au moyen de notre intelligence ; 
et notre intelligence, comment en avons-nous la connaissance, 
sinon par elle-même ? 
En est-il de même de nos yeux, 
et se font-ils voir en même temps qu'ils montrent les objets environnants ? 
Non, car si l'homme aperçoit les autres avec ses yeux, 
il ne les aperçoit pas eux-mêmes. 
Les yeux de notre corps voient autour d'eux, mais ils ne se voient pas : quant à notre intelligence, elle comprend
ce qui n'est pas elle, et elle se comprend elle-même." (Sur l'Evangile selon Jean, traité 47, 3)

Voilà le paradoxe étonnant : 
la conscience ("l'intelligence") est la lumière qui rend tout visible ; 
et pourtant, je ne la vois pas ! Je ne vois pas ma vision. 
Plus encore : Cette lumière n'a pas besoin de lumière pour être illuminée, 
car elle s'illumine elle-même en illuminant ce qui l'entoure. 
Il en va de même pour la conscience : 
En manifestant les choses, elle SE manifeste. 
Elle n'a donc pas besoin d'une autre conscience pour se réaliser, se connaître. 
Et pourtant, je ne la réalise pas ! 
Je ne prend pas conscience que je suis, qui est tout, 
hors de laquelle il n'est rien, 
alors même que je ne pourrait prendre conscience de rien sans conscience.

Voici donc deux principes d'éveil qui sont au cœur du Tantra non-dualiste et que l'on retrouve ici, en plein cœur de la tradition occidentale : 1) La conscience n'est pas connaissable à la manière d'un objet ; 2) La conscience n'a pas besoin d'autre chose pour se connaître.

Mais alors, pourquoi ne se connait-elle pas ? Pourquoi ne suis-je pas "éveillé" ? Parce qu'à force d'être omniprésente, elle est comme invisible. Comme l'espace, partout et, donc, nulle part. Transparente, elle présente les choses en s'absentant. Tournée vers les choses, elle s'oublie.

Second extrait, d'Hugues de Saint-Victor (1141) :

"L'œil voit tout sans  se voir lui-même, 
et cette lumière qui nous fait apercevoir tout le reste 
ne nous permet pas de voir le visage même 
où se trouve la lumière de nos yeux.
C'est pas des indices extérieurs 
que les hommes apprennent à connaître leur visage, 
et leur physionomie leur est connue le plus souvent par l'ouïe que par la vue, 
à moins que tu n'apporte un miroir d'un autre genre, 
où je puisse connaître et aimer le visage de mon cœur. 
Comme s'il n'était pas très juste de traiter de fou celui qui, 
pour nourrir son amour, 
regarderait sans cesse dans le miroir le reflet de son visage." (Les Arrhes de l'amour)

Ici, la conscience (le "visage") est si proche, 
que je dois passer un par détour : le miroir. 
Ou bien la parole d'autrui. 
Cette parole, c'est l'enseignement spirituel, miroir de notre vrai visage. 
Ce miroir, c'est aussi la nature. 
Quand je contemple le cosmos, 
je me vois moi-même, 
j'aperçois "comme en un miroir" la Source de toutes choses, 
au-delà de toutes choses, 
mais pas encore "face à face".
Notez aussi l'allusion à Narcisse :
était-il amoureux du reflet, ou du miroir ?

Dernier extrait de Bonaventure de Bagnoregio (1274), à propos de l'Être pur :

"Quel étrange aveuglement pour notre esprit 
de ne point apercevoir
ce qu'il voit en premier, 
et sans lequel rien ne peut être connu.
Mais c'est comme notre œil, concentré sur diverses couleurs : 
il ne voit pas la lumière qui les rend visibles. 
Ou s'il la voit,
il ne la remarque pas. 
Il en est de même pour l’œil de notre âme :
concentrée sur les choses particulières et générales, 
il ne remarque pas l'être qui est au-delà de toutes les catégories,
alors que c'est l'être qui se manifeste en premier dans l'âme,
et que c'est grâce à lui qu'il voit le reste.
Ainsi la formule se vérifie pleinement : 
'semblable à l’œil du hibou aveuglé 
par la lumière, l'œil de notre âme est ébloui par trop d'évidence'.
Habitué aux fantômes du sensible, dès qu'il regarde la lumière de l'Être souverain,
il lui semble ne plus rien voir.
Il ne comprend pas que cette obscurité suprême 
opère l'illumination de notre esprit.
Ainsi l'œil du corps en face de la pure lumière a l'impression
de ne rein voir." (Itinéraire de l'esprit vers Dieu, 5, 4, trad. Duméry modifiée)."

"Ebloui par trop d'évidence"... tout est dit. Où tout ce qui peut l'être.
Dans ces extraits toute l'évidence et tout le mystère sont indiqués, de ce que l'Inde nomme "conscience" ou "soi-même".

Je note au passage que notre premier auteur, Augustin, réfute dans son traité Du Maître l'idée que l'on puisse faire connaître en pointant du doigt. Selon lui, chacun de nous a déjà un "doigt" intérieur pointé vers la Vérité (le Maître, le Logos). Et c'est cela qui rend possible l'intelligence. Or, en Inde, Bhartrihari et Abhinavagupta défendent une idée très semblable. Là encore, affinité, voire parenté de l'Inde et de l'Europe.

Ainsi, de même que la conscience croit avoir besoin d'une autre conscience (un maître ou un "gourou") pour se connaître, de même nous croyons avoir besoin de l'Inde, et autres idoles, pour nous connaître, alors que cette même conscience est bien présente, ici, en Occident, de même que la conscience est omniprésente. 

Or, voici venu le temps du retour.

dimanche 19 novembre 2023

Oublier le monde ?

Brahmâ

Le Livre de la libération, Mokshopâya (qui deviendra plus tard le Yoga-vâsishtha, dont j'ai traduit une version abrégée), résume en un verset l'essence de l'enseignement non-dualiste transmis à l'origine par Brahmâ. La libération, c'est le détachement. Or, ce détachement n'est pas possible tant que l'on croit en la réalité du monde. Le MU, par la bouche de Vasishtha, conseille donc d'oublier le monde :

bhramasya jāgatasyāsya jātasyākāśavarṇavat /
apunaḥsmaraṇam manye sādho vismaraṇaṃ varam // 1,2.2

"Ô toi qui es noble ! Ce monde est une illusion,
il (semble) exister comme la couleur du ciel.
Je recommande de ne plus y penser :
l'oubli (du monde) est excellent."

Mais le commentateur Bhâskara (XVIIème siècle) qui connaît aussi le shivaïsme du Cachemire, critique cette valeur accordée à l'oubli :

he sādho | Ô toi (prince Râma) qui es noble !
aham asya puraḥ sphurataḥ | jāgatasya jagatsambandhinaḥ | Moi, à propos de ce monde qui se présente ici et maintenant,
tadviṣayasyeti yāvat | et des objets qu'il comporte,
tathā ākāśavarṇavat ākāśanīlimavat | (je dis qu'il est) comme la couleur du ciel, comme le bleu du ciel.
jātasya prādurbhūtasya | (Ce monde semble) exister, (semble) réel,
mithyābhātasyeti yāvat | mais (en réalité) il est une apparence illusoire.
bhramasya jagattvajñānarūpasya mithyājñānasya | Cette illusion qu'est la cognition "monde" est une cognition erronée.
apunaḥsmaraṇam punaḥsmṛtiviṣayabhāvānayanam | (Je recommande) de ne plus y penser, de ne plus y prêter attention.
upekṣām iti yāvat | Autrement dit (je recommande) de le regarder de haut.
varam utkṛṣṭaṃ | (Cela) est excellent.
vismaraṇam vismṛtiṃ | L'oubli, c'est le fait de "ne plus penser à".
manye | Je (le) recommande)
upekṣā evātra yuktā | (Mais) ici, seul un regard distancié est adéquat (yuktâ),
na vismṛtiḥ | et non pas l'oubli.
tasyāḥ jāḍyavyāptatvād iti bhāvaḥ || Parce que, en effet, l'oubli relève nécessairement de ce qui est privé de conscience (et inerte, comme les pierres).
____

Bhâskara commence par paraphraser. Mais quand l'Auteur du MU prône "l'oubli" (vismarana), il tique. En effet, l'oubli ou amnésie est, par définition, un état inerte, jada, à l'opposé de la conscience, cit. Or, le MU, comme le shivaïsme du Cachemire et le Tantra non-dualiste, enseignement que "tout est conscience" (cinmâtram), et que la conscience est dynamique, créatrice, le contraire même de l'inertie et de l'oubli. L'oubli, c'est l'état d'une pierre, c'est le coma, c'est l'état où la libre conscience se manifeste (librement certes) comme son opposé : comme privée de conscience. Dans cette manifestation de l'opposé de soi, tout en restant soi, la conscience affirme au plus haut point sa souveraine indépendance.
Et donc, Bhâskara propose d'interpréter cet "oubli" en le glosant par "regarder de haut" (upekshâ), ou "ne pas regarder", négliger, mépriser, regarder avec indifférence. Cependant, cela ne fait que repousser le problème, me semble-t-il.

Plus profondément, le message de détachement sur fond de prise de conscience de la nature illusoire de toutes choses est-il compatible avec l'élan absolu valorisé par le Tantra ? N'est-ce pas, en un sens, l'éternelle dispute entre Shiva et Shakti ?

samedi 18 novembre 2023

L'enseignement cosmique de la non-dualité



Selon le Livre est la méthode de libération, Moksha-upâya-shâstra, composé au Cachemire vers 950, Brahmâ, le Rêveur du rêve dans lequel nous rêvons tous, a prodigué un enseignement pour guérir les êtres du mal-être (duhkha) engendré par le mental (manas). 

Il a transmis cette thérapie à son fils spirituel, Vasishtha. Celui-ci l'a transmis à d'autres sages. Et ces sages l'ont transmis à leur tour aux rois de la Terre (bhûpati) qui, après la fin de l'Âge d'or, avaient de plus en plus de mal à éviter les guerres. Cet enseignement devint alors la science royale (râja-vidyâ), le secret royal (râja-guhya) transmis de génération en génération.

Un jour, on demanda au prince Râma d'aller combattre les démons qui perturbaient une grande cérémonie sacrée. Mais le prince, âgé de seize, était en train de réaliser que toute vie est vouée à la mort, que le pouvoir est vain, ainsi que tous les plaisirs. Les êtres sont plein de vices, la vie est une farce. A quoi bon aller se battre contre les démons ? Le roi son père demande alors à son prêtre, Vasishtha, de guérir le prince afin qu'il accomplisse ce qui est juste.

Quel est l'enseignement ?

Il est résumé dans le premier verset du Moksha-upâya :

divi bhūmau tathākāśe bahir antaś ca me vibhuḥ / yo 'vabhāty avabhāsātmā, tasmai viśvātmane namaḥ // 1,1.1

Je traduis littéralement :

"Je salue ce Soi universel qui est le Soi apparent, Seigneur qui m'apparaît à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, qui m'apparaît dans le ciel, sur la terre et aussi dans l'espace".

L'accent mis sur le Soi comme Apparence (avabhāsa), comme manifestation de toutes choses, est frappant, car dans la suite de l'enseignement, l'accent est mis sur le fait que "tout est illusion". Ces deux affirmations a priori contradictoires doivent se comprendre ensemble : le Soi, n'étant limité à aucune apparence, se manifeste en toutes. Dépourvu de forme fixe, il apparaît sous toutes les formes. Comme un miroir qui n'a aucune forme propre et qui peut ainsi refléter toutes les formes, le Soi n'est rien et ainsi il est la source de tout.