jeudi 18 juillet 2013

Maîtres contemporains du shivaïsme

Je prépare une anthologie de textes composés en sanskrit par des maîtres du shivaïsme du Cachemire du XXe siècle. Jusqu'à leur publication, plusieurs de ces traductions seront disponibles sur ce blogue : Râmeshvar Jhâ, Hara Bhatta Shâstrî, Balajinnâth Pandit, Swâmî Lakshman Joo et Amritavâgbhava.

Ce dernier é^tait un ami de Gopinâth Kavirâj, un maître important dans la renaissance du tantrisme non-dualiste au XXe siècle. On le voit ci-dessous (3'56) avec Anandamayî Mâ.


On peut trouver également plusieurs vidéos de Swâmî Lakshman Joo. Ses interprétations sont souvent discutable et quelque peu déformées par le puritanisme de son auditoire, mais il a composé quelques textes qui ne sont pas sans intérêt. Il explique ici comment nos organes sont des divinités, selon l'interprétation tantrique de la Bhagavad Gîtâ :


Une vidéo récente de la célébration de son anniversaire dans son ashram de Shrînagar. Il est mort depuis longtemps, mais sa disciple Prabhâ Devî continue à transmettre son enseignement. Cet anniversaire est célébré en septembre. Le reste de l'année, l'ashram est vide et protégé par l'armée indienne, car il est le dernier vestige hindou de la vallée du Cachemire. Les Hindous ("pandit" principalement) ont en effet été victime d'une nouvelle vague de purification ethnique de la part des Musulmans à partir de 1990, après des siècles de pogroms et de discrimination. Les Hindous qui ont survécu au Jihad purificateur se sont donc réfugié ailleurs dans leur propre pays, par exemple à Delhi où vit Prabhâ Devî. On voit ici l'ashram, dans le paysage alpin typique du cachemire :


Des Occidentaux ont étudié avec Lakhsman Joo durant les années 70 (en dehors de Lilian Silburn qui l'a "découvert" en 1947), comme Mark Dyczkowski et Alexis Sanderson.
Voici Mark Dyczkowski expliquant le Tantrâloka :


Et, enfin, une conférence de Sanderson sur le plaisir et les émotions dans le shivaïsme. Très intéressant, mais en anglais, comme tout le reste :




Cette dernière intervention est passionante, en vérité. Vers 42', Sanderson commence à traduire un passage d'un très important tantra, le Jayadratha Yâmala, à propos des mudrâs. Ici, mudrâ ne désigne pas seulement un geste des mains, mais une attitude de l'ensemble du corps, une posture, qui vise à provoquer une possession par la divinité, Bhairava en l’occurrence. Telle est le véritable modèle de la méditation shivaïte non-dualiste : il s'agit de s'immerger dans l'état (bhâva) d'une divinité, exactement comme un acteur s'identifie à une émotion esthétique (rasa) en adoptant expressions, intonations et postures. Dans ce tantra non-dualiste ancien, les émotions dominantes sont la colère, la furie, la terreur - d'où l’appellation bhairava "le terrifiant". Sanderson traduit ainsi ce passage, super-secret, évidement :

"Grâce à cet enseignement (secret), on devient Bhairava en personne.
En s'identifiant ainsi à Bhairava,
Il infusera toute chose, vivante ou non.
Le premier des mantra (de possession) est 'Celle qui a les dents longues'.
L'esprit enivré d'alcool,
Réjouit par le parfum de l'encens le plus subtil,
Mâchant de la noix de bétel,
Parfumé de pâte de santal et d'aloé,
Il s'identifie d'abord à la déesse et à sa vitalité (au plus profond de lui-même).
Il doit alors se lever d'un bond
Avec une explosion du souffle.
Il étend alors sa jambe gauche,
S'ouvre la bouche en grand avec le majeur et l'annulaire des deux mains (comme pour une grimace),
Tire la langue et la remue au dehors
En émettant un 'ha, ha' (terrifiant).
Il doit ensuite rire comme un sauvage.."

Bref il essaie d'induire une transe en imitant l'expression de la déesse féroce Tchâmoundâ. En quelque jours, il atteint la perfection. Il atteint finalement la "grande fusion" avec toutes choses. Les dâkinîs/yoginîs l'emmènent au ciel pour des étreintes sans fin...
Dyczkowski
Dyczkowski
Dyczkowskiet Alexis Sanderson.expliquant un passage du Vijnâna Bhairava Tantra

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