dimanche 29 mars 2015

Comment échapper au dogmatisme et au scepticisme ?

Homo vitruviano

Comment échapper au pouvoir destructeur du relativisme ? Comment assumer la relativité néanmoins ? Comment montrer les limites du savoir, sans détruire le savoir ? 

C'est le défi de la mondialisation. Il faut changer, s'adapter sans cesse. Mais cela est-il possible sans boussole ? Sans but ? Sans valeurs ? Mais comment poser des valeurs sans retomber dans le dogmatisme prémoderne ?

Comment éviter à la fois le scepticisme qui ravage notre civilisation, et le dogmatisme qui nourrit les fanatiques ?

Tournés vers le passé ou vers l'avenir, nous avons besoin d'un but. Nous devons être capables de transmettre tout en sachant que notre savoir sera dépassé. Nous devons avoir la foi, tout en sachant assumer la relativité.

Je crois que la modernité l'a expliqué. Bien et fort bien. Mais, tombés que nous sommes dans les marécages de la postmodernité et de son poison mental, le relativisme culturel, nous l'avons oublié. La modernité, c'est le juste milieu entre l'ethnocentrisme prémoderne et le relativisme postmoderne qui, chacun à leur manière, nous rapprochent chaque jour un peu plus du gouffre. Il faut une nouvelle modernité, un salut parce cette magnifique media tempestas que fut le siècle des Lumières.

L'un des fondateurs est ici Nicolas de Cues (1401-1464).
Il reprend la définition de Dieu que l'on entend dans la bouche de l'un des vingt-quatre philosophes du Livre des vingt-quatre philosophes, recueil platonicien de vingt-quatre définitions de Dieu, dont la dernière est le silence, et la seconde, celle-ci :

"Dieu est une sphère infinie dont le centre est partout, et la circonférence, nulle part"

Nicolas l'applique à l'univers. Non sans distinguer Dieu et l'univers, car s'il est vrai que seul un univers infini peut convenir à l'oeuvre d'un Dieu infini, il reste que ce dernier seul est infini en acte, tandis que l'univers l'est en puissance. Mais l'univers est ainsi indéfiniment perfectible, de même que sa connaissance, laquelle a son temple en tous les êtres doués de conscience. Dieu est le maximum en acte. L'univers est le maximum en puissance, toujours minimum, explication jamais achevée de l'infini . L'Homme - ou tout être conscient, car Nicolas entrevoyait la pluralité des mondes et l'égalité de tous les êtres conscients - est le lieu de la réalisation de la coïncidence des opposés, concorde dont le Christ est l'incarnation parfaite. 

Ainsi, il y a toujours plus à savoir. Mais cela ne ruine certes pas l'entreprise de savoir. Car le savoir progresse, même s'il n'égalera jamais le savoir infini en acte de Dieu. Rousseau dira que l'Homme est "indéfiniment perfectible". C'est la clé. La panacée. Ainsi nous pouvons dépasser sans cesse nos limites, progresser, sans nous décourager. Telle est la Voie, le salut.

Et donc, c'est ainsi que tout est relatif, sauf Dieu. Tout maximum est relatif à un minimum et coïncide avec lui. Mais le maximum et le minimum relatifs convergent dans la simplicité du Maximum absolu, Dieu, à qui tout est relatif et qui n'est relatif à rien. Tout est donc relatif, mais relatif à l'Essence, à l'Unité, à la Trinité, à l'Acte, au Bien, au Beau, au Juste, au Vrai.

Ce qui fait que Nicolas pouvait dire tranquillement :
"Et c'est pour cette raison que chacun, qu'il se trouve sur la Terre, sur le Soleil ou sur une autre étoile, aura toujours l'impression de se tenir en un centre quasi immobile pendant que toutes les autres choses lui sembleront en mouvement, si bien qu'à coup sûr les pôles qu'il se fixera seront invariablement autres selon qu'il sera sur le Soleil, sur la Terre, sur la Lune, sur Mars, etc. De là vient que la machine du monde aura, pour ainsi dire, son centre partout et sa circonférence nulle part, puisque son centre et sa circonférence sont Dieu, qui est partout et nulle part" (La Docte Ignorance, II, 12)

Je vous le dit chers amis, telles est l'Idée salvatrice, que l'Inde avait médité depuis longtemps, mais qui étaient aussi présente en germe dans la pensée de certains sages d'Occident. C'est d'ailleurs peut-être la raison pour laquelle la Chine et l'Inde résistent si bien aux défis de la mondialisation, quand nous en sommes encore à nous chercher, quoi que nous n'ayons nul motifs d'avoir honte. Mais la clef est là ! La solution existe. Tout est relatif, mais relatif à un absolu. Ainsi, nous aurons à la fois la souplesse d'esprit pour accueillir l'autre, et la confiance en soi pour ne pas le laisser nous détruire.

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