samedi 25 avril 2015

D'où vient la dualité ?

Arunâchala, Dieu fait montagne, la conscience se manifeste comme inconscience

Pour le Vedânta, la réalité est une, et la dualité n'est qu'une illusion due à l'ignorance ou aveuglement (avidyâ). 
Mais d'où vient cette ignorance ? A qui appartient-elle ? En général, le partisan du Vedânta répond par une pirouette : Demander d'où vient l'ignorance, c'est cela, l'ignorance !

Pour la philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnâ), en revanche, la dualité est la libre manifestation du Soi. Jouer à se manifester à soi comme autre que soi, tel est son désir, sa liberté, son cœur, son âme. 

Là où le Vedânta parle d'être (sat), la Reconnaissance parle d'acte (kartritâ) ou d'acte d'être. 
Pour le Vedânta, la vérité est du côté de l'absolument immuable, du transcendant. 
Pour la Reconnaissance, la vérité est du côté du mouvement, de l'initiative, de l'élan, de la création, de l’illusion, de la magie. 
Vertigineux renversement.

Ce passage d'Utapaldeva le montre bien, qui critique le Vedânta et sa théorie de l'illusion :

"Même si la réalité, la conscience, est une (seulement, comme le prétend le Vedânta), la dualité entre les phénomènes n'est pas possible, car elle reste sans cause (et inexplicable. Pourtant, elle se manifeste bien !). De plus, l'action est impossible pour cette conscience (ainsi conçue par le Vedânta comme une pure unité).
Mais si le Soi, la conscience, manifeste comme séparé (de soi ce qui est Soi), parce qu'il prend conscience de soi en un désir d'agir ainsi fait (qu'il est à la fois unité et dualité, identité et altérité), alors (la dualité) s'explique ! 
Même dans l'acte d'être, ou d'exister, comme dans "il est", ou "il existe", une chose privée de conscience propre est incapable d'agir, car elle est privée de liberté, en ce sens qu'elle n'a pas le désir d'exister.
Dès lors, la vérité ultime de la (dualité), c'est que c'est le sujet conscient lui-même qui fait exister la (dualité), ou (on peut dire que) c'est le sujet conscient lui-même qui existe sous telle ou telle forme, sous la forme de l'Himâlaya par exemple."

Utpaladeva, Autocommentaire au poème pour la Reconnaissance, II, 4, 20

Autrement dit, l'Himâlaya n'est pas une illusion inexplicable, mais Dieu qui se fait montagne, le Soi qui se fait autre, parce que tel est son désir, parce qu'il est libre, parce que c'est cela, être conscient. Le désir est l'essence de la conscience, ce qui la distingue de la matière, des choses privées de conscience propre. 
Si illusion il y a, c'est alors celle qui consiste à oublier que la dualité est une manifestation de l'unité, de la conscience. Donc, le Vedânta est dans l'illusion. Mais cette illusion magique fait partie du jeu de la conscience, qui joue ainsi tous ces personnages, qui assume ces points de vue, jusqu'à se reconnaître elle-même en sa plénitude.

Dieu se manifeste comme montagne. Tel est le cas de la (petite) montagne du Sud de l'Inde, Arunâchala, la montagne rouge, manifestation de Dieu sur terre selon Ramana et d'autres croyants. Ramana a composé en tamoul un hymne à cette montagne de la dualité, libre manifestation de la conscience destinée à rappeler à ses amoureux que toute chose et tout être sont des manifestations de la conscience :

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