mardi 23 février 2016

Nul moyen pour parvenir à Dieu, que Dieu



La mystique, c'est-à-dire la vie intérieure, est universelle. Non qu'elle soit présente partout et en tous temps également. Mais quand elle est présente, elle présente les mêmes traits. Les mystiques nous donnent les mêmes conseils de vie.

Voici un exemple clair.
Il n'y a pas d'autre moyen pour atteindre Dieu, que Dieu. Et, comme Dieu est amour, l'amour est le moyen d'atteindre Dieu.

D'abord, un moine français du XVIIème siècle, célèbre en ce temps du côté de Montmartre :

"Il semble nécessaire que je montre le moyen de parvenir [à Dieu], moyen, dis-je, sans moyen.
Car soyez assuré que nul acte, méditation, pensée, aspiration ou opération profitent ici. De même, aucun discours, nul exercice ou enseignement, ni nul moyen doit ici moyenner entre l'âme et cette volonté essentielle ou essence de Dieu, mais cette seule fin [à savoir, Dieu] sans aucun moyen nous doit attirer à elle et nous élever à l'heureuse vision et contemplation d'elle."
Benoit de Canfield, La Règle de perfection, p. 30

Le message est clair : le seul moyen d'arriver à Dieu, c'est Dieu. 

Lisons maintenant ce que dit un mystique du Cachemire du XIème siècle, quand il explique le vers d'un autre mystique qui "Salue l'être plein d'amour divin à qui Dieu se manifeste sans aucun moyen" :

"Je salue celui à qui Dieu se manifeste sans aucun moyen" relevant du plan de la dualité, je salue celui pour qui se déploie son propre Soi qui est Dieu. Lui seul est "plein d'amour", riche, parce qu'il est possédé par l'amour, et par lui seul, et parce qu'il n'est point sali par l'espoir de quelque chose de plus que l'amour. Je salue cet amoureux, cet être doué de l'amour inséparable de Dieu, lequel est révélé par la force du miracle de l'amour. Et "je le salue" dans un état de pleine conscience, un état de possession en Dieu qui n'est pas différent du sien. Dieu se manifeste "ainsi", parce qu'il se manifeste d'une manière qui n'est pas de ce monde, il se manifeste "sans image ni prière". En effet, images sacrées et prières apparaissent aux autres comme leur propre essence qu'ils doivent contempler et prier en une forme limitée séparée d'eux-mêmes. A "L'être plein d'amour", par contre, sa propre essence divine se manifeste clairement et en toute circonstance sans aucun moyen, sans forme limitée, douée de toutes les formes, masse de conscience ininterrompue. C'est pourquoi l'auteur dit que Dieu se manifeste à lui "sans moyen". Un moyen, c'est ce qui se pratique en récitant d'abord des louanges, etc. et qui est une cause. Dès lors, attendu que toutes les pratiques sont "contractées", elles ne peuvent servir de moyen pour atteindre notre essence qui n'est pas "contractée". Cette essence n'est atteinte, par la grâce de l'intelligence divine, que par ceux qui ont la bonne fortune de se laisser posséder par l'essentiel. "

Kshemarâdja, Explication des Hymnes à Shiva, I, 1 

Nous retrouvons ici le même conseil : l'amour est Dieu, et l'amour ramène à Dieu. Pas d'autre moyen.

De la même région et de la même époque, on pourrait citer un anonyme (bien que ce poème soit souvent attribué à Abhinavagoupta, mais je crois que c'est une erreur) :

"Ici, ni transmission, ni exercice,
Ni révélation, ni raison,
Ni quête, ni méditation,
Ni concentration,
Ni effort, ni pratique, ni répétition.
- Alors dis, parle en vérité !
Écoutes cela,
Entends cette vérité souveraine,
Très certaine :
Ne lâche rien,
Ne prends rien.
Savoure toute chose
A ton aise,
Tel que tu es."

 Hymne à l'Insurpassable, 1

Ici, pas d'amour, mais une invitation au lâcher-prise. A mon sens et selon mon expérience, il s'agit, au fond, du même ressenti, même si on peut discuter de ce point.

J'en retiens que la mystique, comme science de l'intérieur, est universelle, et qu'elle est la vie bonne, la voie du salut pour nous, malgré nos limites.

1 commentaire:

  1. Sans Nom

    Je ne connais Ton Nom,
    Mais je vis en Ta Lumière.
    Je ne peux Te formuler,
    A peine Te partager.
    Parfois je m’éloigne de Ta Bonté,
    Mais je sais aujourd’hui qu’en moi
    Se trouvent les causes à Ton absence,
    En Toi l’origine de toute Présence.
    Trop de vulgaires se contentent d’un Dieu
    Anthropomorphe, limité et féroce
    Pour mieux se détourner de Toi.
    Ils se battent sur un mot, une dialectique,
    Allant jusqu’à tuer plutôt que de t’accueillir.
    Je ne connais Ta Nature,
    Pas plus que je ne connais la mienne.
    C’est en mon cœur, mon âme, mon esprit,
    En cela que je ne puis nommer,
    Que résident Ta Sagesse et Ta Lumière.
    Je t’aime et Tu aimes à travers moi.
    Les religieux aveugles, les sages bornés,
    Aiment à montrer pouvoir et dignité,
    Mais il n’est qu’humilité en Ta Présence,
    Amour, Joie et délivrance.
    Merci de m’offrir l’espace des obscurités
    Pour prolonger l’expérience
    Et ouvrir de nouvelles pistes dans l’invisible.
    Je ne connais Tes desseins,
    Mais me réjouis de les servir en toute simplicité.
    Humain, trop humain,
    J’ai pourtant retrouvé Ta Source et Tes courants.
    Je Te perds parfois pensant me rapprocher
    Et Tu me retrouves sans que j’aie à y penser.
    Merci …

    ML(2015)

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