mardi 31 janvier 2017

Un double mouvement

Quand j'énonce un Mantra, il part du bas du corps,
de la terre, comme si la Terre elle-même était 
la source de la vibration du Mantra, tel un ange sorti du sol.

En remontant, le Mantra emporte tout avec lui,
vers le haut, comme un feu,
pour que tout soit sauvé dans l'espace de la Présence.

Mais le mouvement du Mantra 
ne va pas seulement du bas vers le haut,
car simultanément à ce Feu ascendant,
une pluie de nectar de Lune
s'écoule du haut vers le bas,
allant me remplir jusqu'au bout des doigts
et au-delà,
régalant chaque parcelle de ma chair.



La vibration du Mantra
est double,
pour faire en bas comme en haut,
et en haut comme en bas,
en une union sans confusion.

L'humain se divinise.
Le divin s'incarne.

Je m'élève en la Déesse,
la Déesse descend en moi.
Un seul et double mouvement.

Jean disait :

Dieu est amour,
qui demeure dans l'Amour
demeure en Dieu
et Dieu demeure en lui.

Pourquoi la non-dualité paraît-elle aride ?

Depuis la mort de Poonja en 1997, 
la non-dualité connait une certaine vogue.
Pourtant, malgré le nombre de livres parus, 
malgré le nombre impressionnants d'"éveillés",
la non-dualité reste marginale.

Pour plusieurs raisons.
L'une d'elles est l'aridité de l'approche non-dualiste dominante.
La non-dualité est présentée, le plus souvent, comme un éveil à l'absence d'ego, de libre-arbitre, de volonté, d'individualité, de désir, d'engagement, de passion...
Selon la majorité des membres de ce courant, 
il n'y aurait que l'unité. Pas de dualité. Pas de séparation. 

Or, je veux certes me libérer, et je veux être libéré de certains aspects de moi, mais pas de "moi" tout court !
Qui peut vraiment aspirer à un tel anéantissement, à un tel suicide ?



A mon sens, cette non-dualité qui nie la dualité, l'individu, ses droits, ses passions, ses prises de risque, n'est pas la véritable dualité. C'est plutôt un dualisme qui ne dit pas son nom : on nous presse en effet de choisir entre l'absence de choix (l'éveil) et une vie de choix (et de souffrances).
Mais c'est un faux dilemme !
La non-dualité, c'est embrasser à la fois l'unité de la conscience universelle et la dualité de la vie personnelle, engagée, risquée et responsable.
Je veux à la fois la sécurité profonde de mon essence véritable,
et
l'aventure pleine de craintes et de tremblements de mon existence individuelle.
Voilà la non-dualité !
Elle n'exclut rien, mais elle inclut tout.
La séparation n'est pas la cause de nos souffrances.
Cette cause, c'est de n'avoir conscience que de la séparation.
Le problème n'est pas la séparation, le problème est le "que".
Le problème est de prendre la partie pour le Tout.
Or, les partisans de la non-dualité actuelle ne voient, 
eux aussi, 
"que" l'unité, l'absence de dualité. 
Certes, c'est merveilleux, mais c'est aussi une partie seulement du Tout.
C'est réducteur. Dualiste.
L'éveil complet, profond, 
c'est embrasser les différents points de vue.

Quand j'ai l'audace d'explorer ce paradoxe, je souffre en tant que personne, c'est certain,
mais cette souffrance se ressent sur fond d'unité, d'immensité, de joie profonde.
Et, moi conscience divine sereine, je goûte ma nature humaine terrifiée
dans l'émerveillement, l'humour et l'amour,
ces trois grandes émotions compatibles avec la dualité, l'indivi-dualité, et la souffrance.
Car oui, mes ami(e)s, il faut le dire une bonne fois pour toutes,
clairement et sans ambiguïté :
l'éveil ne supprimera jamais toutes les souffrances.

La séparation seule, c'est une souffrance épouvantable... une fois que l'ego est suffisamment construit.
Mais l'unité seule, dans le rejet de l'ego, est aussi une souffrance, vu qu'on ne peut vivre sans ego.

Par contre, nous pouvons savourer une vie pleine, entière, sans dilemmes stériles, une vie où nos différentes dimensions sont compatibles, et même complémentaires.

Shiva et Shakti,
divin et divine.

lundi 30 janvier 2017

Au-delà du mental ?

Les problèmes de la vie se présentent sous la forme de dilemmes : "Ou bien... ou bien..."
"Soit tu est avec nous, soit tu est contre nous".
"Soit tu es libre, soit tu es une marionnette".
"Soit tu te fie à ton intuition, soit tu raisonne avec ton mental".

Mais ce genre d'alternative est purement mentale !

Il existe une autre logique, paradoxale, sous forme de réconciliation : "A la fois... et..."
Je suis à la fois une personne unique et l'être universel.
Je suis à la fois libre et soumis aux lois du monde.
Je suis à la fois un corps et une conscience.
Je suis à la fois un cœur et une raison.
Je suis à la fois humain et divin.



Pour moi, ceci est la clé pour une spiritualité qui ne rejette pas la vie.
Qui intègre, réconcilie, embrasse,
après avoir distingué, discerné, séparé.

Le problème est un dilemme.
La solution est une vision qui embrasse les opposés.

Abhinava dit :

Je salue Shiva qui,
après avoir manifesté la dualité,
l'embrasse dans l'unité.


dimanche 29 janvier 2017

La paix intérieure

La prospérité ne suffit pas à nous combler.
Même riches, nous sentons un manque, une sorte de vide.
Pourquoi ?
Parce que nous somme fait pour ce qui est plus vaste que tout espace,
pour ce qui est plus riche que toute fortune,
pour ce qui est plus puissant que toute réussite.



Madame Guyon, une mystique du XVIIe siècle :

Les personnes du monde croient avoir la paix en se donnant toutes les satisfactions possibles.... mais si on les examine de près, si on leur demande à eux-mêmes.... ils avoueront qu'ils n'ont point de paix.... Ils désirent encore : plus ils sont comblés de biens, plus ils en souhaitent ; ils sont toujours agités, les plaisirs dont ils sont brûlés les soûlent, les dégoûtent sans les satisfaire.
D'où vient cela ? C'est qu'ils n'ont pas la paix en ces choses, et qu'ils ne la peuvent avoir.... leur cœur n'étant pas fait pour elles et étant incomparablement plus grand, il reste un vide dans ce cœur.... C'est ce qui les rend agités et inconstants : ils cherchent toujours de nouveaux plaisirs, ils les désirent avec ardeur, ils en jouissent, sans y trouver ce qu'ils s'éteint promis, ils en restent dégoûtés ; et comme ils éprouvent toujours ce même vide, ils passent toute leur vie à chercher ce qu'ils ne peuvent trouver....qui est la paix, qui seule peut remplir leur vie.
Voyons d'un autre côté une personne à qui tout manque, qui ignore tous les plaisirs, pauvre, persécutée des hommes, privée même de sa liberté.... on la regarde comme la plus malheureuse du monde... cependant on est surpris de ne remarquer au-dehors ni agitation ni impatience. Approchez-vous de cette personne, demandez-lui ce qu'elle désire ; elle, qui aurait tant de choses à désirer, vous répondra qu'elle est parfaitement contente et qu'elle ne désire rien. "Quoi ! Tout vous manque au dehors, et vous ne désirez rien ! - Non, je ne désire rien rien, parce que je ne trouve point de vide en moi... La paix que je goûte au-dedans remplit tout le vide de mon coeur avec surabondance...
Je n'ai pas simplement la paix parce que je suis privée de tous les biens que le monde estime, mais c'est l'extinction de tous les désirs qui cause ma paix.

Madame Guyon, Discours I, 52

Comprenons : ça n'est pas le vide extérieur qui conduit à la paix intérieure, à l'absence de désirs. C'est l'expérience de la Plénitude qui conduit à l'absence de désir et donc, à la paix. Madame Guyon ne fait pas d'effort pour se détacher. Elle concentre toute son énergie à s'ouvrir à son Centre, à se rendre disponible au ressenti d'amour et de félicité, comme un chien qui capte des effluves. Et, se laissant ainsi aller à ce Centre, elle se trouve en plénitude. D'où l'absence de désirs extérieurs.
Si l'on ne comprend pas cela et que l'on prend l'effet (l'absence de désirs) pour la cause, on se créera une tension qui mènera, tôt ou tard, à l'échec. Je ne dis pas qu'un peu de détachement extérieur, imposé, ici et là, n'est pas salutaire. Mais toute notre énergie doit se donner à la Plénitude intérieure. Alors nous serons pleins, remplis, contents, et naturellement sans désirs extérieurs ni agitation.

samedi 28 janvier 2017

Pas d'océan sans vagues

Au-delà de nos pensées, de nos sensations, de nos perceptions,
par-delà le monde, 
il existe un espace de pure présence.
Il ne brûle pas quand le monde brûle,
il ne souffre pas quand nous souffrons.



Mais ceci n'est que partiellement vrai.
C'est une astuce pour éveiller la conscience à son immensité.
Car cet espace existe t-il vraiment à l'état pur, sans les choses ?
On dit "conscience pure", "sans objet".
Mais cette conscience vierge existe t-elle vraiment ?

Cette reconnaissance d'une conscience "transcendante", pure, présente un avantage, certes. 
Mais aussi deux inconvénients.

Un avantage : si "je" souffre et que je me découvre comme conscience pure, je réalise que "je" ne souffre pas réellement. La souffrance est un objet qui passe en moi, espace de pure conscience, comme un nuage dans le ciel.

Mais deux inconvénients : D'une part, si je me conçois comme conscience pure, j'aurai tendance à vouloir faire disparaître les objets, les choses, le monde. J'aspirerai à la conscience pure, vidée de tout contenu. Et alors, d'un côté je voudrai m'éloigner du monde, et de l'autre j'aurai un problème avec mes pensées et mes émotions, car elles reviendront sans cesse. D'autre part, je vais croire que la conscience est coupée de tout, comme un espace qui contient tout, mais qui ne ressent rien, qui est indifférent. Cette indifférence apporte une certaine paix à la faveur de laquelle la personne peut s'épanouir jusqu'à un certain point. Mais alors, il restera toujours une séparation entre la conscience et les choses (dont mes pensées, etc.).

Pour éviter ces écueils, je crois qu'il est important de réaliser que la conscience n'est jamais totalement immobile et vide
L'Absolu n'est jamais absolument vidé du relatif. 
Regardez un miroir : sa surface n'est pas altérée par ce qu'il reflète. Il ne brûle pas quand il reflète du feu. Il ne gèle pas quand il reflète de la glace. 
Mais il n'est jamais sans reflet. 
En un sens, il est au-delà de ce qu'il reflète, car il n'est pas altéré par eux ; mais en un autre sens, complémentaire, il n'est jamais sans reflets, et il fait corps avec eux. 

C'est le paradoxe de la conscience, de la pleine conscience : 
je suis vide de tout, mais aussi, en même temps, plein de tout. 
Je ne suis rien et je suis tout.

Même dans les traditions de non-dualité, cette réalisation est courante.
Ainsi Vasishta le dit, l'Absolu

ne peut rester sans la manifestation,
qui lui est naturelle et qui est simplement ainsi.
(Pourquoi ?) Parce qu'il est conscient !
De même, l'or ne rester sans forme...

Toi qui est sage !
Dis-moi comment
le poivre pourrait être du poivre
sans avoir la saveur du poivre ?
Un sucre sans goût de sucre
serait-il du sucre ?
Une conscience sans conscience
serait-elle "pure conscience" ?

La conscience ne peut jamais exister
sans une subtile vibration
qui est l'essence de la conscience,
tout comme une chose ne peut être cette chose...
sans être cette chose !

Le Yoga selon Vasishta, VI/2, 82, 6-14

Et il ajoute :

L'or n'existe pas sans forme.
De même, Dieu n'existe pas
sans monde 
et sans sentiment du "je".

Le Yoga selon Vasishta, VI/2, 93, 43

Ce point est très important.
Si nous ne le comprenons pas, nous tomberons dans l'impasse d'une vie intérieure qui nie la vie.
La méditation n'est jamais "sans forme".
"Méditation sans forme" signifie seulement que je perçois sans saisir les formes, sans m'accrocher, en relâchant l'attention.
Mais la conscience n'est jamais absolument vide,
de même que l'océan n'est jamais immobile.

vendredi 27 janvier 2017

Avant toute séparation

Dans la vie intérieure, deux grandes approches : la connaissance et l'amour, ou l'intellect et le cœur, la sagesse ou la mystique. Complémentaires, mais distinctes et souvent perçues comme antagonistes. 

La voie de l'amour est celle du retournement du désir.
D'ordinaire, le désir se perd dans une multitude de choses et de situations désirées.
Mais si le désir se retourne, en quelque sorte, vers sa source, il retourne en cet instant éternel où le désir n'est pas séparé de tous les objets du désir. La plénitude. Voilà pourquoi cette voie est si puissante, du moins pour les amoureux et les audacieux.

En outre, dans ce premier instant du désir à l'état brut, il n'y a pas non plus de séparation entre connaissance et amour, entre conscience et désir, entre la "tête" et le "cœur", entre la raison et le sentiment.




Comme toute vérité, cette vérité a été reconnue en divers temps et lieux. Par exemple, dans le romantisme allemand. Voici un passage clair sur ce point du premier instant du désir, avant toute séparation, d'autant plus précieux qu'il est rare :

Ce premier instant mystérieux qui, dans chaque perception sensible, précède la dissociation de l’intuition et du sentiment, cet instant où ce sens et son objet se sont pour ainsi dire confondus et sont devenus un avant que chacun d’eux retourne à sa place primitive – je sais à quel point il est indescriptible, et avec quelle rapidité il passe, mais je voudrais que vous pussiez le retenir, et le reconnaître aussi dans l’activité supérieure et divine, l’activité religieuse de l’esprit. Oh ! Si seulement il pouvait m’être rendu possible et permis de l’exprimer. Ou tout au moins d’en donner un pressentiment, sans le profaner ! Il est fugitif et transparent comme le premier effluve parfumé que la rosée exhale pour en saluer les fleurs à leur réveil ; il est pudique et délicatement tendre comme un baiser virginal, sacré et fécond comme un embrassement nuptial ; non, il n’est pas comme eux, il est lui-même eux. Avec une rapidité qui tient du prodige, un phénomène, une circonstance grandit jusqu’à devenir une image de l’Univers. Tandis qu’elle prend forme, cette figure aimée et toujours cherchée, mon âme vole au-devant d’elle, je l’étreins dans mes bras non comme une ombre, mais comme l’être saint lui-même. Je repose sur le sein du monde infini. Dans cet instant je suis son âme, car je sens ses forces et sa vie infinie comme miennes ; dans cet instant elle est mon corps, car je pénètre ses muscles et ses membres comme les miens, et ses nerfs les plus intimes se meuvent conformément à mon sens et à mon pressentiment comme les miens propres. Le plus petit ébranlement, et la sainte étreinte se dissout, et alors seulement l’intuition se présente à moi sous la forme d’une figure séparée ; je la mesure, et elle se reflète dans l’âme comme dans l’œil entr’ouvert du jeune homme l’image de l’aimée qui se dégage de son étreinte ; alors seulement le sentiment se fraye un passage du dedans au dehors, et se répand sur sa joue comme le rouge de la pudeur et du plaisir. Ce mouvement est la floraison suprême de la religion. Si je pouvais vous le faire éprouver, je serais un Dieu […]. Cette heure est celle de la naissance de tout ce qu’il y a de vivant dans la religion.

Schleiermacher, Friedrich, Discours sur la Religion : À ceux de ses contempteurs qui sont des esprits cultivés (1799), Paris, Éditions Montaigne, 1944. (je remercie Joy Vriens d'avoir cité ce texte sur son blog, me faisant ainsi découvrir ce texte remarquable)

Le jaillissement du désir, en effet, est le jaillissement du monde, depuis le Désir indifférencié, nommé aussi "pure conscience" du point de vue de la voie de la connaissance, jusqu'au désir qui se fait action, geste, et conséquences.

Avant toute séparation, le désir et son objet ne font qu'un.
C'est tout le secret de la plénitude ressentie.

mercredi 25 janvier 2017

Le moyen est la fin

Comment atteindre l'éveil ?
Par l'éveil.

L'éveil est un palais à mille porte,
une divinité aux mille visages.

L'une de ces portes est le Coeur de la Yoginî.
Qu'est-ce que ce Coeur ?
- L'Absolu :
Anuttara, dit Abhinavagoupta.

Mais concrètement ?
- Dois-je vraiment le dire ?
N'est-ce pas évident ?
Le Coeur de la Yoginî est cela qu'on célèbre dans le Sacrifice Originel.
Ces trois regards ouvrent sur une seule et même Âme, une Vie.



Concrètement, le Cœur est le vagin. Ou yoni. Mais pourquoi ne pas dire Vagin ? Ou Matrice ?
Car c'est bien cela. Et ce Coeur, 
aussi nommé "Bouche de la Yoginî" (yoginî-vaktra) 
ou "Visage secret" (guhya- ou picu-vaktra) 
est l'Absolu(e), l'Immense (brahman),
l'expansion infinie que l'on nomme aussi "conscience".
Pourquoi ?
Mais encore une fois, n'est-ce pas évident ?

Abhinava révèle ceci :

Là, (dans le Cœur de la Yoginî, le Signe divin),
l'Energie du seigneur Dieu
manifeste l'impossible :
elle se contracte et se dilate à la fois,
(alors que Dieu) ne se contracte pas, ne se dilate pas.

Quand ce flot de la félicité
de l'Extase créatrice se répand
cet Univers, qui est saint,
se déploie perpétuellement,
toujours neuf.

Ce moyen pour atteindre l'Absolu 
est décrit ici parce qu'il est cet (Absolu).
Pourquoi le Soleil aux chauds rayons
ne brillerait-il pas même
là où des lampes sont allumées ?

Ceux dont l'âme est plongée
dans les choses et dans le Rite de leur jouissance,
ainsi que dans le plaisir ou la douleur
qu'elles engendrent,
mais sans se laisser posséder
par elles et sans aucune hésitation,
ceux-là connaissent l'intime plaisir
de la cessation de l'agitation.

Extrait de La Lumière des tantras V, 124-126

Le moyen est la fin.
Abhinava n'en dit pas beaucoup plus.
J’ajouterais simplement que la "pratique" décrite ici est à la fois celle du Rituel Originel, l'union entre deux partenaires ; et celle de la "méditation de Shiva" (shiva-mudrâ), la mise à l'unisson de l'intérieur et de l'extérieur, plongeon dans la conscience intime les yeux grands ouverts.

Le Coeur de la Yoginî.

mardi 24 janvier 2017

Les Deux ailes du désir

Comme tous le monde, j'ai soif d'expérience.
Mais l'expérience ne suffit pas.
Encore faut-il la comprendre...
Combien de fois pouvons nous vivre une expérience sans la comprendre ?

La vie intérieure est comme un oiseau.
Pour qu'elle s'envole dans le ciel,
"sans laisser trace",
il lui faut ses deux ailes.
Expérience et compréhension.
Fait et interprétation.
Être et conscience.



Vivre et réfléchir.
Bien sûr, 
on peut dire aussi
qu'il n'y a pas d'expérience sans un minimum de réflexion,
et que comprendre est une expérience.
Mais ici, j'entends ces deux termes comme deux pôles de la vie intérieure.
Souvent, je vis des expériences merveilleuses sur le moment, mais je n'en comprend pas le sens, ou la valeur. Et alors, comme toute expérience passe, je suis déçu. Il se peut que j'ai trouvé, par hasard ou par grâce, un joyaux. mais, faute de réfléchir, je le prend pour du verre et je le jette. Il se peut alors que je parte en quête du joyau, ne trouvant en fait que des débris de verre.
A l'opposé, il ne faut pas se contenter d'une pure compréhension abstraite, en s'interdisant de vivre, ou d'attendre de la vie, sous prétexte que l'expérience est aveugle et toujours illusoire. Mais il faut avouer que cette attitude est plutôt rare. Aujourd'hui, c'est plutôt la tyrannie de l'expérience qui tend à prédominer. Comme si une perception, un sentiment, une impression, pouvaient illuminer ! Or, c'est vrai et c'est faux tout à la fois. L'expérience montre vite ses limites.
Il faut les deux.
Une ouverture à l'expérience.
Et une réflexion.

On pourrait croire que l'expérience se rapporte à la Shakti, et la compréhension, à Shiva, l'aspect intellectuel, masculin
selon les stéréotypes actuels.

Mais selon la philosophie tantrique de la Reconnaissance (pratyabhijnâ), l'expérience est Shiva. La compréhension est Shakti. Et ce pouvoir de comprendre inclue la pouvoir de penser, de juger, de désirer, de ressentir, de réfléchir, de se rappeler, d'imaginer, de parler : autant d'aspects du pouvoir de comprendre, qui est la Shakti.

Ces deux facettes sont inséparables.
Mais l'expérience (presque) pure, est quand la Lumière consciente (prakâsha, "lumière" en sanskrit, qui est Shiva) prédomine, alors que la Compréhension/Réflexion (vimarsha, "pensée", "jugement" qui est Shakti) reste "endormie". A l'état brut, nous avons alors l'expérience du sommeil profond, de l'"inconscience", du coma, de l’évanouissement, de certains états de méditation. L'expérience est alors indifférenciée, mais privée de réflexion, elle ne mène nulle part, en dehors d'une sensation provisoire de bien-être.
A l'opposé, quand la Shakti prédomine, nous faisons l'expérience d'une compréhension peut-être, mais "mentale", abstraite, coupée de l'expérience de l'unité. Shiva est là, la Lumière brille, mais comme fragmentée, dispersée en mille pensées.
Notons que la Lumière consciente (Shiva) est inséparable de la Pensée (Shakti). 
Shiva est l'Être, qui devient tout ce qui est, réel ou non.
Shakti est la Conscience que l'Être prend de lui-même, sous les formes des consciences individuelles.

Ce vase bleu est Shiva - Manifestation, Illumination (prakâsha - "lumière").
La conscience de ce vase bleu - "Oh, le vase bleu !" est Shakti - Conscience, Pensée (vimarsha - "jugement").
Ils sont respectivement l'aspect "objectif" et l'aspect "subjectif" de la Vie, du Couple créateur, de la Source originelle.
Or ils sont inséparables. Deux faces d'une même pièce.
Donc, expérience et compréhension doivent aller de concert.

Comme les ailes d'un oiseau.
Et ainsi, nous pouvons, peu à peu, selon nos capacités, redevenir des anges.

dimanche 22 janvier 2017

Pas (seulement) impersonnel

Le grand pêché, c'est de prendre la partie pour le Tout.
Faire d'une vérité, fut-elle "ultime", la totalité.
Le Tout est vrai.
Chaque aspect comporte un aspect de vérité, de même que chaque facette d'un diamant réfléchi une partie de la lumière reçue.
La partie, isolée du Tout, est fausse... en partie.
Et, même cette part de fausseté prend part à la vérité du Tout.



Honorer la part de vérité comprise en tout point de vue, cela n'est pas renoncer à la vérité claire, cela n'est pas sombrer dans une nuit où toutes les vaches sont noires. C'est apprendre à recueillir la part de lumière, à discerner la portion de nectar, à reconnaître la Source brillante en toute vision, si sombre soit-elle. Même l'obscurité brille dans et par la Lumière, sans quoi elle ne serait pas même "obscure" !
Chaque point de vue, comme la pièce d'un puzzle.

Dès lors, nous ne pouvons nous satisfaire de l'impersonnelle vérité. Toute vraie qu'elle soit, elle demeure abstraite, détachée, presque désarticulée au reste, c'est-à-dire aux personne et aux infinis qu'elles enveloppent.

Le Chemin est une marche a deux temps, mais il y a toujours un troisième pas, invisible.

Voyez :
D'abord, la vision trouble du vieil homme. L'ego.
Puis l'éveil à l'essence impersonnelle. Je préfère "universelle". 

Mais l'histoire ne s'arrête pas là, n'en déplaise.

Car la personne - l'âme ! la vie ! - ne disparaît jamais. Du moins, jamais à jamais.
Ego et éveil ne sont pas deux phases statiques, comme si l'éveil mettait un point final à la personne.
Bien plutôt, l'éveil réveille l'être inconnu que je suis à moi-même, vaste, immense. 
Mais cette espace vit. Et en lui, la personne revit. Certes l'ego se transforme, il meurt et renait,
perfectible à l'infini. Et pourquoi, précisément, "à l'infini" ? Parce que l'Immense, lui-même infini,
lui offre cet espace, il est ce qui "donne lieu". Et, pour qui s'éveille à lui, un espace infini s'ouvre, de possibles toujours nouveaux.

Ego.
Eveil.
Réincarnation.

Et encore, éveil.
Et encore, réincarnation.

A l'infini.

L'ego souffre. qui voudrait s'en contenter ?
Mais en rester à l'impersonnel, c'est renoncer à la vie.
C'est faire place nette, mais pour rien.
C'est devenir riche, mais sans en jouir.
C'est se marier, sans consommer.
En un sens, cela est juste : il y a en effet ce paradoxe, que pour m'épanouir comme personne, je dois m'ouvrir et mourir en l'impersonnel. Soit.
Mais reste que l'impersonnel n'est jamais un but en soi. 
Il est une fin. Il n'est pas LA fin.
L'ultime n'est pas la fin. 

Qui voudrait vivre sans vivre ?
L'Orient adore l'impersonnel.
Mais l'Occident a découvert la personne.
Qui voudrait vivre sans la dignité de la personne ? 
Qui est prêt à renoncer à l'individualisme ?
Aux libertés individuelles ?
Du fond de mes tripes, "cela" sent que la personne est bonne. Désirable.
On objectera que c'est l'ego qui "veut" s'incarner.
Je ne le crois pas. C'est l'impersonnel qui désire se personnaliser.
L'universel aspire au singulier.
Sans s'oublier.
L'océan dans une goutte.
L'océan, oui ! 
Mais dans une goutte. Unique.
Qui reflète, sur sa surface fragile, la totalité océane.
Selon sa manière singulière. Irremplaçable.

En d'autres termes, à côté de la valeur de l'universel,
il faut voir celle du singulier.
L'un devient l'unique, un unique, parce que cet unique a une valeur unique.
Une joie. Une beauté. Une créativité. Une histoire. Des choix.

La vérité impersonnelle, tout ultime qu'elle soit, ne s'achève que dans la personne. 

Dieu devient homme pour que l'homme...

vendredi 20 janvier 2017

La Lumière consciente

S'éveiller, c'est reconnaître sa vraie nature, son essence.
L'essence est ce qui est toujours présent.

Qu'est-ce qui est toujours présent ?

Le corps change. En se renouvelant, le jeune remplace l'ancien. La vie perdure ainsi, à travers une succession de naissances et de mort, comme un écho de la Vie immortelle.

L'esprit change. D'instant en instant. Et seule cette rapidité explique que nous croyions que notre esprit est notre essence. L'esprit est en réalité discontinu. Si on observe de près les pensées, on s'aperçoit que sa présence est intermittente, comme les images d'un film projetées sur un écran. De fait, l'esprit est absent entre deux pensées, ou durant le sommeil profond. L'esprit n'est donc pas notre essence.

Notre essence est toujours présente.
Qu'est-ce qui est toujours présent ?

Est toujours présent ce sans quoi aucune expérience ne serait possible. 
Est toujours présent cette sorte de Lumière en laquelle se présentent les expériences, qui est la texture même de toute expérience.
Est toujours présente cette Lumière qui embrasse en son sein la présence et l'absence des choses, des pensées, de tout. 



Cette Présence en laquelle tout se présente - y-compris l'absence de telle chose ou de telle pensée durant le sommeil ou l'évanouissement - est appelée Lumière en sanskrit, ou cit, terme difficile à traduire que l'on rend souvent par "conscience". 

L'un des derniers maîtres de la philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnâ), Hara Bhatta Shâstrî, la faisait reconnaître en ces termes :

"La Lumière consciente absolument libre est ce qui manifeste tout. "Toujours manifeste", elle n'a pas besoin d'une autre lumière pour l'être : elle est auto-lumineuse. Et aussi, (elle n'a pas besoin d'une autre lumière) "parce qu'elle ne se couche jamais", car il y a ces textes révélés (qui nous le confirment) :

Ce Soi est manifeste une fois pour toutes.
Le voyant ne perd jamais sa vision, car elle est impérissable.

"Cet Un" est sans-second. Il est le même "dans la lumière" : dans les lumières du soleil, etc. et dans les lumières des moyens de connaissance, etc. Il est aussi "un dans l'obscurité" : dans les ténèbres de la folie, du coma, et autres (état d'inconscience). Pourquoi ? Parce que c'est lui qui se manifeste à l'intérieur de ceux pour qui plus rien ne se manifeste à l'extérieur. Même à l'extérieur, seule existe la Lumière de la conscience. L'extérieur n'existe qu'à l'intérieur (de la conscience). L'éclat du soleil et les ténèbres dépendent de son existence. En effet, sans cette lumière qu'est la manifestation consciente, absolument rien - un vase, par exemple - ne peut être manifeste. Or, la "lumière" des (choses telles que le soleil ou les ténèbres) se lève et se couche (en ce sens qu'ils ne sont pas toujours manifestes). La Lumière consciente, en revanche, n'est pas affectée par ces apparitions et ces disparitions."

Telle est la Lumière consciente, Lumière qui jamais ne se couche, qui brille à jamais sur les êtres et sur leur absence.
Plus encore, cette Lumière est "libre" : les choses, quand elles disparaissent, disparaissent en cette Lumière dont elle n'ont jamais été réellement séparées. Quand elles apparaissent, elles apparaissent aussi en cette Lumière vivante. 
L’apparition et la disparition des choses, c'est-à-dire le temps, le devenir, est la pulsation de cette Lumière sans nom. Rien n'est séparé d'elle. Tout est Elle, car c'est Elle, absolument souveraine, qui désire spontanément apparaître ainsi. Elle qui se manifeste gratuitement comme corps, comme esprit, comme ma personne, comme votre personne, comme monde, comme univers infinis.

Tout apparaît et disparaît en cette Lumière toujours évidente, comme des vagues qui se soulèvent et retournent à l'océan sans jamais l'avoir quitté.

L'éveil, c'est reconnaître cette vérité, plus intime que tout, et insaisissable par le corps ou par l'esprit.
L'éveil, c'est se voir soi, sans intermédiaire, comme la main se sent en sentant ce qu'elle touche.

Ensuite, il faut cultiver cette reconnaissance, se laisser nourrir de son parfum. Se mettre à l'unisson de cet espace discret et aveuglant, de cette grande réponse indicible, corps et âme.

Je suis, vous êtes, cet Être qui n'a pas de nom et qui, nul ne sait pourquoi - pas même lui - joue à s'incarner.

S'éveiller, c'est reconnaître, dans le corps, dans l'esprit, et au-delà, que je suis Lumière consciente qui jamais ne se couche, en laquelle se lèvent et se couchent toutes les autres lumières physiques et mentales.

L'extrait donné plus haut vient de ce livre, un petit enseignement du shivaïsme du Cachemire traditionnel :

Poème pour l'éveil Bodhapanchadashika
Pour l'acheter, clic ici

jeudi 19 janvier 2017

Atelier pratique du Mantra - Paris - dimanche 26 février 2017

Atelier Mantra et méditation

Les Mantras font partie de notre culture.
Qui n'a jamais vu de OM ?

Et pourtant, la pratique des Mantras est souvent réduite à une sorte de magie,
ou bien à une vibration qui aurait de pouvoir de produire tel effet.

Le Mantra est bien plus profond...
et plus simple.
Dans la tradition du Cœur, ou Koula, le Mantra est si important que la voie des tantras est appelée "Voie des Mantras".

Les Mantras ne sont pas des formules magiques, ni des invocations, ni des astuces pour captiver le mental.

Les Mantras sont des êtres, venus du Mantra originel, qui n'est autre que la conscience, libre et créatrice.
La raison d'être des Mantras est de nous ramener à notre vraie nature.

Les Mantras sont des anges d'éveil.



Malgré sa popularité, la pratique des Mantras et la tradition du Tantra restent quasi inconnues.

Je vous propose un atelier pour découvrir les points essentiels de la pratique des Mantras, jusqu'au Mantra du cœur, le Mantra des mantras, que nul ne peut énoncer, mais à l'enchantement duquel nul ne peut échapper.

Cette pratique vient de la tradition du Cœur, celle du cœur des tantras de l'Inde ancienne, loin des clichés actuels dur le tantra. Cependant, la pratique des Mantras n'est pas exotique, ni ésotérique, ni réservée aux initiés. Il n'est pas besoin d'être amoureux de l'Inde pour s'y initier. 
Pourquoi ? Tout simplement parce que le cœur de la tradition des Mantras rejoint le silence de nos vies quotidiennes, ordinaires, pour les illuminer d'un regard simple, entier, sans préjugés. Tel est le Tantra véritable.

Le Mantra du Cœur, de la Déesse


L'énoncé d'un Mantra est un éveil, un rituel, un yoga, une aventure, une offrande, une guérison... tout cela et plus encore.

Selon un sage de la tradition du Cœur :

"La reconnaissance du Soi, c'est la conscience de l'instant du désir dénoncer le Mantra"
Râma, Explication de la Vibration

L’atelier aura lieu au cœur de Paris, près de la République, dans une petite salle tranquille.

Attention, le nombre de place est limité !
Nous vous conseillons de vous inscrire le plus tôt possible.

Dimanche 26 février 2017
Horaires : 10h-13h ; 14h-17h
Salle Divyan, 1 passage du Jeu de Boules
Métro République ou Oberkampf
Tarif : 70 euros avant le 1er février, 80 ensuite.

Contact :
deven_fr@yahoo.fr
06 03 33 05 58

A bientôt !