mardi 20 février 2018

La Déesse, Témoin de la danse de Shiva

L'Hymne des trois cent noms de la Déesse Lalitâ (Lalitâtrishatistotra)
est aujourd'hui l'un des plus populaires pour l'adoration de la Déesse Lalitâ,
culte rendu célèbre par son mandala, fait de mystérieux triangles enlacés.

Il a cette particularité que ses noms commencent tour à tour par chacune des syllabes
du mantra ou vidyâ (comme on dit pour une déesse) en quinze syllabes.

Voici une version chantée de cet hymne,
claire et audible :


Le professeur Alexis Sanderson en propose 
une traduction anglaise
sur son compte academia.edu. 
C'est gratuit, mais il faut s'inscrire :


Parmi ces noms, on trouve :

îsha-tandava-sâkshinî (12)

"témoin de la danse du seigneur".

Sanderson, en note, rappelle un autre nom, dans l'Hymne des mille noms de Lalitâ :

maheshvara-mahâkalpa-mahâtândava-sâkshinî (232)

"témoin de la grande danse du grand seigneur à la fin du grand éon"

Ce qui est remarquable, c'est que c'est la Déesse qui est ici Témoin de l'activité de Dieu.
Elle l'est en qualité de pure conscience (cin-mâtra).
Contrairement à ce que l'on entend souvent, dans le Tantra
et dans la tradition Kaula, la Déesse est la pure conscience, témoin de la danse
de Dieu qui danse le monde. Ici, Dieu n'est pas le Témoin immobile
de la danse de la Nature. Ceux qui sont incapable de distinguer le Tantra du Sâmkhya
reprennent souvent cette affirmation, sans comprendre. Dans le Sâmkhya, en effet,
la pure conscience (purusha) est "témoin" immuable des mutations de la Nature (prakriti),
c'est-à-dire du monde, en gros. Mais ici, c'est le contraire, car la Déesse n'est pas
la Nature dont parle le Sâmkhya. Cette dernière est privée de conscience propre (jadâ)
et inerte, tandis que la Déesse est la conscience, la vie et le pouvoir de se mouvoir par soi.
D'un autre côté, il n'est pas faux de dire que la Nature est conscience, 
mais en un tout autre sens que l'entend le Sâmkhya : 
la Nature est Dieu qui joue librement à prendre conscience de soi ainsi,
sous les formes de la Nature. 
Et la Déesse est ce pouvoir.
Mais, comme nous le rappelle cet hymne, elle reste aussi
la pure conscience, Témoin de toutes choses.

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