vendredi 15 février 2019

Comment méditer sur l'énergie ?

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L'énergie. Voilà un mot bien vague.
Dans le langage du milieu New Age au sens large, il est employé un peu comme le mot "schtroumph" chez les Schtroumphs.

Ici, le mot "énergie" désigne le mouvement sous jacent à tous les mouvements particuliers de la vie. Par exemple, j'écris à ce clavier, il y a des mouvements nombreux et rapides. Mais à la racine de ces mouvements, il y a un élan constant, un jaillissement invariable, une sorte d'ébullition interne, une vibration, un mouvement immobile, une énergie.
C'est la sensation globale de vivre. La sensation d'ensemble du corps ressenti, mais plus spécialement la sensation de légère démangeaison dans le dos ou la poitrine. Ou celle que l'on sent "au centre de soi" quand on ferme les yeux. Ou quand on sent qu'on va éternuer. Ou juste avant l'orgasme. Ou quand la moutarde nous monte au nez. Ou à l'occasion de n 'importe quel choc émotionnel ou vital, une claque, un oubli, une surprise, un poteau mal approché...

La tradition du shivaïsme du Cachemire nomme cela la Conscience (vimarsha), c'est-à-dire la conscience au sens propre, la conscience réflexive, le pouvoir conscient de revenir sur soi. C'est la source de la dualité et de la souffrance. Mâyâ, le mental, l'ego, l'agitation, la compulsion, l'inconscience, sont des dérivés de cette élan primordial. Quand la Conscience se perd dans son mouvement comme un chat après sa queue, elle devient le mental, au sens d'une énergie fragmentée, inerte, dominée par des schémas répétitifs et inconscients. 

C'est donc la Conscience réfléchie par opposition avec la conscience au sens faible, la conscience spontanée, comme lumière manifestante et manifestée, Shiva. Cet aspect de la conscience est la lumière qui éclaire les objets en les manifestant, en se manifestant comme ces objets.

Abhinava Goupta dit que dans l'état de veille, la Conscience réfléchie domine sous la forme du mental, du bavardage intérieur. A l'opposé, dans le Sommeil profond, la Lumière conscience prédomine, presque sans aucune réflexion, sans aucun retour sur soi, sans aucune "conscience de ".

La vie intérieure est l'harmonisation de ces deux aspects. La réconciliation de Shiva et Shakti. En contemplation, l'aspect Shiva est savouré dans la méditation de l'espace, du silence, de la vision sans pensées. L'aspect Shakti est savouré dans la méditation du cœur, de la vibration, du ressenti, du désir. Ce sont deux aspects de la Présence (smara), inséparables mais bien distincts et complémentaires. Vide et plénitude.

Pour méditer sur l'énergie donc, il suffit que l'attention plonge à la source de n'importe quel mouvement, de n'importe quel désir ou activité. Cela peut être la respiration (en particulier à la fin de l'inspir), la parole, la course à pied... Plus c'est intense et rapide, mieux c'est. Plus le stress est important, plus le feu de la Conscience brûlera fort. J'ai déjà donné maints exemples d'instructions secrètes (upadesha) à ce sujet. En voici un autre, un verset tiré d'un tantra de la tradition Shrî Vidyâ, récent en plus, ce qui montre au passage que la tradition du shivaïsme du Cachemire a existé jusque récemment hors du Cachemire, dans le Sud de l'Inde en l’occurrence :

Ô Déesse !
Médite sans interruption
cet élan qui est à la source
de tout ce que tu fais.
Tu atteindras la plénitude.

Tantra de la Félicité suprême, XXIV, 118

Et n'oubliez pas cette clé : tout ce qui est dit dans le shivaïsme du Cachemire se rapporte à l'expérience, ici et maintenant.

Pour méditer sur l'énergie donc, il suffit de plonger à la source de n'importe quelle activité, mental ou corporelle. L'attention doit épouser cette source, s'y baigner et en inonder tout l'être, tout le corps. C'est alors l'expérience de la "félicité suprême".


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