lundi 4 mai 2020

Le Tantra du Seigneur de l'Ambroisie


Amritesha et Amritalakshmi
par Ekabhûmi


Le Netra Tantra ou "Tantra de l'Oeil" est un écrit influence et pourtant peu connue du shivaïsme du Cachemire. Aussi nommé "Seigneur de l'ambroisie" (Amritesha) et "Vainqueur de la mort" (Mrityunjaya), il est l'une des source de la réintroduction dans l'l'hindouisme du mantra védique "Tryambakam yajâmahe...". Cependant, ce mantra n'est pas le véritable Mantra de Mrityunjaya. 
L'enseignement de ce tantra est original sur trois points :


- il est oecuménique. Ou bien disons qu'il se situe au centre de toutes les traditions.
- il est axé sur une forme bienfaisante de Shiva et sur la guérison.
- Il enseigne un "yoga subtil" et un "yoga suprême" très clairs et simples.

Voici une extrait, sur le Mantra :


"Cette Puissance suprême, subtile
Est la Non-mentale, elle est Śiva.
Le Soi est le pur fait d'être.
Il doit être agité1.
Quant il l'est, (alors) cette Puissance
Dite Egale, qui active tous les Chemins2,
Qui embrasse en son sein toute chose,
Ayant tout résorbé, émet à nouveau (l'univers).
Cette Grande Puissance
Est appelée figurativement "la boucle" (kundalî),
(Car) elle est triple3.
Quand elle se manifeste comme résonance,
Elle est le Son4 (indifférencié),
Invisible, le corps de Śiva.
(En sa totalité,)
Elle se déploie telle une explosion sonore,
Remplissant le monde.
Le dieu des dieux, le Toujours Bon,
L'a nommée "Résonance"5."


1 Car il est pure potentialité, stérile tant qu'il n'a pas été ressaisi en un Acte de conscience. Śiva, sans Śakti, n'est qu'un corps mort (śava). Rien n'existe sans conscience.
2 Les Six Chemins (adhvan) de la théologie śivaïte : les trois chemins du signifiant - syllabes, mots et phrases - c'est-à-dire Śakti, la conscience ; et les trois chemins du signifié - division, élements et mondes - c'est-à-dire Śiva, l'être.
3 Le nom "boucle" (kuṇḍalā) est un nom de la Parole-conscience que l'on rencontre d'abord dans le Ṛgveda. Puis, c'est la Puissance "bouclée" ou "lovée" (kuṇḍalinī) dans le śivaïsme, car, partant du Cœur, la Parole se déploie en trois mesures (A, U et M), en trois états (veille, rêve et sommeil profond). L'image du serpent, par laquelle on explique aujourd'hui "la Kuṇḍalinī", n'est qu'une image parmi bien d'autres.
4 sphoṭa : litt. "éclatement (du sens)". Notion d'origine grammaticale. Désigne la compréhension linguistique innée qui permet à un enfant l’apprentissage des relations conventionnelles entre les mots et les choses. Elle est ainsi l'intelligence naturelle propre à la conscience (pratibhā), l'intuition qui permet de passer des mots extérieurs au sens intérieur, le "euréka !" au cœur de toute compréhension.
5 nāda : le son, le son musical, la note, la conscience comme son à l'origine de tous les autres, un peu comme la tampurā dans la musique indienne. La quête du nāda est la raison d'être de l'art comme de toute parole.



Une traduction de plusieurs chapitres et une très bonne étude on récemment été publié en anglais par Bettina Baümer :

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