dimanche 31 mai 2020

Séminaires avec David Dubois - 2020



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Atelier éveil
4 et 5 juillet 2020

à Valence

Les traditions nous promettent que nous avons "tout en nous".

Mais comment le vérifier ? Est-ce vrai, ou bien juste une promesse ?
Est-ce un fait ou une croyance ?

Je crois que c'est un fait. Mais nous vivons endormis, nous vivons sans vivre, comme dans un rêve d'ivrogne. S'éveiller, c'est se réveiller de cet état où nous sommes comme prisonniers de la surface de notre conscience.

Comment ?

Par des expériences, des jeux d'éveil direct.
D'une part, les instructions de la tradition des éveillés du Cachemire.
D'autre part, les expériences inventées par Douglas Harding.

Grâce à elles, nous pourrons tester immédiatement les promesses des traditions, sans avoir à croire ou à adhérer à une religion, à un courant quelconque.

Je vous propose dans cet atelier de faire ces expériences.

A Valence les 4 et 5 juillet 2020

A dix minutes de la gare, dans le centre historique
Samedi de 10h à 18h
Dimanche 10h à 17h

A l'Art du Soi
19 côté des chapeliers
26000 Valence

www.lartdusoi.fr

Pour s'inscrire :
0610075782
artdusoi26@gmail.com

Tarif : 80 euros

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"Prier, c'est percevoir clairement, à l'instant du désir de prier, que nous sommes Dieu."
Râma, Explication du Chant de Vibration


Voix du corps, voie du Mantra
Retraite séminaire 
du 9 au 15 août 2020

Le Mantra est généralement perçu comme une sorte de formule magique ou de vibration sonore qui aurait juste un pouvoir de produire tel ou tel effet.
Pourtant, l'enseignement traditionnel est bien plus vaste et profond.
La "pratique" du Mantra est une voie complète, qui ne consiste pas à répéter mécaniquement un son exotique dans le but de produire un effet. Le Mantra est la manifestation de notre nature profonde, réelle, au-delà de tout ce que nous imaginons. Il est le mystère sacré, il en est une manifestation, et il a pour mission de nous ramener à sa source qui est aussi notre source. Il nous délivre ainsi du bavardage mental et nous remet en présence de notre essence vivante et vibrante.
Ancrée dans le corps et la voix, la pratique du Mantra ne dépend pas d'une tradition, d'une croyance, d'un autorité extérieure : elle est simplement une pratique capable de nourrir une vie. La pratique du Mantra est une pratique d'éveil et de guérison radicale. Une pratique complète.
Durant cette semaine, nous explorerons cette pratique, précise et complète en elle même.
Elle est au cœur du tantrisme, appelé la "voie du Mantra", une voie intime, puissante, qui ne dépend d'aucune culture particulière, mais qui repose sur l'expérience directe. Nous verrons comment pratiquer le Mantra en toutes circonstances et comment poursuivre cette pratique au quotidien.

David Dubois est philosophe, étudie le sanskrit et le Sivaïsme du Cachemire depuis 1990 et a séjourné plusieurs années en Inde au cours de nombreux voyages.

Du 9 au 15 août 2020
A Pierre Chatel,
ancienne Chartreuse et place forte
au cœur du Jura



Contacter
A Ciel ouvert

Université A Ciel Ouvert
30 rue de Chardenoux
71500 Bruailles
03 85 60 09 89
infos@acielouvert.org

https://www.acielouvert.org/accueil.aspx

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Dans le cadre du Festival
L'Appel de l'Inde
du 16 au 21 août
Mercredi 19 août
Enseignement et concert de rudra-vînâ,
instrument indien très rare,
dans la tradition tantrique

Domaine de Chardenoux
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A Ciel Ouvert

Université A Ciel Ouvert
30 rue de Chardenoux
71500 Bruailles
03 85 60 09 89
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https://www.association-a-ciel-ouvert.org/contact.aspx

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36e Forum A Ciel Ouvert
Embrasser le réel
engagement spirituel et participation à la vie du monde
sur 3 jours

du samedi 7 (14 h)  au lundi 9  (17 h)  novembre 2020
Centre des Congrès d’Aix-les-Bains (Savoie)

Université A Ciel Ouvert
30 rue de Chardenoux
71500 Bruailles
03 85 60 09 89
infos@acielouvert.org

Vijnâna Bhairava Tantra 61 62

L'homme-lion avec sa ceinture de méditation,
incarnation de l'énergie de l'intervalle 
qui vient à bout des couples d'opposés


Vijnâna Bhairava Tantra 61 et 62, l'expérience de l'intervalle entre deux pensées :

ubhayor bhāvayor jñāne dhyātvā madhyaṃ samāśrayet |
yugapac ca dvayaṃ tyaktvā madhye tattvam prakāśate || 61 ||
"Contemplez la conscience (nue) entre deux états.
Puis recueillez-vous sur cet intervalle
en délaissant simultanément ces deux états :
dans l'intervalle brille l'Être."

bhāve tyakte niruddhā cin naiva bhāvāntaraṃ vrajet |
tadā tanmadhyabhāvena vikasatyati bhāvanā || 62 ||
"Quand un état a cessé, que l'attention 
n'aille pas vers un autre état.
Alors, à travers l'état (qui se manifeste) entre eux,
la réalisation s'épanouira à l'extrême.

samedi 30 mai 2020

L'Omnivoyant

Nous avons tous fait l'expérience de contempler la Joconde, 
et d'être suivi en retour par son regard.
Nicolas de Cues explore ce phénomène fascinant dans Le Tableau ou la vision de Dieu.
Le point de départ est "l'image d'un omnivoyant dont le visage est peint avec un art si subtil qu'il semble tout regarder à l'entoure". Voici un exemple, certes imparfait car un peu abîmé, mais c'est une icône :



Or, "Dieu est theos parce qu'il voit toutes choses."
Il voit tout, et il voit chaque détail.
Un regard d'unité sans confusion.
Un regard ordinaire, en revanche, ne peut voir un objet sans écarter les autres.
Mais ce Regard embrasse tout et chacun, l'impersonnel comme le personnel.
On peut également rapprocher ce phénomène de celui du reflet du soleil sur l'eau, par exemple : chacun voit que l'unique soleil pointe vers lui, vers elle, c'est-à-dire vers l'immensité vide qui enveloppe toutes choses, et qui est donc Dieu, ou du moins à l'image de Dieu, qui est "le regard non réduit". "
Ce regard absolu embrasse tous les modes du voir", dit Nicolas.
Et en lui, point de séparation entre la réalité et les apparences. Les apparences ne cachent pas la réalité : "En Dieu très parfait, la perfection de l'apparence est vérité". L'apparence est l'apparence de la réalité, à égalité, en harmonie et sans nulle tromperie.
En outre, même une "vision réduite", qui voit ceci en excluant cela (apohana, dirait les bouddhistes et Abhinava), n'existe que dans ce Regard en dehors duquel il n'y a qu’aveuglement : "la vision absolue est dans tout regarde, puisque c'est par elle qu'est toute vision réduite et que celle-ci ne peut aucunement exister sans elle". La Reconnaissance (pratyabhijnâ) ne dit pas autre chose. La Vision Sans Tête ne dit rien d'autre non plus. 
Et ceci explique aussi l'égoïsme et la folie des vivants. Car ce regard est félicité, et se confond avec l'être de tout être. Pas conséquent, comme ce regard est l'être le plus précieux, sans lequel rien n'est, hors duquel il n'est aucune vision, eh bien chaque être le désir plus que toute autre autre chose. Et, comme cet être est son être aussi bien, chaque être se désire et se préfère à tout autre. Sauf que cet amour, qui est amour de Dieu en sa vérité, est déformé et corrompu, pour ainsi parler, par l'identification au corps et à des préjugés. Comme dit Augustin, "Il n'est personne qui ne veuille être", car l'être est Dieu, et cet être est cette vision, ce Regard absolu qui embrasse, sans les confondre, tous les points de vue, chacun à sa place, selon son ordre et sa dignité propre. C'est pourquoi Nicolas dit : "Mon attachement à la vie est extrême car tu es la douceur de la vie".
Et dans cette vision de soi, ce Regard-amont-aimant, se trouve le salut de chacun, car "tu te penches, Seigneur, pour montrer ta face à tous ceux qui te cherchent. Car jamais tu ne fermes les yeux... Si tu ne me regarde pas avec l’œil de la grâce, c'est moi qui en suis la cause, moi séparé, détourné de toi, tourné que je suis vers quelque autre objet préféré à toi." 
Mais, même alors, nous sommes enveloppés dans ce Regard d'être, de vie, de sensation et de pensée. Même l'aveugle est voyant dans ce Regard, paradoxe qui est l'apanage du Seigneur absolu. 

Un chef-d'oeuvre. Pour voir cette Vision, voir ici :

Sur la présence de la dualité au sein de l'unité



Sur l'intégration du complexe dans le simple.

Dans la vie intérieure, le multiple, la dualité, le mouvement, les choix, les décisions, sont souvent perçus comme des obstacles à la conscience de l'unité. Je prends occasion de cette petite ballade pour interroger cette opinion, en m'appuyant sur les analyses d'Abhinavagupta dans sa Pratyabhijnâvimarhinî, I, 5. Tout unité enveloppe une multiplicité. Et dans l'élan un, des choix sont faits : les deux ne sont pas contradictoires, sur fond de conscience.

Aujourd'hui, pas de vidéo Vijnâna Bhairava, mais une petite improvisation autour de l'Un et du Multiple.
J'espère que vous y comprendrez quelque chose :)

vendredi 29 mai 2020

Vijnâna Bhairava Tantra 58 59 60

Antique de l'Inde Chola style hindou Bronze Danse Krishna sur ...


Vijnâna Bhairava Tantra, versets 58, 59 et 60 :

viśvam etan mahādevi śūnyabhūtaṃ vicintayet |
tatraiva ca mano līnaṃ tatas tallayabhājanam || 58 ||
""Que l'on évoque, ô déesse !
tout cet univers comme vide.
Et là même l'attention se dissout.
On devient ensuite jouissance/réceptacle de cette dissolution".

ghatādibhājane dṛṣṭim bhittis tyaktvā vinikṣipet |
tallayaṃ tatkṣaṇād gatvā tallayāt tanmayo bhavet || 59 ||
"Que l'on projette l'attention sur un contenant
comme un vase par exemple,
en faisant abstraction de ses parois.
En s'y dissolvant dès cet instant, on devient ce (contenant)."

nirvṛkṣagiribhittyādideśe dṛṣṭiṃ vinikṣipet |
vilīne mānase bhāve vṛttikṣiṇaḥ prajāyate || 60 ||
"Que l'on jette le regard sur un espace sans arbres, ni reliefs, ni frontières,  etc. Quand l'attention se dissout,
on renaît immobile."

Voir, c'est créer, c'est être

"Voir, pour toi, c'est être la cause de tout ce qui est.
...



Et puisque voir pour toi, c'est savoir, il me vient à la pensée que tu ne vois pas toute chose en toi comme un miroir vivant car alors ta science tirerait son origine des choses. 
Puis il me vient à la pensée que tu vois toutes choses en toi ainsi qu'une puissance se regardant elle-même, comme la puissance germinative de l'arbre verrait en elle l'arbre en puissance, si elle se regardait elle-même, car la puissance germinative est l'arbre en puissance.
...
Tu te crées toi-même comme tu te vois toi-même.
...
Créer pour toi, c'est être."

Nicolas de Cues, Le Tableau ou La Vision de Dieu, IX, X, XII

Quand la conscience désirante se retourne sur elle-même, elle prend conscience que tout est en elle.
Et cette conscience d'envelopper tout en soi, comme l'arbre dans la graine, est la conscience créatrice.

jeudi 28 mai 2020

La philosophie de la Reconnaissance comme Résistance

en route vers le rien, dans le rien


La philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnâ) a été formulée par des Kashmiris. Vers l'An Mille, cette vallée connu son Âge d'Or : une prospérité sans précédent, notamment sur la Route de la Soie. Beaucoup de riches marchands, de gourous, de coachs (râjânakas) et autres managers (niyogîs). L'état était une entreprise et les entreprises devenaient des états. Les temples étaient des entreprises et les entreprises devenaient des temples. L'individualisme progressait, les libertés aussi, ainsi que la corruptions et des expériences morales en tous genres.

Face à ce mouvement de mondialisation, il y a eu deux réactions : 

D'un côté, le bouddhisme, religion du commerce (vyavahâra), du capital (punya, sambhara) en son double aspect entrepreneurial (bodhi-vîrya) et managérial (upâya-kaushâlya). Il faut dire que la religion des Bouddhas avait développé l'idéologie adéquate. Derrière tout capitalisme, il y a en effet la même idéologie : les sophistes à Athènes, les Bouddhistes au Cachemire, les postmodernes en Californie et dans les reste du monde mondialisé. 

Cette doctrine consiste à persuader les hommes qu'il n'existe ni vérité, ni beauté, ni bonté, ni justice, ni réalité. Tout est construit. Tout est interprétation, et interprétation d'interprétation. On se réveil, mais dans un rêve. Dont on se réveille, et ainsi de suite, à l'infini. Tout est relatif. Chacun est une île. Chaque instant est unique. Donc pas de réelle communication possible, faute d'un sujet, d'un objet, et d'une mesure les mettant en rapport, en raison. Tout est ineffable, "à chacun sa vérité", "à chacun son point de vue". Le seul lien universel est le commerce. L'argent n'a pas d'odeur, on se comprend. Il n'y a pas de mémoire fiable, pas de jugement fiable, pas de savoir authentique (sauf le savoir qu'il n'y a pas de savoir ; et encore, cela même doit se dissoudre), pas de centre, pas de source, pas de hiérarchie. Il n'y a que le présent de la jouissance, de la consommation, du spectaculaire. Il n'y a que la Magie, Mâyâ ; rien au-delà, pas de fond, aucun fondement. Pas de repères. Tout se réduit à des atomes d'expérience, à des flux d'expérience (santati) sans réel échanges. 

Dès lors, il n'y a plus de culture, plus d'éducation, seulement le Marché (vyavahâra, samsâra, identifié au nirvâna). Il n'y a que des mots, et les mots ne veulent rien dire : tout dépend "du point de vue". Lutte de forces aveugles. Automates virtuels. Les personnes, aux yeux du bouddhisme, sont déjà des IA. Il n'y a que des envies qui s'affrontent, des "machines désirantes" prisonnières de surfaces sans aucune profondeur, la profondeur étant elle-même une surface. Pas de réalité, seulement des apparences. Ni rien, ni autre chose. Le Marché parfait, nourrit de techniques (yukti, upâya) et de quelques repères issus de l'Ancien Monde que le bouddhisme ne doute pas de pouvoir "dompter" un jour. Car le monde est peuplé de fous que le bouddhisme veut "guérir", de même que les managers, de même qu'un Protagoras ou un Gorgias se comparaient à des sorciers de la parole, capables de produire n'importe quelle croyance. 

La vogue du bouddhisme, contemporaine de la montée en puissance du techno-capitalisme, c'est pas due au hasard. Le bouddhisme colle parfaitement à l'idéologie postmoderne, car il en partage les essentiels - l'absence d'essence. 

De l'autre côté, au Cachemire, quelques conservateurs, comme Jayanta Bhatta, mais le roi ne les écoute pas. Les managers non plus. Reste donc la Reconnaissance. Utpaladeva prend soin de formuler un non-dualisme qui ne soit pas une régression infantile dans une "nuit où toutes les vaches sont grises", une sorte de boue informe dans laquelle on prendrait plaisir à aller se vautrer par manque de courage et d'audace. 

Certes, il affirme clairement que la conscience divine transcende tout. Mais elle ne détruit pas ce Tout pour autant. Transcendante, elle fonde, elle nourrit. En effet, elle laisse son empreinte dans ses manifestations, c'est-à-dire dans tout. Ainsi, tout est fait d'un et de multiple, de Shiva et de Shakti, de même qu'Augustin voit des vestiges de la Trinité en chaque être, à l'instar de Proclus. Tout - la moindre chose, la moindre action, le plus petit geste - est non-dualité, synthèse d'unité et de multiplicité, d'identité et de différence. Cela n'est ni une intuition réservée à des élus, ni une affirmation obscure : il suffit d'examiner n'importe quelle expérience. 

Et donc, les idées sont construites, certes, mais elles ne sont pas pour autant des erreurs et des illusions car, comme fait remarquer le grand philosophe et mystique, "elles sont utiles et stables". Oui, les idées sont stables. Elles sont donc vraies, et belles, et bonnes, en plus de témoigner de la non-dualité. Elles servent de repères dans les tempêtes de la vie. La raison est un guide, jusque dans le yoga, où elle est sat-tarka, la droite raison, "l’auxiliaire suprême du yoga". 

Or, dès lors que les idées sont conservées comme repères, le Marché est bloqué (niruddha), en ce sens qu'un cadre, qui le transcende en lui pré-existant et en lui conférant son être, lui est imposé. Un cadre naturel : non pas institué, mais découlant de la nature même des choses. Il y a des repères, des vérités, même si elles ne sont pas absolues. 

Et surtout, il y a des échanges qui ne relèvent pas du Marché. Des rapports, des raisons qui ne sont pas de profit, mais de don. De don sans espoir d'un retour, d'un revenu, matériel ou spirituel. En outre, il y a un cosmos. Et dans cet être infini, il y a aussi du don : celui de la flèche du temps, de l'irréversible entropie. Utpaladeva n'y avait pas pensé, mais je le dis sans, je crois, trahir son esprit. 

Au sein de l'unité et grâce à elle, il reste des distinctions, des différences, des séparations, des dualités, des trinités, embrassées dans l'unité, mais "sans confusion". Tout ceci m'apparaît de plus en plus limpide.

En ce sens, la Reconnaissance est résistance. Un geste barrière. Le monde n'est pas soluble dans le Marché. Le Marché est soluble dans le cosmos, comme on s'en aperçoit en ce moment même. 

Et il y a pourtant place pour une évolution, pour de la nouveauté, pour de l'imprévisible, pour de la création. Car la conscience divine, qui se cristallise en cosmos sans jamais s'y réduire, est libre. Cette liberté, jamais seulement négative, est créativité, don du nouveau, liberté, donc, au sens fort du terme. Elle est aussi indépendance, autonomie (svâtantrya), tout le contraire de "l'interdépendance" qui n'est, en réalité, que le visage romantique et, parfois, exotique, du Marché qui se vend pour s'imposer. 

Tout est un, certes. Mais L'Un transcende le Tout. Ce par quoi tout est, ne relève pas de l'être, de l’objet, du plan des choses, matérielles ou spirituelles. Il ne relève que de soi. Ce qui, en un sens, rejoint aussi l'individualisme, car il n'y a pas de liberté sans individu.

En tous les cas, la Reconnaissance, en pensant une non-dualité inclusive (contrairement au Vedânta) mais "sans confusion" (contrairement au Nuage), nous offre des outils de résistance précieux. Non pas une doctrine "clé en mains", "plug and p(l)ay", mais des graines, encore plus précieuses que celles de Kokopelli, pour un monde à venir.

La vie véritable



"Maître Eckhart a écrit : 
'L'état d'esprit que tu as à l'église ou dans ta cellule,
emporte-le avec toi dans le monde,
dans ton agitation et ton inconstance.'
Au tréfonds de chacun de nous,
il est un merveilleux sanctuaire de l'âme,
un lieu saint, un Centre divin, 
une voix qui se fait entendre,
et nous pouvons y revenir sans cesse.
L’Éternité frappe à la porte de notre coeur,
elle cherche à pénétrer dans notre vie déchiquetée par le temps,
elle nous réchauffe en nous faisant entrevoir une magnifique destinée,
elle nous appelle à trouver en elle notre véritable foyer.
Obéir à ces appels, s'en remettre joyeusement,
corps et âme, sans réserve,
à la Lumière intérieure,
c'est le commencement de la vie véritable."

Thomas R. Kelly, La Présence ineffable, p. 17

Kelly, mort en 1941, était un philosophe Quaker intéressé par les "sagesses orientales".
Il prépara une thèse, puis une seconde à Harvard. Mais le jour de la soutenance en 1937, face au jury, il resta paralysé d'angoisse.
Il se tourna alors entièrement vers la source intérieure.

Vijnâna Bhairava Tantra 55 56 57



Vijnâna Bhairava Tantra, versets 55, 56 et 57 :

pînāṃ ca durbalāṃ śaktiṃ dhyātvā dvādaśagocare |
praviśya hṛdaye dhyāyan muktaḥ svātantryam āpnuyāt || 55 ||
"Que l'on médite d'abord l'énergie, forte et faible,
dans l'espace au-dessus de la tête.
On médite ensuite l'entrée dans le coeur.
Délivré, on obtiendra alors la liberté souveraine."

bhuvanādhvādirūpeṇa cintayet kramaśo 'khilam |
sthūlasūkṣmaparasthityā yāvad ante manolayaḥ || 56 ||
"Que l'on médite le Tout graduellement,
sous la forme des chemins des mondes, etc.,
en leur forme grossière, subtile puis suprême,
jusque à ce que, à la fin, l'attention/ le mental disparaisse."

asya sarvasya viśvasya paryanteṣu samantataḥ |
adhvaprakriyayā tattvaṃ śaivaṃ dhyatvā mahodayaḥ || 57 ||
"Que l'on médite l'être divin de tout cet univers,
en entier et jusqu'à son sommet,
selon la méthode des chemins.
Alors surgira l'infini (mahâ)."


mercredi 27 mai 2020

Vijnâna Bhairava Tantra 52 53 54

Sadâshiva, la forme de Shiva qui révèle la voie commune des tantras ésotériques


Vijnâna Bhairava Tantra, 52, 53, 54 : l'expérience de l'affinement :



kālāgninā kālapadād utthitena svakam puram |

pluṣṭam vicintayed ante śāntābhāsas tadā bhavet || 52 ||

"Que l'on médite notre corps

comme étant consumé par le Feu de la Fin des Temps

surgit de l'Orteil de la Mort.

A la fin, on rayonnera de paix."



evam eva jagat sarvaṃ dagdhaṃ dhyātvā vikalpataḥ |

ananyacetasaḥ puṃsaḥ pumbhāvaḥ paramo bhavet || 53 ||

"De même, que l'on visualise en l'imaginant,

que le monde entier est consumé (par le Feu de la Fin des Temps).

Celui dont la conscience est bien concentrée

deviendra conscience suprême."



svadehe jagato vāpi sūkṣmasūkṣmatarāṇi ca |

tattvāni yāni nilayaṃ dhyātvānte vyajyate parā || 54 ||

"Que l'on visualise les niveaux du réel

de plus en plus subtils

dans notre corps ou bien dans le monde.

A la fin, la (conscience) suprême se manifestera."

mardi 26 mai 2020

Le Non-mode



"Deviens comme un enfant,
deviens sourde, deviens aveugle !"

Anonyme, Le Grain de moutarde

"Le Non-mode illuminé est un miroir subtil
dans lequel Dieu imprime la lumière
de son éternelle clarté.
"Non mode", cela veut dire
sans manières particulières,
défaillance de toute opération selon la raison...
Ceux qui marchent
dans le Non-mode en lumière divine
voient en eux-mêmes un espace vierge.
"Non-mode" est au-dessus de la raison,
mais non pas sans elle...
"Non-mode" voit, mais ne sait pas ce qu'il voit,
au-dessus de tout, 
ni ceci ni cela."

Jan van Ruusbroeck, Les Douze Béguines, IV, 13, traduction Max Huot de Longchamps

Simple

L'éveil spirituel est simple.
Simplement merveilleux...
mais simple.
Accessible.
Disponible.

En langage théiste, l'éveil consiste simplement
à se tourner vers Dieu, à se mettre en sa présence.
Dans la nudité intérieure,
sans savoir.



Comme dit Rüsbroeck, un chanoine belge du XIVe siècle :

"Par-dessus tout, si nous voulons savourer Dieu 
et sentir en nous la vie éternelle,
il nous faut entrer en Dieu par la foi, 
au-delà de la raison, et y demeurer, simples, désoeuvrés,
désaffectés de toute image,  
élevés grâce à l'amour dans la nudité béante de notre pensée.
Car lorsque, dans l'amour, nous trépassons au-delà
de toute chose et mourons à tout examen rationnel
pour entrer dans la nescience et les ténèbres,
nous sommes travaillés et transformés par le Verbe éternel,
qui est l'image du Père.
Dans la désaffection de notre esprit,
nous recevons la clarté insaisissable 
qui nous étreint et nous irradie,
comme la clarté du soleil irradie l'air.
Cette clarté n'est autre que le regard fixe et la contemplation qui sont sans fond.
Nous fixons du regard ce que nous sommes,
et nous sommes ce que nous fixons.
Car notre pensée, notre vie et notre essence
sont élevées et unies, en simplicité,
à la vérité qui est Dieu.
C'est pourquoi, dans ce regard simple,
nous sommes une seule vie 
et un seul esprit avec Dieu."

(La Pierre brillante, trad. André Louf, p. 80)

On dira que cette "simplicité" n'est pas synonyme de "facilité".
Mais en fait, si.
A condition d'avoir l'audace.
Ce qui revient, ici,
à être humble, modeste, direct, franc, vrai.
Sans prétendre, sans attendre,
juste une ouverture
franche.

Vijnâna Bhairava Tantra 51

Garuda, symbole de transmutation


Vijnâna Bhairava Tantra 51, l'expérience de l'espace au-dessus de la tête :

yathā tathā yatra tatra dvādaśānte manaḥ kṣipet ||
pratikṣaṇaṃ kṣīṇavṛtter vailakṣaṇyaṃ dinair bhavet || 51 ||

"Si l'on projette l'attention au-dessus de la tête
en toutes circonstances (et) à chaque instant,
instant après instant les opérations mentales disparaîtront.
En quelques jours l'ineffable adviendra."

lundi 25 mai 2020

Vijnâna Bhairava Tantra 50

Krishna

Vijnâna Bhairava Tantra, verset 50 : l'expérience de l'espace au-dessus de la tête. 

sarvataḥ svaśarīrasya dvādaśānte manolayāt |
dṛḍhabuddher dṛḍhībhūtaṃ tattvalakṣyam pravartate || 50 ||

"Si l'on dissout à chaque instant 
l'attention dans l'espace au-dessus de la tête,
celui dont l'attention est immuable
fera l'expérience de l'être immuable."

Je ne traduis pas lakshya dans ce verset : tattva+lakshyam = "la cible essentielle".

samedi 23 mai 2020

Infiniment infini

Saint-Sulpice n'est pas seulement le nom d'une église parisienne
à l'esthétique un peu lourde.
C'est aussi le nom d'une organisation catholique fondée par Jean-Jacques Olier
au XVIIe siècle.
Il fut animé par une vie intérieure intense,
manifestée notamment dans une écriture abondante.



Voici un passage, publié il y a quelques années, où 
Olier propose une méditation sur les attributs divins en nous,
une pratique intermédiaire entre la méditation mentale
et la contemplation silencieuse :

"L'éternité est une infinité de Dieu ;
l'immensité en est une autre.
La connaissance et l'amour en sont d'autres.
Tout est infini en Dieu,
et Dieu de la sorte est infiniment infini,
parce que Dieu a en lui des qualités et des perfections
qui sont infinies en nombre (et plus que les grains de sable de la mer),
quoique pourtant nous n'en voyions qu'un certain nombre
qui se compte par les théologiens.
Dieu a donc en lui des perfections et qualités divines et adorables
qui sont infinies en nombre, et, outre cela,
chacune de ses perfections est infinie.
C'est tout de même que s'il y avait un soleil infini,
dont les rayons fussent infinis en nombre,
et chacun par-dessus serait infini en soi ;
dans toute manière ce soleil serait infiniment infini en soi,
et serait comme incompréhensible.
De même en est-il de Dieu, il est infini en lui-même.
Il a en lui des perfections infinies en nombre,
et chaque perfection est infinie en elle-même,
et elle infiniment infinie,
et ainsi il est incompréhensible à la pensée de tous les hommes."

(L'âme cristal, pp. 143-144)

Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la théorie du "tout est en tout" (sarvam sarvamayam) que l'on trouve en Inde.
Une différence est que le bouddhisme applique ces mêmes
raisonnements au monde et à toutes choses,
comme dans les passages célèbres et vertigineux du Soûtra de Vimalakîrti
et à la fin de la quête de Soudhâna, dans le Ganda Vyoûha Soûtra. D'ailleurs, c'est là un trait général du bouddhisme : au lieu d'appliquer les raisonnements transcendants à l'absolu seul, il les applique également aux phénomènes. Et inversement. Alors que le Védânta dit que le monde n'est "ni être, ni non-être", mais que l'absolu est "être", le bouddhisme affirme que l'absolu est, lui-aussi - quoique dans
des sens un peu différent - "ni être, ni non-être". Le Yoga selon Vasishta, fortement inspiré par le bouddhisme, bien qu'il ne soit pas bouddhiste, adopte cette même rhétorique, qui présente
l'avantage de faciliter la compréhension de la non-dualité de l'absolu et des phénomène - puisque qu'on leur applique le même langage.