Suite de l'enseignement du paysan bouddhiste Kuddâla :
"Mais cette extraordinaire
Conscience non duelle
N'est pas non plus une expérience neutre !
Immaculée,
Sans nul baratin,
On dirait l'espace. 27
Affranchie de la cage des concepts
La (conscience) non duelle, inconcevable, est suprême.
Grâce au procédé alchimique de la (conscience) non duelle
Les (substances ordinaires) faites de bois, de pierre et de boue 28
Deviennent le visage de la divinité.
C'est elle que donne à voir le vénérable Bhadra.
Comme elle est une,
Tous les aspects (de la déité) ont (en elle) la même saveur,
Celle de la parfaite compassion
Qui (unit) la sagesse et les moyens (habiles).29
Oui, c'est bien dans cette (vision) qu'est réalisée
La conscience non duelle,
Le parfait bien être,
Au-delà des noms et des formes,
Dépourvue de parfum, de contact et autres (perceptions). 30
La conscience non duelle est la substance de toutes choses.
Limpide, elle est ce qu'il y a de plus excellent.
Délivré de tous les concepts,
Il n'y a pas en elle de sujet ni d'objet. 31
État naturel d'une transparence parfaite,
La (conscience) non duelle est l'ultime retraite.
Sans production ni destruction,
Elle est la base indestructible. 32
C'est elle, la mahāmudrā absolue,
La connaissance non duelle, la meilleure des connaissances.
On dit qu'elle est le cœur, le fondement
Des qualités comme des défauts. 33
En cette conscience qui pénètre tout,
Naturellement (pareille à) une mer calme,
La connaissance naît spontanément.
Il n'y a rien à cultiver. 34
Parce qu'elle est inconcevable,
Elle est le domaine non duel des Éveillés,
Des plus limpides, parfaite transparence,
Sans qu'il n'y ait en elle la moindre chose à cultiver
Ni personne pour la cultiver. 35
Tout voir sans concept :
Telle est bien la sublime
Vision du bonheur.
Corps de Vajrasattva et des autres,
Elle est l'essence de la multitude des divinités. 36
Elle est l'archétype des Éveillés
Et de tous les maṇḍalas des yoginīs,
De tous les Rois de courroux
Comme des reines de science. 37
En vérité, elle est bien la roue du maṇḍala divin,
Forme de lumière sans défauts, cime des sūtras,
Douée de la conduite juste comme de la sagesse des perfections. 38
Elle est la règle du cœur,
L' (essence des) formules magiques des divinités féminines et masculines,
Tout comme l'essence des pouvoirs surnaturels.
En vérité, elle incarne la totalité de l'enseignement des tantras :
Aussi bien est-elle le maṇḍala et le rituel d'offrande au feu ! 39
Se révélant pas à pas,
Elle se manifeste comme
Rituel d'adoration et de récitation,
Puis comme doctrine śivaïte, solaire, jaïn et vaiṣṇava. 40
Elle se révèle comme parole de référence
(Sous la forme du) Véda, puis,
Finalement, comme union avec le domaine des Omniscients,
Cette (conscience) inconcevable et sans concepts. 41
On la nomme "excellente à tous égards",
Car la (conscience) non duelle est pareille
A une pierre philosophale (qui exauce tous les souhaits).
C'est par elle et elle seulement
(Que tous les yogins) réalisent
Les pouvoirs divins.
Elle est le collyre magique,
Elle est tout cela :
Magie des dryades, pilule magique, bâton de pouvoir et caverne d'Ali Baba.
Tout est réalisé spontanément
Par la foi sans concept. 42-43
L'adepte des mantras
Ne doit pas cultiver quoi que ce soit.
Il ne doit pas même cultiver l'état naturel.
Que voit-il ?
Ni Éveillé, ni Śiva, ni Vainqueur. 44
Il ne perçoit rien, en vérité,
Ni forme, ni rien de coloré,
Ni corps divin naturellement immaculé
Doué d'une forme magique,
Ni forme de claire lumière naturelle
Qui (serait) la manifestation du bonheur
De l'éternelle félicité.
(Bien plutôt), il voit, (comme en) un miroir, un tour de magie,
Sans corps, sans parole ni esprit.
C'est la forme (même) du bonheur, ultime félicité,
Parfait bien être toujours épanoui :
Voilà ce que l'on peut dire des noms et des formes
Au moyen d'une instruction verbale. 45-47
Autrement, nul ne peut dire
Ce qui dépasse les chemins de la parole.
Le but (tant) désiré ne peut être atteint
Par une doctrine qui fait de l'action le but. 48
Au contraire, le vénérable Bhadra
Dévoile la vanité du rituel d'adoration..."
Kuddāla, Instructions sur la méthode de la (conscience) non duelle inconcevable (Acintya-advaya- [jñāna]-krama-upadeśa), 1-8 (l'édition dont je dispose comprend 124 stances).