La Triade ou Trika est une tradition du tantra non-duel qui invite à reconnaître que tout est manifestation émerveillée de soi en soi. Le monde, l'individu et sa Source ne sont pas des créations de l'aveuglement (avidyâ), mais le rayonnement gratuit, joyeux et bon de la pure Lumière consciente. Elle choisit de se manifester ainsi, dans l'aveuglement d'elle-même, tant elle est ivre de son absolue souveraineté.
Voici comment un maître du tantra non-duel décrivait cette philosophie au début du XXe siècle, dans un commentaire sanskrit à un poème d'Abhinavagupta, génie du tantra non-duel du Xe siècle :
Extrait de l'Explication de La Méditation de la vérité ultime, par Hara Bhatta Shâstrî
Hommage au dieu, grand seigneur qui
Veille sur la Puissance toujours nouvelle !
Hommage au couple qu'ils forment,
Toujours nouveau et toujours secret !
Hommage à Śiva
!
La masse de la conscience est
absolument une. Le seigneur suprême, océan de la conscience, débordant vers
l'intérieur aussi bien que vers l'extérieur, prodigue ses vagues, celles des
univers infinis qui abondent (en lui). Sa
nature même est un émerveillement : l'expérience délectable de la conscience,
de la pleine prise de conscience de soi - "je". Il repose donc en sa
propre majesté. Il n'y a donc pas la plus infime manifestation extérieure d'une
contraction (en lui), laquelle consiste en la séparation entre l'objet de
conscience, le sujet conscient, etc., relative aux trois temps. Et c'est lui qui,
débordant naturellement parce qu'il est une félicité sans failles, désire faire
apparaître ce jeu qu'est l'univers. Il (manifeste ce jeu) seulement parce qu'il
le désire, sans autre cause que lui-même et à partir de lui-même, sans avoir
besoin des ingrédients (habituellement nécessaires) comme une matière et des
instruments en guise de causes. Ainsi il manifeste librement, en soi-même, en
son Soi, c'est-à-dire comme séparés de lui bien qu'ils n'en soient pas séparés
- comme des reflets dans un miroir - (mais) mélangés à l'espace et au temps -
toute la merveilleuse diversité des relations de cause à effet : les sujets et
les objets ainsi que leur relations qui apparaissent en se niant mutuellement et
qui sont un mélange de pure (connaissance) et de (connaissance) impure (car incomplète).
De plus, lui seul, qui n'est pas mesuré par le temps et autres (restrictions),
est la nature propre absolue de ces manifestations. En réalité, rien n'est donc créé, maintenu ou bien
détruit. Seul l'espace de la conscience, masse de félicité, se manifeste dans
une plénitude de plus en plus intense, ivre de ces modes contraires. Telle est
la tradition de la Triade.
Traduit par A