mercredi 4 novembre 2020

Tendresse ou couardise ?



 "Homme de guerre et de fronde, François de la Rochefoucauld, qui vivait au temps des derniers hommes libres et France, les ultimes aristocrates avant leur mutation en pantins poudrés à la cour de Louis XIV, avait consigné en ses Maximes une forte intuition, qui éclaire de sa lucidité nos cérémonies consécutives aux attentats : "La réconciliation avec nos ennemis qui se fait au nom de la sincérité, de la douceur, et de la tendresse, n'est qu'un désir de rendre sa condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais évènement." Tel propos peut autant trahir la couardise masquée en tendresse d'une personne que celle de tout un peuple. L'on pourrait jurer, si le temps n'était irréversible, que l'aristocrate du XVIIe siècle a couché sur le papier cette terrible maxime tout exprès pour exhiber la vraie nature de notre antienne "Vous n'aurez pas ma haine !" Nous savons que si nous répondons à la guerre par la guerre, seule réaction raisonnable pourtant, nous perdrons notre "condition meilleure". Adieu alors douceur de vivre, terrasses tapageuses, cafés, restaurants et concerts [et séjours "bien-être", etc.] ! La "lassitude la guerre" évoquée par le moraliste est le pire des maux qui puissent empoisonner une civilisation - elle se maquille, en notre Europe sur le couchant, en lassitude de l'histoire. Cette lassitude est la maladie mortelle de toute civilisation."

Robert Redeker, Les Sentinelles d'humanité, p. 10

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