samedi 16 mars 2024

Qui était Ramana Maharshi ?

Ramana et Ganapati : amis ou ennemis ?

Ramana est le "sage" indien le plus important di XXème siècle. Chaque jour son influence grandit. Dans un monde dominé par les écrans limités, il attirait l'attention sur l'Ecran sans limites dans lequel apparaissent tous ces écrans limités.

De plus, il a vécu une vie simple en accord avec ses enseignements. Dans un pays où les gourous font souvent scandale, Ramana se démarque par sa cohérence.

Cependant, les interprétations de son enseignement sont diverses et parfois opposées.

En schématisant, deux camps apparaissent :

- A une extrémité, les partisans du Vedânta. Les deux principaux représentants de cette ligne sont Muruganar et Lakshman Sharma. Ils ont tous les deux composés des oeuvres écrites sous la supervision de Ramana.

- A l'autre extrémité, les partisans du Tantra. Les deux principaux représentants de cette ligne sont Ganapati Muni et Kapali Shastri. Eux aussi ont composé des oeuvres écrites sous la supervision de Ramana.

Entre les deux, on trouve les oeuvres rédigées par Ramana lui-même. La principale et la plus sûr est l'Upadesha-sâra, l'Essence de l'enseignement (de Ramana). C'est pourquoi j'ai choisi de principalement traduire cette oeuvre dans mon recueil d'Œuvre sanskrites de Ramana, paru chez Almora.

Cependant, il reste les autres œuvres, composées par des auteurs "autorisés" par Ramana et son ashram (organisation), mais qui présentent des visions contradictoires.

Sans entrer dans les détails, le problème principal qui les divise est le suivant :

- Le monde est-il une illusion destinée à disparaître après l'éveil (Vedânta) ? Ou bien est-il une manifestation de l'absolu, manifestation destinée à être transformé par l'éveil spirituel (Tantra) ?

Les implication éthiques sont importantes. Ce ne sont pas des questions creuses. Ramana a dit, rapporte-t-on, que Hitler était peut-être un éveillé et un instrument du Divin. Il a dit aussi que, même si "cinq millions de personnes sont massacrées, cela laisse l'éveillé indifférent". Pourtant, il était plein de compassion pour les animaux.

Comment expliquer ces affirmations et ces comportements ?

Quel est le véritable message de Ramana ?

A ma connaissance, il n'existe pas d'étude vraiment complète sur la question. La plupart des interprètes sont partisans d'un camp ou de l'autre.

A la suite de mon premier livre sur Ramana, j'ai donc le projet d'en écrire au moins deux autres : Un sur l'interprétation védântique de Ramana ; et l'autre sur son interprétation tantrique.

lundi 11 mars 2024

Quelles sont les méthodes du Tantra ?


 Dans cette entrevue récente, le Swami Sarvapriyananda, excellent enseignant de l'Advaita Vedânta, décrit les méthodes (upâya) du Tantra :

vidéo

Ses définitions ne sont pas exactes. Selon lui l'Anupâya ou Non-méthode est le Yoga de la Connaissance, jnâna-yoga. Le Shâmbhava-upâya ou Méthode de Shiva est aussi Yoga de la Connaissance car il consiste à méditer sur des formules telles que "Je suis Shiva". Le Shâkta-upâya ou Méthode du Pouvoir consiste à méditer et réciter des Mantras. Enfin, l'Ânava-upâya ou Méthode de l'Individu consiste à pratiquer tout le reste : yoga, rituels, dévotion, etc.

Cette description est erronée. Il est important de rectifier, car des erreurs circulent depuis longtemps. Déjà, le Swami Lakshman Joo et Lilian Silburn avaient commis ces erreurs.

Abhinava Gupta est le maître qui a le plus développé l'enseignement sur ces quatre Méthodes ou Moyens. Dans son Tantra-âloka, il les définit ainsi :

1 - An-upâya ou Non-Méthode est aussi appelé Alpa-upâya ou Méthode minimaliste ; ou encore Âtma-upâya "Prendre le Soi comme moyen" ou, enfin, Ânanda-upâya "Prendre le plaisir comme méthode", le plaisir étant la Présence (caitanya) elle-même. Cette approche consiste donc à prendre le but comme moyen. Mais il ne s'agit pas d'une absence totale de moyens. Le Tantra, de manière générale, exclut rarement. Concrètement, cette Méthode est celle de la bhakti ou amour divin. C'est approche mystique, directe dans son rapport à l'absolu, mais qui est graduellement dans la manifestation de ses effets. Son enseignement est une sorte de Yoga de la Connaissance, mais épuré à quelques affirmations du genre "La réalisation spirituelle ne dépend pas des méthodes, ce sont les méthodes qui dépendent de la réalisation spirituelle", presque comme des koâns.

2 - Shâmbhava-upâya, aussi appelé Icchâ-upâya ou "Prendre l'élan avant les pensées, comme moyen". Ce moyen est comme le précédent, mais il met davantaga l'accent sur l'énergie et quelques symboles, principalement l'alphabet. 

Le Moyen 1 est Shiva, le 2 est plus Shakti.Mais ils sont proches dans le style épuré et minimaliste.

3 - Shâkta-upâya est aussi appelé Jnâna-upâya ou "Prendre le pouvoir de connaissance, comme moyen (pour s'éveiller)". Il est le Yoga de la Connaissance, c'est-à-dire la philosophie, le travail sur les croyances. Il consiste à examiner les fausses croyances pour les remplacer, peu à peu, par des croyances vraies qui ne font plus obstacles à l'attention à soi. Selon le Tantra, en effet, toutes les croyances ne sont pas à rejeter. Certaines sont compatibles avec l'éveil et expriment la vérité, comme par exemple "Je suis Shiva".

4 - Ânava-upâya aussi appelé Kriyâ-upâya ou "Prendre l'activité comme moyen" regroupe TOUTES les autres pratiques : yoga, méditation,  respiration, Mantras, rituels, danse, chant, mais aussi le yoga "sexuel" et autres pratiques transgressives. Autant dire, 99% des pratiques, que ce soit dans le Tantra ou hors du Tantra (en effet, selon le Tantra, toutes les autres traditions sont des préparation au Tantra, qui lui-même comporte différentes étapes ou degré de dévoilement de la vérité complète).

Vous pouvez maintenant comparer les deux définition, et aussi les comparer avec le Tantrâloka lui-même, si vous souhaitez approfondir.

Ces Moyens ne sont pas absolument hiérarchisés. Le 4 est "L'Individu comme moyen", mais attention ! Le Tantra ne méprise pas l'âme individuelle. Et dans sa tradition ultime, appelée Trika ou Triade, l'Individu est l'un des trois Mystères sacrés, à égalité avec Shiva et Shakti. De fait, ce "Moyen" qui regroupe 99% des pratiques comporte les pratiques les plus puissantes, appelées "absolues" (anuttara) car elles débouchent directement sur l'éveil.

Pour conclure, notons donc clairement en nos esprits que, selon le Tantra, l'éveil est possible à tout instant, pour n'importe qui, indépendamment de la Méthode, des pratiques ou de leur absence, sans dépendre du karma. Il n'y a qu'une seule Déesse, et elle est absolument libre. La liberté ne dépend pas du karma ; c'est le karma qui dépend de la liberté.

dimanche 3 mars 2024

Nous sommes les enfants de l'éveil


 

Shiva et Shakti sont les parents de l'Individu.

Tel est l'éveil : reconnaître nos parents à la racine de notre être, au cœur de toutes nos filiations, de ce monde oud es autres. 

Le père-espace, la mère-énergie (=le corps) et l'enfant-vibration-du-cœur.

La tradition Kaula n'est rien d'autre que cette triade. Réintégrer la Famille divine est l'initiation qui ne dépend pas de Mantras, de Mudrâs et de Mandalas, parce que cet acte de réintégration lui-même est la source des Mudrâs et des Mantras, des dieux et des déesses, avec tous leurs Mandalas. 

Kula est la Famille divine : Père, Mère, Enfant. 

Père = infini de silence

Mère = conscience de ce silence qui s'écoute à l'infini

Enfant = synthèse du Père et de la Mère, incarnation universelle à l'infini

Nous sommes tous des enfants de cette famille, de cette constellation triadique, de cette auguste trinité immortelle. Chacun la porte en soi, mais la cherche au dehors.

Puisse notre regard se retourner !

mardi 20 février 2024

La clé de l'éveil


 Les méthodes d'éveil spirituel semblent très différentes, entre celles qui prônent la chasteté et celle qui invitent à la sensualité, par exemple.

Mais cette apparence cache une réalité : Il existe une clé de l'éveil.

Même dans les traditions réputées sensuelles, comme le Tantra, cette même clé est transmise.

Cette clé, c'est le retournement de l'attention vers soi. 

L'enseignement est simple :

Plus je suis tourné vers les choses, plus je suis malheureux.

Plus je suis tourné vers moi, plus je suis heureux.

Attention : "moi" ici ne désigne pas mes pensées, mes impressions, mes sentiments, mes envies, mais bien moi, purement et simplement. Il ne s'agit donc pas de se "replier sur soi" ou de se contempler le nombril, de tomber dans le narcissisme ou de cultiver l'égoïsme, mais de plonger dans le Moi pur. "Pur", c'est-à-dire sans identification aucune. "Je suis", sans m'identifier à ceci ou à cela. La pure et simple conscience de soi, sans saisie d'aucun objet. 

En pratique, je reviens vers moi, non vers une idée. Et, à chaque fois que je prends conscience que je m'identifie ou que je m'accroche, même subtilement, à une pensée, je lâche, doucement et je replonge en moi, comme les rayons de lumière se résorbent dans le soleil. A chaque fois que je prends conscience que je "dis" quelque chose mentalement, même de manière subtile, je cesse et je plonge en moi.

Encore une fois, il ne s'agit pas de "m'intéresser à mes problèmes".

Or, cette clé de l'éveil est transmise aussi dans le Tantra.

Prenons l'exemple d'un yogi de la tradition de Kâlî, Râmyadeva (Bhāvopahāra) : 

 "Plonger l'attention en soi en retournant le regard quand on atteint la fusion totale" (pratyāvṛttyinayena svāvadhānaṃ vidhyāya, prāpte mahāsāmarasye, 17).

De même, le geste sacré (mudrâ) "est la Terrible (bhairavî) qui est à la fois lâcher-prise du regard tourné vers l'extérieur et stabilité de l'attention tournée vers l'intérieur" (iyam eva cāntarlakṣyabahirdṛṣṭibhāvena tyāgagrahābhyāṃ bhairavī, 31).

Donc, partout et toujours, tournons notre attention vers soi, vers la source même de l'attention.

mardi 13 février 2024

L'Occident a-t-il corrompu le yoga ?

Le yoga est-il "contrefait par les Blancs" ? C'est ce que dit le Monsieur dans cette vidéo (cliquer).

Or, le propos de ce Monsieur est abject.

Non seulement il dit des âneries, en plus il est raciste. Tout simplement.

Mais le plus grave n'est pas là. 

Le plus grave, ce sont les réactions des "Blancs" visés par ses insultes qui, non seulement se font rabrouer par ce personnage mal éduqué, mais en plus opinent du chef et trouvent bienséant de se faire ainsi chapitrer de la plus vile manière.

Or, de cela, je vois des exemples chaque jour. 

Et récemment même, dans les milieux spirituels autour de l'Inde. 

"Occidental" est systématiquement employé dans un sens péjoratif. Ce racisme qui ne dit pas son nom n'en est pas moins un racisme. Or, l'amour inconditionnel ne consiste certes pas à tolérer sans condition n'importe quel ignominie. 

Je vous aime tous. Mais j'aime encore plus la justice, la vérité et la dignité. Je ne vais donc pas me taire.

Où est-elle donc passée, la dignité de ces "Blancs" qui se laissent gifler par ces mains mensongères, sans moufeter, un sourire contrit aux lèvres et l'air penaud ?

Car enfin, le yoga est-il "contrefait", c'est-à-dire corrompu par les "Blancs" ?

C'est mensonge éhonté ou c'est ignorance crasse que d'affirmer cela !

N'en déplaisent aux contempteurs de l'Europe, c'est la tradition du yoga qui a inventé la quête assoiffée des pouvoirs surnaturels et "perfections" (siddhi) diverses. 

C'est la tradition qui a, la première et encore jusqu'à aujourd'hui, et sans attendre le vilain Occident, à commencé à proposer un yoga "mis à toutes les sauces" : 

yoga pour la santé, pour les pouvoirs occultes, pour voler, pour trouver des trésors, pour manipuler, pour séduire, pour rendre fou, pour tuer. Pour provoquer des fausses couches, pour pénétrer le corps d'autrui, pour ressusciter les cadavres, pour espionner, pour gagner les batailles, pour provoquer des fausses couches, pour aveugler, pour faire perdre la mémoire. 

Mais aussi... pour s'enrichir, pour devenir célèbre, pour rester jeune. Innombrables sont les pratiques de yoga pour vaincre le mal de tête ou de dent. Pour rendre la peau plus claire (tiens donc !), pour éliminer les cheveux blancs, pour augmenter la puissance sexuelle.

Combien de dynasties "royales" fondées par des yogis ? 

Ainsi, le chef actuel de l'organisation traditionnelle qui se targue de mettre le yoga au cœur de sa transmission, Yogi Adityanâth, est-il aussi le Premier Ministre de l'Uttar Pradesh en Inde, après une longue carrière politique. 

Cette "corruption" qui serait l'œuvre des "Blancs" est en réalité au cœur de la tradition du yoga, et ce depuis toujours.

Il y a un dernier argument en ce sens, et non des moindres : Les critiques adressées aux yogis et au yogas depuis l'intérieur même de ces traditions. Et aussi, les satires des moralistes sanskrits comme Kshemendra. Et de tant d'autres... Le Kali-yuga aurait-il donc débuté avec l'arrivée des Occidentaux en Inde ?

Enfin, il est bon de rappeler qu'une grande partie de la civilisation indienne est d'origine indo-européenne et, donc, "blanche". Au reste, innombrables sont les marabouts indiens (tântrikas, yogis, vaidyas...) qui proposent des remèdes miracles pour "blanchir" la peau, et il en a toujours été ainsi. Quelle hypocrisie d'accuser ensuite les "Blancs" de "contrefaire" une culture obsédée par la clarté du teint !

Est-ce à dire que le yoga hors de l'Inde ne prête le flanc à aucune critique ?

Nullement !

Et je me place au premier rang de ces critiques, comme ceux qui suivent mes écrits le savent.

Néanmoins, le phénomène de la "corruption" ou "marchandisation" du yoga :

1) il n'est pas nouveau, il existait bien avant l'arrivé des "Blancs" (mais lesquels ? les Indo-européens ? les Grecs ?).

2) il touche toutes les classes moyennes de la planète, dont les classes moyennes indiennes ; voyez par exemple "Sadhguru", champion de ce genre d'entreprise mondialiste ; son patriotisme affiché ne l'empêche nullement de ratisser "mondial".

D'autre part, le yoga "moderne" a apporté beaucoup à la tradition du yoga :

1) des pratiques, des postures, une finesse technique, 

2) une exigence éthique (voyez l'exemple de l'Ashtanga), des prolongements qui n'existaient pas dans la tradition, 

3) moins de superstitions (on ne mange plus de pilules au mercure),

4) une émancipation du féminin (alors que le yoga traditionnel est misogyne), et mille réflexions nouvelles.

J'ai entendu ce genre de propos racistes pendant des décennies. Depuis ma naissance, en fait. Je suis de cette génération qui a grandi dans le déni de soi. Mais je ne peux le tolérer, car c'est injuste et faux.

De plus, l'Occident est riche de bien des qualités et vertus que la "tradition du yoga" nous envie ou devrait nous envier. De fait, "l'Inde éternelle" ne craint pas d'imiter ou de plagier le vil Occident quand cela lui paraît servir ses intérêts.

Enfin, je ne marque même pas les erreurs de ce Monsieur sur la prononciation de "yoga" et "âsana", tant le ridicule est évident.

Donc, cessons de nous culpabiliser, de nous laisser insulter. 

Reprenons courage et dignité, fiers de notre héritage, le cœur et l'esprit ouverts, mais sans naïveté face aux envieux de tous bords.

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