samedi 18 février 2023

Le monde disparaît-il après l'éveil ? La thèse de Ramana



En quoi la pensée de Ramana Maharshi est-elle différente de l'Advaita Vedânta ? Ramana est parfois rangé parmi les Vedântins mais, de fait, il ne cite presque jamais les commentaires de Shankara et fait l'impasse sur des thèmes aussi importants, dans le système Vedântin, que l'interprétation des paroles des Upanishads. Or, sans ces paroles, qui sont selon le Vedânta, les moyens de connaitre l'identité du Soi et de l'absolu, la libération est impossible.

Un autre point de divergence est l'insistance de Ramana sur la disparition du monde en tant que phénomène, en tant qu'apparence, après l'éveil, après la connaissance (jnâna-bodha). Alors que, pour le Vedânta, l'erreur cesse qui tenait l'illusion pour la réalité. Mais l'illusion elle-même demeure, pour ce que j'en comprends (car le point est controversé). Ramana insiste, contre les faits et le bon sens, que la connaissance détruit non seulement l'erreur, mais encore l'illusion ou Mâyâ. Le Vedânta, me semble-t-il, affirme plutôt que la Mâyâ - le monde, le corps, etc. - est vue pour ce qu'elle est, mais qu'elle ne disparaît pas en tant que phénomène, attendu qu'elle n'est "ni réelle, ni irréelle". N'étant jamais réellement apparue, elle ne peut jamais réellement disparaître.

Depuis longtemps, j'ai interrogé l'enseignement de Ramana pour repérer l'origine de cette différence. Je crois l'avoir trouvée dans l'Upanishad de la science suprême selon Ramana (Ramana-para-vidyâ-upanishad), un poème sanskrit d'eviron 700 verset, rédigé à la fois par Lakshman Sharma et Ramana vers la fin de sa vie. On peut donc considérer ce texte comme le testament philosophique de Ramana. 

Or, au verset 132 de ce poème, Ramana affirme une chose cruciale : "Nul ne peut connaître l'irréalité d'un rêve pendant le rêve lui-même. De même, personne ne peut connaître l'irréalité de l'état de veiller pendant l'état de veille". 

Autrement dit, le rêve lucide est impossible. Pourquoi ? Parce que je ne peut savoir que je rêve au moment même où je rêve. Savoir que je rêve c'est, du même coup, me réveilelr de ce rêve. Le présupposé est qu'une cognition ou une expérience ne sont ni vraies ni fausses en elle-même. Elles ne le deviennent que relativement à une autre cognition. Tant que je vois ce lac dans le désert, je ne sais et je ne peux savoir si cette perception est vraie ou fausse. Pour l'établir, il faut une cognition ultérieure qui va confirmer ou infirmer cette cognition. 

Cette théorie relativiste de la validation va elle-même de paire avec une vision idéaliste. Par "idéalisme", j'entends ici l''hypothèse selon laquelle le monde "extérieur" est projeté par notre conscience, cette conscience étant uen et la même pour tous les individus. En vérité, il n'y a pas de conscience individuelle. De ce fait, il n'y a que des phénomènes ou des apparences (âbhâsa). Les objets ne sont que des apparences. Le corps, le monde, etc. ne sont que des apparences. Il n'y a que la conscience et les manifestations (=phénomènes, apparences) de la conscience, pour la conscience, comme dans un rêve. 

Or, selon Ramana il est impossible de savoir que l'on rêve, tout en rêvant. Il est alors logique de conclure que la connaissance est absolument et à tous égards incompatible avec une quelconque expérience phénoménale. En somme, si le monde est un rêve, alors connaître l'irréalité du monde, c'est faire disparaître le monde. En tant que phénomène. De même que le rêve cesse, en tant que phénomène, dès lors que je sais qu'il s'agit d'un rêve. 

Le point-clé est le suivant : l'état paradoxal du rêve lucide est impossible. Le rêve implique un état d'ignorance qui est radicalement antagoniste de la connaissance, comme la lumière et l'obscurité. Tel est la thèse qui amène Ramana à soutenir, contre les apparences, que la connaissance fait absolument cesser toute apparence, tout phénomène. Pour le jnânî, "celui qui connaît", il n'y a pas de monde, pas de corps, pas d'individualité, etc. Quand il parle, personne ne parle et rien n'est dit. C'est seulement du point de vue erroné du rêve qu'il y a un jnânî qui parle, incarné, dans un monde, etc. Bien sûr, le fait même de le dire semble contredire cela. Mais Ramana a choisi d'assumer ce paradoxe. En réalité, rien n'existe, rien n'apparaît même. 

Le Vedânta orthodoxe, en revanche, me semble avoir une position différente. Shankara er Sureshvara soutiennent, en effet, que l'ignorance (avidyâ) et l'illusion (mâyâ) sont deux choses distinctes. L'ignorance est une cognition erronée (mithyâ-jnâna) qui confond le Soi (la conscience) et le non-Soi (les phénomènes), et qui juge encore que le non-Soi est réel. Mais "réel" ici (dans les commentaires de Shankara et Sureshvara) ne désigne pas le fait même d'apparaître, mais le fait de ne pas être toujours présent. Le point n'est certes pas tout à fait clair à mes yeux (et aux yeux d'autres interprètes, comme en témoigne les controverses qui n'ont pas cessé jusqu'à ce jour), mais je pense que Shankara est plutôt réaliste, en ce sens que, pour lui, l'hypothèse "idéaliste" selon laquelle la conscience projette le monde à travers les individus, n'est pas essentielle. On peut s'en passer, elle peut même être considérée comme dangereuse. Ainsi s'explique la critique de Shankara à l'endroit de l'idéalisme bouddhique. Au fond - et il le dit - le but des explication sur la nature du monde phénoménal n'est pas la connaissance de ce monde, car une connaissance réelle de ce qui n'est pas absolument réel n'est pas possible. Et elle n'est pas nécessaire. Le but est l'éveil, non la connaissance des choses. Voilà pourquoi Shankara emploie souvent, à la suite des Upanishads, des explications réalistes du monde. 

Par conséquent, le monde lui-même n'est pas un rêve. N'étant pas un rêve, la connaissance ne le fait pas nécessairement disparaître en tant qu'apparence. Ce que la connaissance fait cesser, en revanche, c'est l'idée erronée que le monde est réel. C'est comme un tour de magie : quand vous connaissez le truc, la fascination disparaît, mais le tour de magie se poursuit comme avant. Vous n'y croyez plus, mais les apparences ne changent pas pour autant.

Dès lors, si l'on tenait à conserver la théorie idéaliste, il faudrait dire que l'état d'éveil, suite à la connaissance, est comme celle du rêve lucide. Je sais que je rêve, mais le rêve continue. On constate d'ailleurs que ce choix a été retenu dans la branche du Vedânta tardif qui s'est largement inspiré d'un traité de non-dualisme non vedântique : le Yoga selon Vâsishta (voir ici). Dans ces mille et une nuits de la non-dualité, l'éveil n'interrompt pas le rêve. C'est l'état de "délivrée-vivant" (jîvan-mukta), où l'éveil est incarné. 

Le fait de savoir que le rêve est un rêve transforme l'apparence du rêve dans le sens d'une paix, d'une liberté et même d'une jouissance plus grandes, mais le rêve ne cesse pas. L'éveil est l'accès à un état de rêve lucide. Un état certes paradoxal, mais qui a le mérite de ne pas contredire les faits. Le monde n'est pas réel, car il n'est pas permanent. Il n'en apparaît pas moins. Néant apparent, phénomène irréel où forme vide, comme on voudra, il n'en reste pas moins qu'il est un fait d'expérience que nulle imprécation ne saurait le faire disparaître. 

Or, si la connaissance ne le fait pas entièrement disparaître, c'est qu'il n'est pas entièrement du à l'ignorance. Un principe du Vedânta affirme, en effet, que la connaissance n'a le pouvoir de faire cesser que l'ignorance et les effets de l'ignorance. Mais alors, le monde n'est pas entièrement irréel. Et donc, il est partiellement réel. Mais, si le monde est partiellement réel, alors les différences dont le monde est constitué, sont partiellement réelles. Et donc, l'unité n'est pas seule réelle, mais la variété aussi. Shankara n'était pas prêt à admettre cette possibilité, car il a opté pour une logique du "tout ou rien". Pour surmonter cette objection, il semble avoir admis qu'un "reste d'ignorance" subsiste même après la connaissance, après l'éveil, et que c'est seulement après la mort que l'illusion - effet de l'ignorance - disparaitra entièrement. 

Ramana, de son côté, avait admis la présence du monde au moins comme phénomène, quand il a commencé à parler de "samâdhi naturel" (sahaja-samâdhi). Mais ce poème de la fin de sa vie témoigne qu'il n'a jamais abandonné sa thèse radicale : l'éveil est la fin de toute apparence, extérieure comme intérieur. Il n'y a plus rien d'autre que l'être, sans aucun changement, aucune évolution. 

J'ai auparavant pensé que cette persistance exprimant tout simplement la puissance de l'épérience de l'éveil aux yeux de Ramana. Son insistance est une manière de traduire dans le langage le fait que l'absorption dans le "je suis" est si forte que tout se passe "comme si" le monde avait cessé. Et il ne fait pas de doute qu'il disparaît bien comme phénomène subjectif durant le sommeil profond et le samâdhi. 

Je pense à présent que Ramana tenait à cette thèse problématique parce qu'il ne croyait pas en la possibilité du rêve lucide, du rêve éveillé. Il est impossible de voir à la fois le fond et la forme, le miroir et les reflets, le serpent et la corde. Bien sûr, il reste possible de penser que Ramana exprimait aussi, de cette manière, la puissance radicale de son expérience. Néanmoins, son affirmation que le rêve lucide est impossible est frappante et ne doit pas être négligée. Sur Ramana et sa philosophie originale, voir ici.

A l'opposé, le bouddhisme Mahâyâna et le Tantra considère que le rêve lucide est tout à fait possible. Le yoga bouddhiste du rêve est célèbre. Et Abhinavagupta reconnaît qu'il est possible de rêver à l'intérieur d'un rêve. L'éveil n'est pas la fin du rêve, mais sa transformation. Pourquoi ? Parce que le "rêve" du monde est la libre création de la conscience universelle, et non seulement l'hallucination d'un mental individuel.

jeudi 16 février 2023

Aham aham



 L'enseignement de Ramana Maharshi invite à "plonger dans le Soi" (âtma-mârgana). Cette voie "directe" ou "droite" (ârjava) est ainsi résumée en sanskrit par Ramana :

hṛdaya-kuhara-madhye kevalaṃ brahma-mātraṃ

hy aham aham iti sākṣād ātma-rūpeṇa bhāti /

hṛdi viśa manasā svaṃ cinvatā majjatā vā

pavana-calana-rodhāt ātma-niṣṭho bhava tvam // 

L'absolu pur et simple

brille simplement et directement

au centre de la caverne du cœur, 

en tant que soi-même,

"je suis je". 

Plonge dans le cœur

avec le mental, par toi-même,

en méditant ou en t'immergeant.

Le souffle suspendu, vis en toi même à jamais.

L'expression ahama-ahamtayâ n'a pas de traduction évidente. S'agit-il de "je.. je..." ? Mais qu'est-ce que cela voudrait dire ? Ou bien de "je suis je", plus conforme à l'usage sanskrit. Cette dernière interprétation, que je choisi, ressemble à celle du shivaïsme du Cachemire, and l'expérience de la non-dualité est décrite justement par cette même expression aham aham, "je suis je".

David Godman tend vers cette interprétation dans deux articles très pertinents :

Sur le sens de l'expression aham aham

Sur "je suis" comme nom de Dieu

Je suis tombé sur une autre occurrence de cette expression, rare à ma connaissance en dehors de Ramana et du shivaïsme du Cachemire : l'Essence de l'enseignement des Upanishads (Sarva-vedânta-siddhânta-sâra-samgraha), une œuvre en un milliers de versets, attribuée aujourd'hui à Shankara Bhagavatpâda, mais en réalité œuvre d'un Shankara disciple d'Advayânanda.

Dans le verset 614b, on lit en effet :

gaṅgā-bhaṅga-paramparāsu jalavat sattā-anuvṛtta-ātmanas
tiṣṭhaty eva sadā sthirā aham-aham ity ekātmatā sākṣiṇaḥ

(Les cognitions) se succèdent telles les vagues sur le Ganges. 
Mais l'existence du Soi est continue, comme celle de l'eau (dans les vagues). 
Il est est toujours présent. L'unique identité est stable en tant que "je suis je".
qui appartient au témoin (des "vagues" des cognitions).

vendredi 10 février 2023

Le brahman en expansion


Le brahman est l'absolu. Dans le Vedânta et l'hindouisme commun, il est décrit comme étant inactif, shânta "guéri de la fièvre" qui pousse les êtres à agir. 

Dans le Tantra, en revanche, l'absolu est décrit comme étant en expansion, vikâsvara.

Bhartrihari est un personnage mystérieux. Il a peut-être vécu au Vème siècle. Il est l'auteur d'un livre célèbre, ardu à comprendre, car il décrit l'absolu comme une sorte de langage qui se déploie depuis le silence jusqu'aux langues ordinaires. De plus, il affirme que cette parole crée le Veda (le savoir sur l'invisible) et le monde. Ainsi, la parole crée le monde en parlant. 

Il est un jalon important car sa philosophie, originale mais basée sur le Veda, a inspiré le Tantra et, en particulier, la philosophie de la Reconnaissance, de la reconnaissance de l'essentiel en la conscience. 

Il est aussi l'auteur de trois poèmes, trois Centuries. L'une sur l'amour romantique, l'autre sur la morale et la dernière sur le détachement où la lucidité dégrisée, vairâgya. De prime abord, il semble être une diatribe du renoncement, décrivant avec acuité les défauts de la vie ordinaire. L'alternative est la méditation sur l'absolu, brahman.

Mais curieusement, on trouve ici et là dans son poème des termes du Tantra ultérieur, celui de la Reconnaissance et du "shivaïsme du Cachemire". Par exemple, le verset 69a :

"Médite cet absolu - l'absolu infini,
sans âge, ultime, en expansion (vikâsi).
A quoi bon ces pensées sur ce qui n'est pas réel ?"

Nous retrouvons ici vikâsa, expansion, dilatation, terme essentiel du shivaïsme du Cachemire, du Tantra non-dualiste, pour décrire le fait que la conscience se dilate. Elle n'est pas statique, mais dynamique, plastique et fluide comme une matière vivante. Quoi de plus naturel pour la conscience qui est la vie absolue source de toute vie ?

En tous les cas, la présence de ce terme et d'autres est sans doute une indication de plus de l'extraordinaire continuité entre le Veda et le Tantra, entre les différentes étapes de la révélation tantrique.

dimanche 5 février 2023

Parole endormie, parole éveillée


 

En Inde, comme en Europe et dans toutes les cultures que je connais, la parole a valeur d'âme. Sans elle, le néant même ne saurait être dit, il ne peut pas même être "néant". Sa propre impuissance n'est impuissante que par la puissance de la parole.

En Inde, la parole est à la source des termes qui désignent l'absolu.

Âtmâ est d'abord le souffle, lequel fait corps avec la parole.

Brahman, l'absolu, désigne d'abord une formule, souvent une énigme, une équation entre macro et microcosme.

Akshara, l'Impérissable, désigne la syllabe ou plutôt le phonème, manifestation de la parole.

Nâda "la Résonance" est d'abord le signe graphique qui indique la résonance nasale, de même que bindu, "le Point". De même, visarga, l'extase créatrice, union de Shiva et Shakti, est d'abord le signe, fait de deux points, qui indique une légère expiration du souffle.

Le Tantra se nomme lui-même "voie du Mantra". Dans le Veda, le mantra désigne le verset poétique : encore une parole. Parole et pensée sont inséparables.

La parole est créatrice. "Je suis" est l'acte primordial. A est la première lettre ; HA est la dernière. Ainsi, l'être et la conscience d'être s'unissent et, par leur union, engendrent toutes choses. Ils s'unissent dans le Point M : AHAM, "Je suis".

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Cependant, il existe plusieurs états de la parole. Il y a la parole agitée, claire aux sens mais limitée par les conventions : la parole articulée. En amont, cette parole discursive est parole visionnaire, globale, source de la parole poétique, puissante. L'action corporelle est aussi parole : elle en est le prolongement dans le monde commun. 

La parole profane est endormie, elle est la Kundalinî inachevée. Parfaite en puissance, mais actuellement inaboutie, enroulée en elle-même. L'enroulement de la spirale est l'image du potentiel, d'un état endormi. Notre Kundalinî, notre conscience, notre parole, est éveillée, sans quoi il n'y aurait aucune expérience. Mais elle est partiellement éveillée seulement. A mi-chemin entre le néant et l'éveil, elle attend son propre réveil. 

La parole éveillée est poésie, parole efficace, parole qui s'élance du bruissement par-delà les mots, vers le frémissement au-delà du langage. Elle passe par les lettres, mais ne s'y arrête pas, sauf pour les rêves tourmentés que sont nos existences ordinaires. La vie passe par le corps et retourne à la vie, sans s'arrêter au corps.

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Le souffle expiré est la parole qui donne. Le souffle inspiré est la parole qui reprend. Entre les deux, le souffle égal est la parole qui équilibre. 

Cependant, comme le sommeil profond, ce souffle égal n'est pas l'éveil. De même, le sommeil profond, sans rêves, est bien unité pure. Mais l'unité pure n'est pas l'éveil. L'expérience de l'unité pure sans aucune différence n'est pas l'éveil

L'éveil est quand la conscience s'éveille à elle-même dans ce silence homogène du sommeil profond, ou dans l'agitation du rêve. Le souffle devient alors vertical. Un feu prend, une étoile s'allume dans la nuit. Il consume tout avant d'engendrer une nouvelle création, celle de la vie éveillée. Le vide se met à vibrer : Je suis. 

Le sommeil profond n'est qu'un état que la conscience, absolue liberté, joue à manifester. L'éveil n'est pas l'unité pure du sommeil profond. Certes, il n'y a pas plus "un" que le sommeil profond, ou l'évanouissement, ou le coma, ou la mort. Mais l'éveil n'est pas cet état indifférencié. 

L'éveil est la conscience qui se reconnaît, comme quand je me réveille d'un rêve, comme quand je reconnais mon visage, comme quand je sens soudain ma main en train de sentir les gouttes de la pluie. Or, nulle reconnaissance n'est possible sans parole. Donc l'éveil lui-même est manifestation de la parole. L'éveil n'est pas un état d'unité simple, mais un acte de retour sur soi, de ressenti de soi, de ressaisissement de soi, de réflexion, de... conscience, de soi. Je suis.

Tel est, du moins, l'enseignement du Veda et du Tantra.

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