dimanche 30 mai 2010

Libération par la Vision

Le grand Dudjom n'était pas grand pour rien. Notre ami Joy Vriens nous a envoyé cette photo de ce maître de la Grande Perfection (dzogchen), avec un poème aussi bref que limpide :


Regardes cette photo,
Puis regardes ton esprit,
Regardes celui qui regarde.
Si tu vois cela, tu es le Vainqueur.

par Le Précieux Dompteur de démons

vendredi 28 mai 2010

Tai ho - bouger sans bouger

Comme beaucoup d'autres, j'ai fait partie de ces légions d'adeptes de l'idéologie impérialiste japonaise, sous sa forme martiale. Pour l'essentiel, cela consistait à avoir une foi aveugle dans "l'école" (ryû), et à croire que répéter dix mille fois un mouvement permettrait de progresser vers un Sublime Idéal de Perfection Immuable. Or, il n'en est rien. Les histoires de sabristes qui cognent jusqu'à atteindre l'Eveil sont typiques d'une idéologie d'après-guerre, pas des arts martiaux japonais anciens. Mais comment le savoir, me demanderez-vous ? Tout simplement en constatant qu'il y a quelques exceptions. Je veux dire, quelques adeptes qui usent un peu de leur cervelle, qui cherchent passionnément. Deux figures incontournables dans ce domaine : Tetsuzan Kuroda et Yoshinori Kono.

D'abord Kuroda, démonstration de iai :



Puis Kono, en iai aussi :



Puis le jo (bâton) de Kono :



A comparer avec les mouvements "orthodoxes" de l'école Shinto Muso :



Enfin, je ne peux résister à l'envie de partager ce petit document sur l'un des grands fantasmes des adolescents de mon temps comme d'aujourd'hui : le shuriken.



Bien sur, c'est en japonais, mais je trouve cela extraordinaire. Le véritable art martial est l'exploration du mouvement. Comment je marche ? Comment je suis assis ? Comment j'épluche une carotte ? D'où sort ce corps ? Et ces bras ? Qu'est-ce que la "force musculaire" ? Voilà les questions vitales sur lesquelles s'interrogent ces chercheurs. Et il y a des dizaines d'autres documents de ces deux passionnés à découvrir, à côté des centaines de vidéos par des écoles traditionnelles.

Bina guru gyan kahan se pahung ?

Extrait d'un film sur Tansen, le Mozart de ma musique classique indienne. Encore un exemple de l'impact de la culture des mahâsiddhas bouddhistes. Le disciple ressuscite le maître par sa dévotion :



Du même film, chanté par Vishnu Digambar Palushkar, autre chef d'œuvre :



Pour finir, "Ton Nom, Ô Râm, est la vérité !". Le jeune Baiju rencontre Tansen. Deux génies se rencontrent, et vont se déchirer :

La souffrance n'est qu'un objet parmi d'autres - Méthode pour l'éveil XI

33.

Si le (disciple) dit: "Bienheureux ! Quand ce corps brûle ou bien est brisé, c'est là une perception directe (et non une illusion) ! De même, la souffrance causée par faim, etc. est pour moi une perception directe. Or, ce Soi suprême est révélé dans toutes les Révélations et les Traditions comme "ce Soi non affecté par le péché, radieux, sans mort, sans peine, sans faim ni soif, dépourvu de toute saveur, de toute odeur"... Comment admettre que moi, être errant dans le cycle des renaissances, je pourrais être le Soi suprême, alors que j'ai les qualités opposées, doué que je suis des multiples attributs de la transmigration ? Et comment le Soi suprême pourrait-il être un être errant dans le cycle des renaissances ? Autant admettre que le feu peut être froid ! De plus, je suis un être transmigrant qualifié pour mettre en pratique les moyens qui permettent d'atteindre le Souverain Bien qui enveloppe tout ce qui est désirable[1]. Dès lors, pourquoi renoncerais-je entièrement à ces pratiques rituelles qui permettent de progresser vers le Souverain bien, ainsi qu'à la cérémonie de l'investiture du cordon sacré, etc., qui sont les moyens de mettre en pratique cette progression ?

34.

Le (maître) doit lui répondre : "Ce que tu as dit - à savoir, que c'est ton expérience directe que le corps est brûlé ou brisé - cela n'est pas vrai. Pourquoi ? Quand le corps semble brûlé ou brisé, c'est comme quand un arbre (est brûlé ou brisé). Parce que la brûlure ou la coupure est perçue dans le corps, l'objet de l'expérience de celui qui fait cette expérience est comme un arbre (qui est en train d'être brûlé ou coupé) : il se rapporte au même objet que la brûlure (ou la coupure). En effet, les gens situent la sensation de la brûlure (ou de la coupure) là même ou la brûlure ou la coupure ont lieu. (Cette) sensation, on ne la situe pas dans celui qui fait cette expérience. Comment cela ? Si on demande à quelqu'un "où est ta sensation ?", il va répondre, "cette sensation (de brûlure) est dans ma tête", "dans ma poitrine", ou "dans mon ventre". Autrement dit, il désigne exactement l'endroit où le phénomène de la brûlure a lieu, et non pas celui qui expérimente (cette brûlure). Si la sensation de brûlure était dans celui qui fait l'expérience, on désignerait (celui qui fait cette expérience) comme celui qui a cette sensation, tout comme on désigne l'objet qui est brûlé (à savoir l'arbre).[2]

35.

De plus, (si la sensation de brûlure était) en soi-même, on ne pourrait en faire l'expérience, de même que l'œil ne peut voir sa propre couleur. Par conséquent, la sensation n'est qu'un objet parce qu'elle est objet d'expérience, comme (l'arbre) qui brûle, car cette sensation est située au même endroit que la brûlure ou la coupure.[3]Comme elle est un phénomène donné dans l'expérience, elle a (nécessairement) un support (aussi objectif qu'elle), comme la poêle dans laquelle le riz est cuit. L'impression laissée par cette (sensation de brûlure) a exactement le même support (objectif) que cette sensation (, à savoir le corps). En outre, comme elle n'est expérimentée que dans le temps où la remémoration (est possible, à savoir les états de veille et de rêve), il s'ensuit qu'elle a le (même) support que la sensation. De même, l'aversion à l'endroit des objets causant cette (sensation de brûlure) a le même support (objectif) que cette impression elle-même. Voilà pourquoi (Śaṃkara) a dit[4] : "L'attraction et l'aversion, ainsi que la peur

Ont le même support objectif que les impressions matérielles (sur lesquelles elles portent).

On constate que tout cela est de la nature de l'intellect[5].

Par conséquent, le sujet connaissant est à jamais pur, sans peur".


Shamkara (c. 800), Méthode pour éveiller un disciple

[1] Litt. "les progrès" (abhyudaya).

[2] Le maître s'appuie sur un fait d'expérience courante : quand on me demande où est la blessure qui me fait souffrir, par exemple un coupure au doigt, je désigne spontanément ce doigt, et non pas moi. ALors pourquoi dire "J'ai mal" ? Il y a là comme une faille dans le jeu de l'illusion, anomalie révélatrice de la vérité finale : ce n'est pas moi qui suis coupé lorsque mon doigt est coupé, parce que, au fond, je sais bien que je ne suis par le corps ni les sensations corporelles. Il n'y a pas de différence réelle entre voir mon doigt coupé et voir une branche coupée. L'un ne me concerne pas plus que l'autre.

[3] La douleur est un objet, de même que ses causes. Si j'ai mal au pied, le pied est un objet. Mais la douleur est aussi un objet, car elle est située dans l'objet qu'est le pied. Elle est aussi différente de moi que ce pied ou cette chaise. La douleur est une chose parmi les choses.

[4] Ainsi, Śaṃkara se citerait lui même (Mille Enseignements, prose, XV, 13). Ce qui fait dire à certains que ce texte ne serait pas de lui.

[5] Or l'intellect (dhī) est de nature matérielle (rūpa). Il est de la même étoffe que n'importe quel objet. Il est un objet, et ses modifications (l'aversion pour la sensation de brûlure, par exemple) sont aussi des objets. Autrement dit, toutes nos impressions, mêmes les plus "intimes", sont des objets. Rien de ce qui peut-être perçu n'est "soi-même". S'identifier à la souffrance, aux sensations, etc. n'est donc qu'une confusion entre le sujet et les objets.

jeudi 27 mai 2010

Kabîr le tisserand

Un beau chant dhrupad, par les excellents Gundecha, sur un poème de Kabîr, dans le râga Charukeshî :

A la poursuite du maître parfait

Voici un documentaire réalisé par une disciple du maître tibétain Dzongsar Khyentsé, cinéaste et adepte du football. Petit-fils de Dudjom, réincarnation du maître de Sogyal, un personnage haut en couleurs !

Dudjom, le grand Dudjom :



Filmé par Arnaud Desjardin :



Dudjom est célèbre, notamment, pour sa liturgie de la déesse Krodhî Kâlî, apparentée au Chod, liturgie ici interprétée par un des disciples de Dudjom :

samedi 22 mai 2010

L'art du vol dans l'espace de la conscience - Khecari Vidya

J'avais lu, il y a déjà quelques années, une sympathique thèse sur l'art du vol yogique (khecarîvidyâ) par un distingué Sir (s'il vous plaît) James Mallinson. Et voilà que je retrouve le même en parapentiste tentant d'accéder à un temple isolé de la vallée de la Kangra (à côté de Dharamsala). Sa thèse est . Et voici son documentaire :


vendredi 21 mai 2010

Que le renoncement total est nécessaire - Méthode pour l'éveil X

30.

(Le maître poursuit :) Dès lors, parce que la vision dualiste est condamnée (par la Révélation et la Tradition), et parce que la pratique des rites relève du domaine de la dualité, et parce que la cérémonie de l'investiture du cordon sacré, etc. sont des formes de pratiques rituelles, il faut savoir que (tout cela) va au rebours de la vision non dualiste du Soi suprême. Autrement dit, les rites et leurs moyens[1], tels que l'investiture védique, etc., sont contraires à la perception de la non différence (en soi) et le Soi suprême. De fait, les êtres qui transmigrent posent des actes/ accomplissent des rituels, avec leurs moyens comme par exemple l'investiture du cordon sacré, et ils ne voient pas la non-dualité du Soi suprême. Et la croyance en la dualité est la seule cause de la (croyance en) la différence entre (le soi et l'absolu).

31.

Si les rites doivent être accomplis, si il n'est pas nécessaire d'y renoncer, alors la (Révélation) n'aurait point proclamé la perception de la non différence entre soi-même et le Soi suprême, non dualité (absolue), sans rapport avec les rites et leurs moyens, sans relation avec les conditions liées à l'exécution de ces rites, telles que la caste, la condition et l'âge, etc., en des déclarations définitives, telles que, par exemple :

"Ce Soi, tu es cela".

De plus, elle n'aurait pas condamné la croyance en la dualité, par exemple dans ces passages :

"Voici l'éternelle gloire de l'absolu"

"Indemne de toute vertu, indemne de tout péché. Ici, le voleur n'est pas un voleur".

32.

La (Révélation) n'aurait pas déclaré que notre vraie nature n'a rien à voir avec les rites, ni avec leurs conditions de mise en œuvres, comme par exemple la caste, si elle ne désirait pas inculquer un total renoncement des rites et des moyens de leur mise en œuvre. Par conséquent, il faut renoncer aux actes rituels et à leurs moyens si l'on désire la délivrance, car ils contredisent la vision de la non dualité du Soi suprême. De plus, il faut voir que soi-même est le (Soi) suprême tel qu'il est définit par la Révélation.


Shamkara (c. 800), Méthode pour éveiller un disciple.



[1] "Et leurs moyens" : tout le mode de vie qui est nécessaire pour accomplir les rites quotidiens d'un brahmane, entre autre une femme, une maison, des biens, etc.

Les chansons des mahasiddhas

Regardez ce documentaire sur Kâbir. Il vous en apprendra beaucoup sur la sagesses des "grands accomplis" (mahasiddha), bouddhistes ou autres. Les poèmes attribués à Saraha, Kânha, etc., sont parmi les plus anciens exemples de compositions en langues locales (par opposition avec le sanskrit) chantées dans des râgas. La musique est simple et met en avant les mots plus que la technique. Un document qui capte, dans certains passages, l'essence de l'esprit des mahâsiddhas.


Sur les mahasiddhas bouddhistes et leur chants, voir ici (en anglais) et (en français).

dimanche 16 mai 2010

La Tradition, moyen de connaître notre vraie nature - Méthode pour l'éveil IX

26.

Le maître doit répondre : "Tu ne mérites pas de voir les choses ainsi, ô toi qui es plein de vertus ! Car parler ainsi est défendu. Pourquoi cette vision dualiste n'est-elle pas permise (par la Tradition) ? Le maître doit alors citer (ces passages) :

"Il est différent. Je suis différent : celui qui dit cela ne sait pas"

"L'absolu abandonne celui qui voit l'absolu ailleurs qu'en lui-même"

"Celui qui ne voit que la dualité[1] en ce monde va de la mort à la mort"

27.

Ces passages de la Révélation suffisent à montrer que le cycle des renaissances vient de la croyance en la dualité.

28.

Par ailleurs, des milliers (de passages) montrent que la délivrance nait de la vision de la non-dualité : ainsi, après avoir révélé que le Soi est le Soi suprême

"Ce Soi immédiatement présent : c'est cela que tu es"

et avoir déclaré que

"Celui qui a un guide connaît l'Esprit",

ils montrent la délivrance simplement en faisant prendre conscience de la non-dualité:

"Pour celui qui (a un guide), la distance qui le sépare (de l'absolu) n'est que la distance (crée par la croyance en la dualité)". L'inexistence du cycle des renaissances est illustrée par l'exemple de l'ordalie dont l'innocent sort indemne et sans brûlure, alors que l'irruption du cycle des renaissances est illustrée par l'exemple du voleur qui est brûlé par la hache chauffée au rouge[2].

29.

Le passage qui commence par "En ce monde, que l'on soit un tigre ou bien (n'importe quelle créature, on est seulement l'absolu)", montre la non-dualité. Puis, ayant déclaré que "(celui qui voit la non-dualité) devient le souverain (de tout)", ils montrent en chacune de leurs branches qu'au contraire, la vision dualiste est la cause du cycle des renaissances : "Ceux qui voient autrement ont un autre souverain, dans des mondes périssables". Par conséquent, tu as tort de dire que tu es un fils de brahmane de tel lignage, renaissant sans cesse, différent du Soi suprême.


Shankara, Méthode pour éveiller un disciple, c. 800

[1] Litt. "celui qui voit diversement".

[2] L'Inde a pratiqué l'ordalie, c'est-à-dire que quand un individu est soupçonné d'un crime, comme ici le vol, il doit saisir à mains nues une hache chauffée à blanc. S'il n'est pas brûlé, cela prouve son innocence. De même, celui qui est "innocent" de la croyance en la dualité n'est pas "brûlé" par le feu de la souffrance qui caractérise pourtant le saṃsāra.

Autour du Vijnâna Bhairava - Juin 2010

Luipa, alias Mînanâtha, Lhadak


Rencontres autour du
Vijnâna Bhairava Tantra
Lectures de textes du shivaïsme du Cachemire animées par David Dubois

"Les Anciens ont enseigné que le non-attachement systématique
permet l'arrêt du mental.
Mais maintenant, je montre comment
cet arrêt peut se produire sans effort"

Vîranâtha,
Florilège pour l'éveil à soi


Ce tantra est le plus célèbre et le plus commenté depuis la redécouverte du shivaïsme cachemirien au début du XXe siècle. Extrêmement original par rapport aux autres tantras, il se présente comme un extraordinaire catalogue d'expérimentations spirituelles allant des techniques yogiques les plus sophistiquées jusqu'à l'exploration des circonstances de la vie quotidienne la plus banale. Nous lirons ensemble le tantra en sanskrit et ses commentaires, ainsi que plusieurs textes apparentés. Le but de ces lectures est de partager nos expériences dans une ambiance conviviale.

La prochaines séances (entrée libre) aura lieu le dimanche 6 juin 2010 de 14 à 16 heures à Nogent sur Marne, non loin de Vincennes. Les séances ont lieu tous les quinze jours . Aucune connaissance du sanskrit n'est requise.

NB : la séance du dimanche 23 mai est annulée.

Si vous souhaitez venir, nous vous demandons juste d'écrire à l'auteur du blog afin de recevoir l'adresse où se tiendront ces rencontres.
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