19.
Le nom et la forme[1] sont (d'abord) à l'état virtuel. Quand ils s'actualisent à partir de ce Soi, il paraissent assumer le nom et la forme de l'espace. Et cet élément "espace" est engendré de cette manière (illusoire) à partir du Soi suprême, de même que l'écume se forme comme une souillure sur une eau limpide. L'écume n'est pas l'eau, ni absolument différente de l'eau, car on ne l'observe jamais séparément de l'eau. Mais l'eau est limpide, différente de la forme crasseuse de l'écume. De même, le Soi suprême est différent du nom et de la forme qui sont les analogues de l'écume, car il est pur et cristallin. Le nom et la forme étaient d'abord à l'état virtuel, puis ils se sont actualisés, comme l'écume, en paraissant assumer le nom et la forme de l'espace (puis des autres éléments qui se développent à partir de lui).
20.
Ensuite, le nom et la forme s'actualisent sous une forme grossière : l'élément air. Ensuite, ils s'actualisent comme feu, puis comme eau, et enfin comme terre. C'est dans cet ordre descendant que les cinq grands éléments, qui finissent par la terre, sont engendrés. Chaque élément imprègne l'élément qu'il engendre et est imbibé par celui qui l'engendre[2]. Par conséquent, la terre est dotée des qualités des cinq éléments. De cette terre quintuple naissent les plantes domestiques comme le riz, le blé, etc. De ces plantes une fois consommées naissent le sperme et le sang[3] qui sont (particulièrement) connectés au corps de l'homme et de la femme (respectivement). Le sang et le sperme sont placés dans une matrice au moment où la femme est féconde, après avoir été extraits (du corps des amants) par l'acte de copulation engendré par le désir né de l'ignorance, et sanctifiés par les mantras (prescrits dans le Veda). Cet ensemble (de sang et de sperme) devient l'embryon quand il est nourri par le fluide du vagin de la femme. Il naît après neuf ou dix mois de croissance.
21.
Il est alors né, (c'est-à-dire) qu'il a obtenu un nom et une forme. Puis, il est consacré par les mantras (appropriés) lors du rituel de la naissance, etc. Ensuite, il reçoit le nom d'"étudiant célibataire" quand il reçoit la consécration du cordon sacré. Ce même corps, une fois uni à une épouse par le rituel du mariage, devient un "maître de maison". Le même devient un "ascète" en vivant dans un lieu retiré[4]. Quand il accompli la cérémonie de renoncement aux activités rituelles, il devient un "vagabond"[5]. C'est ainsi que le corps est différent de toi, (ô disciple), car il subit différentes cérémonies liées au lignage et à la caste !
Shamkara, Méthode pour éveiller un disciple (Sishyapratibodhavidhi).
[1] C'est-à-dire les noms et les formes. Désigne ici l'ignorance comme effet, c'est-à-dire à peu près tout.
[2] Comme une poupée russe.
[3] Le sang désigne ici le sang menstruel. Les Indiens croyaient que ce sang est la contrepartie féminine du sperme.
[4] Litt. "la forêt". Mais ce terme désigne en sanskrit tous les lieux non domestiqués. En pratique, le couple vit retiré, mais en restant souvent proche de la famille. Dans tous les cas, cet âge de la vie semble être resté queqlue peu théorique.
[5] Un renonçant, un "cygne suprême" (paramahaṃsa).