Un livre vient de sortir du Dalaï Lama sur la méditation dzogchen.
Le point-clé est le même que dans la tradition du cœur (kula), aussi appelée "shivaïsme du cachemire" : reconnaître l'intervalle entre deux pensées, se familiariser avec cette conscience transparente, puis reconnaître que les pensées, émotions, sensations, n'existent pas en dehors d'elle, mais surgissent d'elle, en elle, comme le jeu de cette conscience.
On peut découvrir cette conscience nue suite à un choc :
"Lors d'un choc, l'activité mentale s'arrête soudain. Par
exemple, quand un chien aboie près de vous, vous êtes
choqué au point de ne plus pouvoir penser, atterré... vous
êtes alors délivré des pensées...mais sans tomber dans les
pommes. Le champs de votre conscience est au contraire
très clair....
Entre une pensée et la suivante, la continuité de la claire
Lumière est ininterrompue." (p. 58)
Quand une pensée disparaît, c'est comme la mort, l'endormissement, l'orgasme ou l'éternuement. La seule différence est que, durant la méditation, nous reconnaissons que cette pensée disparaît dans la conscience nue, comme une vague dans l'océan, dit le Dalaï Lama. Puis, les pensées sont reconnues comme la vibration ou le jeu de la conscience :
"Si vous pouvez reconnaître tous les phénomènes comme le jeu, la vibration, ou l'effervescence de cette conscience intime qui surgit d'elle-même, il vous sera facile de voir que les phénomènes n'existent pas en eux-mêmes. Quand vous reconnaissez la conscience intime, aussi appelée 'vérité ultime', et que vous déterminez que tous les phénomènes du samsara et du nirvana sont sa manifestation, alors de ce fait vous comprenez que tous les phénomènes n'ont qu'une existence nominale, comme disent les textes philosophiques."
Ces "textes philosophiques", ce sont les textes de Nâgârjuna.
Donc le dzogchen, donc le shivaïsme du Cachemire, pointent vers la même compréhension : reconnaître que tout est la manifestation d'une conscience sous-jacente permanente, qui n'est pas le produit de causes et de conditions, une conscience absolue.
Deux remarques au passage :
1 - Le Dalaï Lama congédie ainsi le bouddhisme, ou en tous les cas ceux qui, parmi les Bouddhistes, voudraient nous faire croire que "l'absence d'existence propre" est le fin mot du dharma du Bouddha, à l'encontre de tout un pan du bouddhisme que ces gens, aveuglés par leur foi, se refusent à considérer.
2 - Le Dalaï Lama est très courageux. D'une bravoure incroyable même, du moins pour un personnage chargé de ses responsabilités. Car en disant tout cela, il trahit son école, l'école Guélouk, lui préférant la vérité. Ses déclarations ont du reste entraîné la querelle de Shougden, lors de laquelle un moine fut poignardé en pleine nuit non loin de la résidence du Dalaï Lama...
La différence principale entre dzogchen et tradition du Cœur est que cette dernière explore bien davantage cette idée de "jeu", ainsi que le rapport entre la conscience et ses manifestation, dans la notion de liberté.
Quoiqu'il en soit, le Dalaï Lama est un homme admirable, et je recommande chaudement ce livre, d'une clarté qui n'a d'égale que sa profondeur.