mercredi 30 septembre 2020

Vijnana Bhairava 87 88 Awakening In Darkness



The practice of meditation in the dark, to reveal inner light :


evam eva durniśāyāṃ kṛṣṇapakṣāgame ciram |

taimiram bhāvayan rūpam bhairavaṃ rūpam eṣyati || 87 ||

"Just like that, evoking darkness

for a long time in a dark night

of the dark fortnight,

one will go to the divine form."


evam eva nimīlyādau netre kṛṣṇābham agrataḥ |

prasārya bhairavaṃ rūpam bhāvayaṃs tanmayo bhavet || 88 ||

"Just like that, having first closed one's eyes,

a dark blue light appears in (the space in) front.

Realizing (that) form as divine,

one becomes that."




mardi 29 septembre 2020

Vijnana Bhairava 86 Realizing Duality As Divine


 


The practice of realizing everything as manifestation of consciousness :


kiñcij jñātaṃ dvaitadāyi bāhyālokas tamaḥ punaḥ |

viśvādi bhairavaṃ rūpaṃ jñātvānantaprakāśabhṛt || 86 ||

"(When) something (limited) is known,

that creates duality.

Manifestation (bellieved to be) outside consciousness 

is verily darkness (of ignorance).

(So,) knowing that all states of consciousness

are the form of consciousness (bhairavam),

one is the active Ground of infinite manifestation".




Comment ne pas maudire le monde ?


 


Nous maudissons sans cesse les choses : le mauvais temps, l'excès de chaleur, la maladie, la malchance, cette chienne de vie. Sans oublier l'humanité et les autres. 

Or, que nous puissions nous mettre en colère contre les autres, cela paraît banal et sensé, à défaut d'être juste, car nous pouvons leur parler, nous disputer avec eux, et surtout, nous pouvons ne pas être d'accord. Donc la haine concerne les rapports entre personnes, entre êtres doués de conscience. 

Mais à quoi bon maudire une pierre contre laquelle notre pied a tapé ? Pourquoi lever le doigt contre la pluie, qui ne veut rien, qui n'a aucune opinion ? 

Pourtant, cela est courant. Maudire, même en passant, même avec humour, la pluie, les nuages, tel arbre qui ne se trouve pas au bon endroit... 

Je ne dis pas cela pour dire qu'il ne faut pas juger ainsi, car ce serait demander l'impossible. Même si je comprenais pourquoi cela est mauvais, je ne pourrais m'empêcher de continuer. Sans doute si je médite, si j'ai entendu un bon prêche sur l'harmonie universelle et si je me sens bien, je maudirais moins. J'aimerais plus. Mais les malédictions reviendrons à la première série de malchances. Ou alors, cette intuition que "tout est parfait" deviendra un dogme, un mantra que je vais me forcer à répéter, les dents serrées.

De fait, la spiritualité, le plus souvent, n'apporte pas d'aide durable. Le marché de la spiritualité propose des produits qui, comme tous les produits du marché, sont périssables. L'obsolescence est, ici aussi, programmée. Sans cela, point de commerce. Chacun y va de son remède, simple, clair, à la portée de tous... Mais d’approfondissement ? il n'est pas question. Le service après-vente est ici aussi fiable que pour les machines à laver. 

Mais le plus grave n'est pas là. Le plus grave est dans la spiritualité authentique. Celle qui nous ouvre à l'Autre, à la réelle possibilité d'une autre vie. Car une fois revenus ou redescendus dans la caverne, l'obscurité n'en est que plus amer. En comparaison de la paix de l'unité, les tourments de la dualité semblent aussi vains que laids. Nous aspirons à une seule chose : fuir seuls vers le Seul, faire de l'Unique nécessaire notre unique nécessaire, échapper à cette vallée de larmes, à cette machinerie trompeuse. Ici, chacun pourra modifier ce jargon à sa guise pour s'y mieux reconnaître. Car l'emballage ne change rien au contenu.

De fait, plus je médite, plus je me trouve dans un dilemme : d'un côté, j'entrevois la lumière ; de l'autre, je réalise combien mes ténèbres sont ténébreuses, combien creuses sont les illusions du monde. Difficile, alors, de ne pas maudire le monde.

Voilà pourquoi toutes les philosophies, les spiritualités, les religions, maudissent le monde. Voilà ce que Nietzsche appelait le "nihilisme" : condamner le monde au nom d'une réalité idéale, spirituelle. Et de là, le mépris. Et de là, la domination de femmes. Car la femme incarne la vie. Et de même pour les enfants. Je ne dis pas cela pour tomber dans l'excès inverse et affirmer que "tout est parfait", "devenons aveugles et tout deviendra plus lumineux". Non. Je me contente de décrire. La spiritualité, étant la découverte d'une autre vie, plus parfaite, est rejet de cette vie-ci. C'est inévitable.

Mais cette impasse n'est pas la fin de l'histoire. Voilà pourquoi, dès le début de la vie intérieure, je dois réaliser, comprendre, "intellectuellement" (mais exactement et distinctement), que les apparences sont des manifestations du divin. Le laid comme le beau. 

Ce qui ne revient pas à se résigner, car j'accepte aussi que le cosmos est porté par un indéniable élan vers le beau, vers le mieux. Il y a de l'évolution, donc il y a de l'imparfait. Mais je m'ouvre aux perceptions, fort de cette lumière intellectuelle. Je ne nourris plus le dilemme intérieur/extérieur.

Une fois découvert l'autre monde, je ne rejette pas le monde.

Pourquoi ?

Parce que je pressens que "l'autre monde" est ce monde, mais vu d'un autre regard. De même qu'un dessin ambigu peut montrer une femme laide ou une femme belle, deux amoureux ou une tête de mort, de même ce monde est le paradis quand mon âme se fait limpide. 

Non pas limpide pour le monde, car je n'affirme pas que le monde soit parfait. Ce serait là une affirmation stupide au regard des horreurs que contient l'univers, sans parler du mal qu'y font les humains. Comment, en effet, tenir qu'une nature bâtie sur la mort, est parfaite ? Certes, je vois bien l'emboîtement des actions, comment le haut dépend du bas, etc. Mais affirmer que le monde est "parfait" reviendrait en outre à affirmer qu'il pourrait bien se fixer ainsi à jamais. Ce qui est parfait est achevé, terminé, fini, complet, fixe donc. Mais le monde n'est pas fini, complet, achevé. Le monde est habité par le désir, par le manque, par l'élan vers un Autre. 

Nous devons garder à l'esprit ces deux exigences pour trouver l'attitude juste : Ne pas maudire le monde ; Ne pas nous y résigner non plus.

Accueillir le monde, non pour s'y soumettre, non pour le soumettre.

Alors quoi ?

Alors se faire transparent. Se faire vitrail pour une autre lumière, venue de l'intérieur : présence, conscience ineffable, indéfinissable. Ce par quoi tout est, cause de tout, au-delà de tout. L'espace infini dans lequel apparaît la sphère de nos expériences, le monde, beau ou laid. Je suis une ouverture. Je suis l’œil du mystère. La clairière de l'être, disait Martin. 

Je suis la bouche sans visage, d'où s'écoule la parole, parole qui a l'insigne pouvoir de construire ou de détruire, de bénir ou de maudire. Certes, une pomme n'apparaît pas dans ma main du seul fait de la nommer. Mais c'est tout comme. 

Tout est dans le rapport à la parole. Parole esclave - bavardage intérieur. Parole libre - au service d'un Verbe autre. Qui passe par nous mais qui n'est pas de nous. Qui brille dans le monde, bien que brouillé. Brouillé par les maladies de la parole. Par le bavardage. Mais aussi par je-ne-sais-quel vice insondable - tout le mal du monde ne vient pas de mon "mental". De même qu'il y a un mystère du Bien, il y a une énigme du Mal. 

Quoiqu'il en soit, je ne maudis pas le monde. 

Et dans ma "méditation" : je ne ferme pas les yeux s'ils ne se ferment pas d'eux-mêmes. Au contraire, j'ouvre bien grand. Comme pour m'abreuver de la lumière du monde. Car le monde est l'éclat du divin. Aveuglant par cet éclat même. Ténèbres d'intensité. Il me délivre des ténèbres intérieures de l'excès de mots. Il est précieux. En privation sensorielle, je deviendrais fou. J'ai besoin de son ancrage, de la clarté, de son aube salutaire renouvelée chaque matin. 

Mais je suis appelé à me tenir ouvert, vide à l'intérieur. Ne rien rejeter. Les yeux grands ouverts. Ne pas fuir systématiquement à l'intérieur, sauf si une saine fatigue m'y invite. Pas de refuge. A l'inverse, me réfugier dans l'immensité de l'ovale du monde, dans sa sphère de lumière, de couleurs, de détails. Sans rien m'approprier. Laisser mon attention butiner, sans rien saisir. Savourer sans revendiquer, car tout m'appartient, si je ne prends rien. Instant après instant. 

Et c'est patience, écoute, abnégation, travail, pratique, purification, préparation, pleine conscience, non-violence, créativité, accueil, tradition, transmission, compréhension, réalisation, récitation, prière. C'est le rien qui enveloppe tout. 

Méditer les yeux grands ouverts. Me voir tel que je suis : limpide. Rien à faire : voilà ma mission. Être espace pour le monde : voilà mon oeuvre pour lui. Être un rien qui laisse venir, qui laisse partir. Ne rien bloquer. Détendre, libérer, relaxer, relâcher. N'est-ce pas de l'amour ?

lundi 28 septembre 2020

Que faire avec les pensées ?

Karaïkkal

 


Quand je découvre le silence intérieur, je m'y attache. C'est alors le début de la vie intérieure. 

Mais c'est aussi le début de nouvelles frustrations, car je désire l'absence des pensées. Or, il est impossible d'arrêter de penser. Comme dit Milarépa, le célèbre yogi et poète tibétain, "on peut essayer de planter une pensée avec neuf clous, elle ne tiendra pas en place". La pensée n'a pas de forme, on ne peut la saisir et l'enfermer.

Et donc, je fais des efforts, j'entretiens des espoirs fous, je me mets à écouter ceux qui promettent une "destruction du mental". Je tombe et je me relève. Une fois, mille fois. Mais les pensées reviennent. Les voix, ou la voix, revient. Toujours au rendez-vous. J'ai beau casser la radio, la déconstruire, la reconstruire, la mettre dans la cave, la jeter dans une grotte, l'affamer, l'orienter, la repeindre ou la maudire, rien n'y fait. Ces ondes-là sont intarissables. Du coup, ma colère augmente, ma frustration, mon cynisme, ou mon fanatisme. Mais les fantômes demeurent. Nous sommes tous un peu schizophrènes. Dédoublés, multiples. Et en guerre contre nous, contre ce bavardage intérieur, avant même d'être en guerre avec les autres, avec le monde. Nous détestons nos pensées, nos mots, nos paroles avant de haïr celles des autres.

Que faire ? 

Il n'y a qu'une seule issue : reconnaître que les pensées sont les manifestations du silence intérieure, de la présence, de la conscience, quel que soit le nom qu'on lui donne. Reconnaître, de tout notre être, que la mer fait des vagues. C'est normal. Naturel. Quel fada irait essayer d'enlever les vagues de l'océan avec sa petite cuillère ? Aimer la mer et détester les vagues, c'est de la folie.

Rejeter l'intellect, le mental, la raison, le langage, les mots, la parole, etc. c'est du dualisme pathologique, un dualisme pire que tous les autres. Une source de souffrance plus grande que les souffrances ordinaires. 

Et donc, je me détends. Je ne cherche plus à éteindre. A faire taire. Je me détend. Je laisse venir, je laisse partir.

Au-lieu de m'obséder du sens de ces pensées, ou de leur absurdité, je les ressens. Comme des vagues de lumière. Comme des bulles de clarté. Et tout s'apaise. 

Ça n'est pas parfait, je me laisse distraire, reprendre par les tensions, par les habitudes. Mais au moins, je sais qu'il y a une issue. Les pensées ne sont plus incompatibles avec la présence silencieuse. Comprendre ça est plus important que s'éveiller au silence entre les pensées. Je dirais même, infiniment plus important, absolument vital. Sans cela, il n'y a pas de vie intérieure. Que des morts.

C'est cela, la véritable libération, l'éveil, la non-dualité. 

Plus de famine spirituelle ! Plus de frustration. Plus de dilemmes. Plus d'excuses. Plus de gâchis. Les pensées, comme tous les mouvements en général, deviennent mes alliées. Mes amies. Plus de colère. Plus de peur. Plus d'hésitation. Plus de regrets.

Se détendre et reconnaître que les pensées sont les vagues de la conscience infinie, est un point vital. Et une source de joie et d'émerveillement... intarissable.

Vijnana Bhairava 84 85 The Yoga of Space


The practice of the yoga of space :

ākāśaṃ vimalam paśyan kṛtvā dṛṣṭiṃ nirantarām |
stabdhātmā tatkṣaṇād devi bhairavaṃ vapur āpnuyāt || 84 ||
"Looking at pure space,
with gaze unmoving,
stable from that (very) moment,
one will reach the divine body, o Goddess !"

līnaṃ mūrdhni viyat sarvam bhairavatvena bhāvayet |
tat sarvam bhairavākāratejastattvaṃ samāviśet || 85 ||
"One should realise the whole of space,
as divine, mixed where (one's) head (is supposed to be).
All that (appear in this absence of the head, in that space)
is the glow of the divine.
One shall becomme completely absorbed in (that) being."








 

dimanche 27 septembre 2020

La merveille sans forme


 

"Une fois atteint l'état indivis,

dans l'espace transcendant

au-dessus de la tête, 

liberté divine éternelle :

il n'y a rien au-delà.

Que l'on reconnaisse la merveille sans forme,

paisible, essence du connaître !

En son centre, dans la matrice : la Transcendante.

Qui la connait est libre.

Vers le haut, la guérison divine,

subtile, au-delà, la Boucle de l'abyme.

Ô Seigneur de la Divine !

la gloire intérieure est la véritable gloire,

la liberté.

Dans cette guérison sans défaut,

on savoure l'ivresse vertigineuse 

de l'élan divin (âjnâ).

Qui est fortuné et désire la liberté

s'abandonnera à cet état."

Manthânabhairavatantram, Section du Yoga, version II, chapitre XI, 20a-23, édité par Mark Dyczkowski dans Manthâna..., vol. 1, p. 436

Vijnana Bhairava 82 83 Moving In Space


 

The practice of moving slowly :


āsane śayane sthitvā nirādhāraṃ vibhāvayan |

svadehaṃ manasi kṣiṇe kṣaṇāt kṣīṇāśayo bhavet || 82 ||

Seated (or) lying down,

one should feel that one's body is without support.

When attention is gone,

from that (very) moment one's habits will be gone (too)."


calāsane sthitasyātha śanair vā dehacālanāt |

praśānte mānase bhāve devi divyaugham āpnuyāt || 83 ||

"Seated in a vehicule or

moving the body slowly,

when attention has become peaceful,

one will reach the divine flow, o Goddess !"




samedi 26 septembre 2020

Vijnana Bhairava 81 Open Mouth Free From Chatter

 


The practice of relaxing the mouth to become free from mind chatter :

madhyajihve sphāritāsye madhye nikṣipya cetanām |
hoccāraṃ manasā kurvaṃs tataḥ śānte pralīyate || 81 ||

"One should focus on the tongue
spread in the middle (of the open mouth),
saying a mental 'hhh...".
Then one will dissolve in peace."




vendredi 25 septembre 2020

Grand ouvert




assis à son aise

comme un sac de plumes

le corps relâché depuis la plante des pieds

jusqu'à la racine des cheveux

aspiré doucement par l'espace au-dessus de la tête

le bas du corps déposé

le haut s'élance dans le ciel

l'attention sur l'ovale du champs visuel

comme un œuf de lumière

le regard plongé dans l'espace

les lèvres ni les dents ne se touchent

la langue flottante

les mains étalées

tout fond dans la transparence

le souffle libre par les narines

les cinq sens ouverts

comme les fenêtres et les portes d'une maison

clair, lucide et limpide

muet, silencieux

le bavardage se meurt dans la sensation de gorge dénouée

aucun contrôle, nulle tension

le corps brille comme une masse de lumière

dans l'espace nu

aucune pensée, nul choix

l'attention libre s'ébat dans la vaste prairie

du monde

la présence vibre doucement dans l'immensité

tel un soleil dans l'azur 

des hautes montagnes

vif, clair, frais

vibrant, palpitant, scintillant

aucun blocage, aucune fuite

transparence qui pénètre tout

béance qui avale, qui accueille

sans choisir

la lumière irradie, éclatante, vide

chaque mouvement éclate

une bulle de conscience dans le silence

rien à perdre rien à gagner

lâcher complètement

c'est gagner entièrement

pas le moindre effort de contrôle

aucune manipulation

sans artifice

un laisser-aller dans la présence

qui brille d'elle-même

tout se décante

laisser venir

laisser partir

dessins tracés sur l'eau

spectacle de magie

naturel, évident, libre

incompréhensible, certain, ferme

tel est le yoga du fleuve

yoga naturel

yoga bête

sans soucis ni espoir

libre comme le ciel

sans ambition, sans but

les entrailles se répandent dans l'espace

les apparences pétillent, 

planer sans effort,

totalement béant

lâché, décroché

les yeux grands ouverts

Vijnana Bhairava 80 Gazing Meditation




 The practice of short focus on a point anywhere, to free awareness and let go in openness :


sthūlarūpasya bhāvasya stabdhāṃ dṛṣṭiṃ nipātya ca |

acireṇa nirādhāraṃ manaḥ kṛtvā śivaṃ vrajet || 80 ||

"One should throw and fix one's gaze

on a gross (outer) objet and (inside keeping quiet).

In a short time, attention becomes relaxed,

and one goes to the divine."




Puissance qui est désir




 Le yoga tantrique conseille de s'en remettre au pouvoir vivant à la source de toute existence. Cette Déesse est le Pouvoir (âjnâ), le Commandement, "ce qui fait connaître" et qui incite, en même temps, à agir.

Elle se décrit elle-même ainsi :


"L'énergie divine originelle

est terrible, pleine de dynamisme.

Elle est aussi bien transcendante, que subtile et grossière.

(Comme) une mer d'huile, 

elle est attention sans attention (manomanî).

Elle est créativité de la Présence, au-delà du mental :

une ineffable présence transparente.

On ne peut la connaître parmi les choses.

Elle est très facile à connaître, la mère du monde !

Artiste, elle est félicité perpétuelle,

cachée dans la félicité du repos.

Elle se délecte, pleine de joie :

elle est donc comblée, incarnation de la félicité.

Elle est vide, elle est l'élan (âjnâ) transcendant.

Elle transmute tout ce qui est vivant ou inerte.

Sa forme est le ciel,

elle vit cachée dans le ciel.

Elle s'énonce elle-même

en des myriades de récitations (de Mantras).

Elle est la Maîtresse qui est Désir/Plaisir (kâma),

le pouvoir du Désir

qui se glisse au centre de la Présence."

Manthânabhairavatantram, Yogakhanda (1), 43, 84-88, édité par Mark Dyczkowski, vol. 1, p. 423

jeudi 24 septembre 2020

Au-delà des chakras


 

Les chakras sont étagés sur le canal central, l'axe du corps.

Mais ils ne sont pas toujours six ou sept. Les traditions les plus anciennes comptent moins de chakras et ignorent le "lotus à mille pétales".

La pratique la plus courante autour des chakras est celle de l'élévation de l'énergie, le plus souvent en faisant vibrer un Mantra. C'est l'énonciation/élévation du Mantra, mantra-uccâra.

Voici un texte de la tradition de la Déesse Kubjikâ qui décrit cette élévation en seize étapes, au lieu des douze plus courantes, texte édité et publié par Mark Diczkowsky dans son monumental Manthanabhairavatantram, vol. 1, p. 417 (Yogakhanda (1) 55, 17-25a). Ce passage s'intitule "Soûtra de la libération à la fin des seize".


1) Le chakra du "lac" ou du "réservoir" d'énergie vitale (mûlâdhâra), rouge vif et habité par l'âme voyageuse (hamsa), claire comme mille lunes. En-dessous de ce chakra, il peut aussi y avoir la "l’extrémité des douze", à environ vingt centimètres sous la zone génitale, donc hors du corps grossier. C'est la contrepartie symétrique de l'extrémité située en haut. Le corps entier et ses chakras se déploient entre ces deux "lotus", le centre étant le Coeur.

2) Le chakra de l'auto-sacrement, svâdhishthâna, brillant comme la braise et habité par l'âme, riche comme l'ambroisie.

(ici se situe souvent le "bulbe" (kanda), équivalent du hara et souvent origine de tous les canaux)

3) Le chakra plein de joyaux (manipûraka), éclatant comme le soleil, habtité par le vide multicolore.

4) Le chakra du son spontané, rouge et blanc (car ici s'unissent Shiva et Shakti), habité par le coeur de la Yoginî, bleu marine, blanc et rouge. C'est le chakra primordial.

5) Le chakra de la transparence, blanc comme du mercure en fusion, habité par la syllabe impérissable.

6) Le chakra du commandement, de la grâce, de l'énergie transmise par la lignée. C'est un point de lumière habité par le germe de la grâce, rouge vive.

7) Le chakra du point, sur le front, habité par les seize phases de la Lune.

8) Puis la demi-Lune, faite de pure lumière, cette lumière qui illumine tout.

9) Puis le son spontané, esquisse du son "a", vision limpide.

10) Puis le son pur, ligne verticale, vibrante.

11) Puis la Fin du son, immobile, qui n'est déjà plus tout à fait dans le temps, comme un cristal frappé par le soleil.

12) Puis la Puissance, en forme de triangle, en chemin vers le subtil, plus subtil que le subtil, brillante comme des millions d'étoiles.

13) Puis l'Omniprésente, pluie de nectar qui infuse tout.

14) L’Égale, extase créatrice. Son nom peut aussi se comprendre comme sa-manâ "douée de mental". 

15) La Transmentale, ultime, subtile, immobile, toujours présente.

16) Enfin, le Vide : "que l'on ne pense à rien", dit le Dieu. Une fois l'esprit vidé, c'est l'extinction, le nirvâna. 

Il y a donc neuf plans subtils au-delà des six chakras. Le Dieu nous dit ici qu'il faut "aller au-delà des six". La liberté est dans le Vide "au-delà des neufs". 

"Celui qui sait cela est une seigneur des yogîs. Les autres ne font que citer les livres. Une fois qu'il a atteint cet état à la fois vide et plein, le yogî est délivré".


Vijnana Bhairava 77 78 79 Postures of Awakening



 The practice of the Shambhavi Mudra and taking advantage of the intimate connexion between body and mind :


karaṅkiṇyā krodhanayā bhairavyā lelihānayā |

khecaryā dṛṣṭikāle ca parāvāptiḥ prakāśate || 77 ||

"At the time of (practicing divine) vision 

with the body like a corpse,

the face in wonder, eyes wide open,

mouth dropped and wide open awareness,

the supreme state shines."


mṛdvāsane sphijaikena hastapādau nirāśrayam |

nidhāya tatprasaṅgena parā pūrṇā matir bhavet || 78 ||

"On a soft seat, resting only on one's buttock,

hands and feet hanging loose,

in that situation,

attention will become free and full."


upaviśyāsane samyag bāhū kṛtvārdhakuñcitau |

kakṣavyomni manaḥ kurvan śamam āyāti tallayāt || 79 ||

"Taking a seat

with arms crossed on one another,

attention focused on the space below the arms/ on the belly/

on both sides/ on the space around,

one goes in peace by dissolving in that."




lundi 21 septembre 2020

Équivalents de l'équinoxe



 Cascades ce matin, trombes drues.

Les bruits des moteurs noyés dans le crépitement.

L'averse est une douche intérieure.

Chaque goutte semble étouffer une pensée,

maintenant le bavardage dans un œuf translucide,

tout de silence immense.

Tout recoule dans son élan,

tel un bassin versant vers son fleuve,

lequel coure vers son océan.

Ce jour d'équinoxe est un jour de choix.

Dame nature décide. Elle choisit.

Quand je choisis, je plonge dans la mer.

Subrepticement, les vaguelettes bavardes 

se remettent à l'unisson de leur total.

Ce jour de même,

nature se remet à zéro.

Ni ceci, ni cela,

disponible pour ceci et cela.

Qui désire trouver la source

n'a qu'à se laisser glisser

à l'origine de n'importe quel mouvement.

Suivre la pente comme les eaux

du bassin versant.

Laisser le tout choisir.

Moi je reste le total des puissances.

Je reste sans rien, riche de tout,

tel un ciel délesté de ses nuées.

Il y a un ciel intérieur.

Clair, net, vierge, sauvage, impartial.

Mais bon.

Elle est la vastité qui se dévoile 

entre les deux versants du oui et du non.

Notre grand équinoxe du jour

enveloppe ainsi mille petits équilibres,

autant d'invitations à l'équanimité.

Et, peut-être, à la plongée.

Vijnana Bhairava 76 Awakening Through Visions of Light





 The practice of awakening through visions of light :


tejasā sūryadīpāder ākāśe śabalīkṛte |

dṛṣṭir niveśyā tatraiva svātmarūpam prakāśate || 76 ||

"One should project  one's gaze

at space, filled with the designs

(made) by the light of the sun, of a lamp, etc.

There itself the form of one's Self will shine."




Équinoxe




 Aujourd'hui est un temps hors du temps :
jour et nuit s'égalisent.
Tout est engendré et dévoré par le Temps.

Dans les intervalles entre deux bouchées,
le Temps suspend son vol.
Il ne marche plus, n'avale plus.

Comme l'instant d'apesanteur au sommet d'une courbe,
comme la fin d'une pensée, avant que la suivante ne naisse,
comme la fin d'un expir,
comme la fin d'une longue journée.

Ni ceci, ni cela :
dans cette fissure l'âme s'échappe
vers la lumière.

Ni oui, ni non :
dans ce silence l'oreille
peut être saisie par la parole.

Là où la fin rejoint le commencement.
Là où le repos se love dans le mouvement.
Quand la vie et la mort
se retrouvent nez à nez.
Et nous, émerveillés.

Ni pour, ni contre.
Ni jour, ni contre-jour.
Ni lumière, ni ombre.
Jour de trêve.
La serrure est ouverte.
Un souffle d'audace,
elle s'ouvre.
Une feuille de l'épaisseur de rien,
un simple regard la déchire.
Un vol sans repères.

Hors du Temps, il n'y a plus de mesure.
Et quand on a goûté à cela, le Temps
qui revient est renouvelé.
La mort est repos.
La naissance est lumière.
Savourer ce gouffre,
c'est donner à la vie l'occasion 
de remettre les drames à leur place.
A chaque vague son moment,
partie du tout infini.

L'équinoxe est le moment de la reconnaissance,
de la renaissance. Du réveil.
M'y embrasse ce qui embrasse tout.
L'atemporel infuse tous les temps.
Se découvrir libre du Temps,
c'est rendre possible l'amour du Temps 
- de ce qu'il nous donne et nous prend.
C'est se sentir axe, distant et généreux.
Simple comme une claque
et inépuisable comme un moustique.

Maintenant tout commence.

dimanche 20 septembre 2020

Laisse tomber !


 


Shiva demande à la Déesse de lui enseigner la méditation. 

La Koundalinî répond :

"Laisse tomber la forme

et pratique le Sans-forme, au-delà des formes !

Tout ceci [, dit-elle, en montrant le monde du doigt,] est un trésor.

Tout ceci est l'éclat de notre essence.

Qui désire l'abondance laissera tomber

toute (pratique) comme de la paille. 

Toute (pratique) est inutile.

Ô Dieu, il n'y a rien dans le nombril, ni dans le cœur,

ni dans la face, ni dans le nez,

ni entre les sourcils, ni dans le front, ni dans le palais.

Il n'y a rien dans la luette, ni dans la tête, ni dans les yeux.

Ô Grand Seigneur ! Il n'y a rien dans les soixante-quatre chakras,

ni dans les cinquante (lettres de l'alphabet),

et je ne suis pas non plus en eux, Ô Seigneur des dieux.

Il n'y a pas de Shiva, ni de Vishnou, ni de Rudra, ni de Soleil.

Il n'y a ni Shiva, ni Shakti.

Ô Seigneur du Tout, cela est et cela n'est pas.

A quoi bon un chapelet ?

A quoi bon fermer les yeux ?

La conscience ne peut être atteinte

ni par la concentration, ni par la méditation.

Ô Dieu ! La Lumière immaculée n'est pas 

dans le canal lunaire,

ni dans le canal solaire.

Ô Seigneur des dieux ! Elle n'est pas non plus dans le canal central.

Et pourtant, on parle de toute cela 

comme étant des 'moyens de réalisation'...

(La réalité) est sans point de repère.

Même les dieux ne peuvent la saisir.

Elle est donc au-delà des formes,

par-delà l'au-delà.

On ne peut la méditer.

Elle n'est ni concentration, ni méditation, ni yoga de la (réalité).

Il n'y a ni inspir, ni expir, ni rétention (de la réalité).

Elle est libre du va-et-vient du souffle,

vierge de signes distinctifs et de définition."

Manthâna Bhairava Tantra, Yogakhanda, XIX, 83b-87

Pour une poignée de poussière


 

Pas besoin de se concentrer,

de garder, 

de surveiller.

Juste se laisse aller.

Je n'invite personne quand il n'y a personne.

Je ne rejette pas ce qui se présente.

Ne pas prendre les pensées pour des ennemies.

Ne pas fuir les perceptions.

Ne pas se centrer.

Ne pas se replier vers l'intérieur.

Flottant, décroché. 

Une plume sur les eaux.

Lâché comme une poignée de poussière

dans un doigt d'aube.

L'attention vagabonde à sa guise.

Une brise douce gonfle ces voiles.

Larguer les amarres suffit,

inutile de chercher la tempête.

L'eau se décante d'elle-même.

La clarté se révèle quand bon lui semble.

Aucune évaluation, ni vérification.

L'agitation se déploie je ne sais où.

La torpeur sombre vers sa source.

Si les yeux sont ouverts, c'est bien.

S'ils se ferment, c'est bon.

Laisser venir, laisser partir.

Ce qui vient apporte la clarté.

Pourquoi le repousser ?

Ce qui s'en va ouvre les portes du repos.

Pourquoi le retenir ?

L'instant est remède à l'instant.

Les nœuds se font, se défont.

Je n'y rien à y faire

qu'à m'y laisser masser.

L'attention butine.

Tout ce qui passe en elle, trépasse,

s'ouvre et bâille.

Du coup ma bouche s'ouvre,

bête, béante.

J'oublie tout

et tout se souvient.

Vijnana Bhairava 75 Awakening Through Sleep

 




The practice of relaxing in between waking and sleep :


anāgatāyāṃ nidrāyām praṇaṣṭe bāhyagocare |

sāvasthā manasā gamyā parā devī prakāśate || 75 ||


"That state attention can access

when sleep is not yet come

ans outer world is gone,

there the supreme Goddess shines."




samedi 19 septembre 2020

Un secret





śrīmadvīrāvalau coktaṃ bodhamātre śivātmake |
cittapralayabandhena pralīne śaśibhāskare || IV-89 ||
prāpte ca dvādaśe bhāge jīvāditye svabodhake |
mokṣaḥ sa eva kathitaḥ prāṇāyāmo nirarthakaḥ || IV-90 ||
prāṇāyāmo na kartavyaḥ śarīraṃ yena pīḍyate |
rahasyaṃ vetti yo yatra sa muktaḥ sa ca mocakaḥ|| IV-91 ||


"Dans le Tantra de la Lignée des héros, il est dit :


'Quand le Soleil et la Lune se sont couchés
dans la simple présence qui est Dieu
parce que l'attention y est cachée,
et que le Soleil de la vie,
qui est ma conscience,
a atteint l'espace au-dessus de la tête :
c'est cela, la 'délivrance' dont on parle.
Le contrôle du souffle ne sert à rien.
Il ne faut pas pratiquer le contrôle du souffle,
(car) il tourmente le corps.
Qui connaît ce secret
est libre et libérateur."


Abhinavagupta, Tantrâloka, IV

Vijnana Bhairava 74 Awakening By Instinct

 




The practice of letting attention roam freely :

yatra yatra manas tuṣṭir manas tatraiva dhārayet |
tatra tatra parānandasvārūpaṃ sampravartate || 74 ||
"One should focus one's attention
wherever it finds its happiness.
There itself, one's essence of supreme bliss
will become alive."






vendredi 18 septembre 2020

Vijnana Bhairava 71 72 3 Awakening Through Friends, Food and Music

 


Vînâdharamûrti

The practice of delight in family, friendship, food, drink and music :

ānande mahati prāpte dṛṣṭe vā bāndhave cirāt |
ānandam udgataṃ dhyātvā tallayas tanmanā bhavet || 71 ||
"When one reaches a great joy,
or meets a relative after a long time,
one should contemplate that upsurge of joy.
Being one mind with it, one will merge in it."

jagdhipānakṛtollāsarasānandavijṛmbhaṇāt |
bhāvayed bharitāvasthāṃ mahānandas tato bhavet || 72 ||
"One should cultivate the state of fullness
from the expansion of aesthetic bliss
created by food and drink.
One will then become infinite bliss."

gitādiviṣayāsvādāsamasaukhyaikatātmanaḥ |
yoginas tanmayatvena manorūḍhes tadātmatā || 73 ||
"The yogi who is one with
the unique pleasure of the delight of song, etc.,
having his attention caught on that through having become that,
is that (bliss)."




jeudi 17 septembre 2020

La voici

 



Tailapâda jeta le poisson au visage de Nâdapâda le scholiaste :

"Ecoute !
La voici ta conscience, la conscience atemporelle.
Elle est au-delà du langage et de l'entendement.
Moi, Tailapâda, je n'ai rien à montrer.
Pointe vers toi-même et réalise-la !"

Présence sans effort, qui s'écoule d'elle-même,
lampe qui brille de son propre éclat.
Se laisser apprivoiser.
Le corps et l'esprit sont des animaux apeurés 
par leurs propres reflets.
Il faut du temps pour digérer
ce qui est vu 
dans le temps d'un éclair.
L'unité est présente dans la dualité - subtile.
La dualité est présente dans l'unité - subtile.
Se taire,
comme arrêter de bouger :
plus que cela n'est pas nécessaire,
moins ne suffirait pas.

Vijnana Bhairava 68 69 70 Awakening Through Sexual Pleasure

 


















The practice of awakening through sexual pleasure :


vahner viṣasya madhye tu cittaṃ sukhamayaṃ kṣipet |

kevalaṃ vāyupūrṇaṃ vā smarānandena yujyate || 68 ||

"One should project one's attention filled with bliss

or filled with breath alone

in the genital area.

Through sexual pleasure, one is united (to one's true nature)."


śaktisaṃgamasaṃkṣubdhaśaktyāveśāvasānikam |

yat sukham brahmatattvasya tat sukhaṃ svākyam ucyate || 69 ||

"That pleasure (one feels) 

at the moment when one is absorbed in one's energy

excited by by the union with a woman,

is absolute pleasure, the pleasure of the self."


lehanāmanthanākoṭaiḥ strīsukhasya bharāt smṛteḥ |

śaktyabhāve 'pi deveśi bhaved ānandasamplavaḥ || 70 ||

"Even when a woman is absent,

the full rememberance of the pleasure with her

through much licking and churning, etc., 

is enough to drown one into bliss,

o Mistress of the gods !"




mercredi 16 septembre 2020

L'éveil de Shiva















 







Dans le passage suivant d'un tantra inédit, appelé par Abhinavagupta "le Roi des tantras", Shiva raconte son éveil :


"Envahi par une puissante méditation,

je me retrouvais dans l'état suprême.

Alors, mon énergie suprême s'éveilla dans le 'hara' ["la roue du bulbe"]

/ s'éveilla pour moi dans le 'hara'.

Elle est la conscience puissante, joie de la félicité et de la conscience

présente dans l'être de l'intervalle, dans le fondement

qui est l'intervalle où a lieu l'étreinte (de l'inspir et de l'expir).

Ô fille de la montagne ! 

Là, au centre, il y a une lumière transcendante,

entre l'être et le non-être,

Elle est présente, inséparable de moi,

Kâlî, source du temps, cause de l'imagination.

Alors, cette suprême déesse qui dévore le Temps

jaillit, (comme) cachée dans la félicité de sa propre félicité, 

débordante de la réalisation de sa nature,

embrassant à la fois le conscient et l'inerte,

présente entre le conscient et l'inerte,

espace infini, déesse au-delà du mental,

qui dévore le Temps, qui engendre le Temps,

source du déploiement du Quatrième (état), etc.

Parce qu'elle dévore (âkarshayet) tout le Temps (kâla),

Elle est "Celle qui absorbe" (samkarshanî).

Elle absorbe le lieu suprême dans le vide à partir de (son) corps.

Elle s'éveille quand on la stimule :

on l'appelle donc 'Celle qui absorbe'.

Elle opère dans l'espace d'où elle

fait s'écouler inspir et expir.

Elle est présente dans l'espace au-dessus de la tête (à la fin de l'expir) :

elle est donc appelée 'surprême Kâlî'.

Comme elle engendre le Temps, Kâlî est la divinité".

Jayadrathayâmala Tantra IV, 19, 183b-192a, cité par M; Dyczkowski dans The Manthâna Bhairava Tantra, vol. 1, p. 399

Ce tantra, et en particulier cette quatrième section dont est extrait ce texte, est la source principale de la tradition Kâlîkrama, la tradition qui se situe tout au sommet de la hiérarchie des révélations tantriques. Kâlî est la conscience comme source du devenir, au-delà du devenir.

"Elle absorbe le lieu suprême dans le vide à partir de (son) corps.

Elle s'éveille quand on la stimule :

on l'appelle donc 'Celle qui absorbe'."

Ce passage est à connotation sexuelle. Le "lieu suprême" est le linga, etc. Âkarshayet signifie aussi "attirer", "séduire" et "extraire", ici, les fluides sexuels. Le reste est clair.

Vijnana Bhairava 66 67 Awakening Through Touch and Magic

 


The practice of awakening through the wonder of magic and through attention to tactile sensation :

kuhanena prayogeṇa sadya eva mṛgekṣaṇe |
samudeti mahānando yena tattvaṃ prakāśate || 66 ||
"O gazelle-eyed one ! 
Infinite bliss will rise instantly 
through the practice of magic trick.
With that, Being shines."

sarvasrotonibandhena prāṇaśaktyordhvayā śanaiḥ |
pipīlasparśavelāyām prathate paramaṃ sukham || 67 ||
"When the feeling of an ant (on the skin) spreads
because slowly the vital energy rises
when the flow of all (senses) is checked,
(then) supreme pleasure spreads."










mardi 15 septembre 2020

Vijnana Bhairava 63 64 65 Feeling the Body, the Breath and the World, As Bliss




















The practice of feeling one's body, breath or the world, as bliss :


sarvaṃ dehaṃ cinmayaṃ hi jagad vā paribhāvayet |

yugapan nirvikalpena manasā paramodayaḥ || 63 ||

"One should completely feel all the body or all the world

as filled with awareness, all at once,

with undivided attention.

The supreme awakening will come."


vāyudvayasya saṃghaṭṭād antar vā bahir antataḥ |

yogī samatvavijñānasamudgamanabhājanam || 64 ||

"Throught the fusion/friction of the two wind-(breath)

from inside to outside, or from outside to inside,

the yogi enjoys the arising of 

the direct experience of equality."


sarvaṃ jagat svadehaṃ vā svānandabharitaṃ smaret |

yugapat svāmṛtenaiva parānandamayo bhavet || 65 ||

"One should keep present the whole world or one's body

as being filled with bliss, all at once.

That nectar of the Self will suffice

to become filled with supreme bliss."




L'éveil de la Kundalinî et la Lune












Mark Dyczkowski, dans sa traduction monumentale, cite de nombreux tantras inédits, restés à l'état de manuscrits.

Voici un extrait d'un commentaire sanskrit, anonyme, à la Collection en six mille versets :

"Il y a quinze phases lunaires depuis le début de la Quinzaine sombre [=Lune décroissante] jusqu'à la Nouvelle Lune [=quand la Lune recommence à croître]. 'Les sages disent que la Nouvelle Lune est destruction', c'est-à-dire résorption. [Puis, le lien de ces cycles macrocosmiques avec le cycle microcosmique de la respiration :] Le mouvement du Soleil de l'expir est dans le (canal) de droite (par rapport au canal central). 'Il va du lotus du coeur jusqu'au (niveau subtil appelé) 'shakti', à (environ) 20 centimètres au-dessus (de la tête). A gauche se trouve le flot de la Lune qui entre - c'est l'inspir." (Shatsahasrasamhitâvyâkhyâ, ad X, 50a, cité dans le Manthâna, vol. I, p. 368)

Ce commentaire, comme la plupart des textes de la tradition de Kubjikâ conservés dans la vallée de Kathmandou, ne montrent aucune connaissance des exégèses cachemiriennes. Cela montre que la pratique du souffle est bel et bien au coeur de la pratique du yoga Kaula. Elle n'est pas du tout propre au "shivaïsme du Cachemire". 

Un autre passage, tiré d'un autre tantra de la tradition Kaula de la Déesse Kubjikâ, décrit en détails cette même pratique, dans le contexte de la divinisation du corps, avant l'adoration du panthéon :

"On expire, on inspire puis on retient le souffle dans le corps. Quand (la sensation de l'inspire) pénètre la région de l'anus ("de la roue-racine"), il faut le bloquer par en bas et par en haut (simultanément). La (Kundalinî) en forme de serpent endormi et de boucle d'oreille, s'éveille et s'élance rapidement vers la fontanelle par le canal central. Elle perce/révèle les niveaux du corps subtil et entre dans le domaine ultimen la limite suprême à la fin (du corps, la conscience) Non-mentale (unmanâ).  Là est l'union de Shiva et Shakti dont l'étreinte/le barattement est émerveillement." (Shrîmatottara, XXIII, 16-19)

Ce même texte décrit ensuite comment la Kundalinî se "verticalise" par l'attention portée aux intervalles entre les respirations. La 'Lune' de la pleine conscience inonde alors le corps. C'est le 'yoga de l'immortalité, de l'ambroisie' (amritayoga).  

C'est encore et toujours la même pratique qui est décrite dans des contextes différents. Mais si l'on en ignore les clés pratiques, ces textes restent des énigmes.

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