lundi 27 mai 2013

Paramparâ

Dans un billet précédent, un shivaïte chantait Allah. Voici un vishnouïte chantant Allah, dans une composition aussi chantée par les Gundecha, des frères jaïns :



Dans le sens inverse, il y a la famille Dagar. Sauf que, selon leurs dires, ils étaient des brahmanes qui, au XIXe siècle (?) auraient été convertis de force à l’islam parce qu'ils avaient accepté une chique de bétel d'un roi muslim suite à une représentation. Dans les extraits du documentaire ci-dessous, on voit et on entend Fahimuddîn. Durant la séquence de l’initiation (dîkshâ) avec son élève hindou, auteur du documentaire, il lui fait réciter : "Om, le son est l'Immense", puis un verset à Sarasvatî, la conscience, et Shiva. Le répertoire des Dagar est principalement consacré à des dieux et déesses hindoues. On entend aussi Fahimuddîn chanter pour Krishna, Râdhâ, etc. :


Suite, où il essaie de concilier son appartenance à l'islam et sa vie hindoue, de façon assez lucide ; puis il évoque sa famille de musiciens à la cour d'Udaipur ; puis on l'entend au festival de Fes ; puis il raconte sa vie, etc. :



L'auteur du documentaire, Ashish Sankrityayan, chante dans la basilique Sainte-Sophie avec un chanteur harmonique :



dimanche 26 mai 2013

La démocratie est une forme de spiritualité



Selon certains, la pensée moderne est dépourvue de spiritualité. C'est faux.

Quelques exemples, parmi les fondateurs de la démocratie moderne :



La démocratie et la philosophie sont des exercices spirituels. Socrate, fils d'Athène la démocrate et vilipendeur de la démagogie, incarne l'unité du spirituel, de l'intellectuel et du moral :







La puissance de l'esprit... de groupe

ils voulaient démontrer la puissance de l'esprit. Ils ont démontré la puissance du groupe. Ces images valent bien plus que de long discours :



C'est ainsi que nait le fanatisme. Voici un exemple tragi-comique, à l'image de ce que j'ai pu voir dans nombre de mes voyages. N'est-ce pas là une autre démonstration de la puissance du qi ? (il faut bien rire pour ne pas pleurer) :



A propos des crimes islamistes, on entend partout "cela n'a rien à voir avec l'islam !". Et même, le plus souvent, l'islam n'est pas évoqué. Cela étant, il y à bien quelques Musulmans qui critiquent les doctrines qui, dans l'islam, sont les motifs de ces atrocités. Lisez cet article de Tarek Fatah. Traduit par Google.
Protest in London
 Un shivaïte chante Allah. La musique apaise les meurtres. Le grand Mallikarjun Mansour :
 

Si le silence chantait

L'expérience mystique n'est pas confinée au silence. Au-delà des mots, elle engendre les mots, accouche de paroles nouvelles, de langues inconnues. De Marguerite Porète à Ramana Maharshi, les mystiques (peut-être apparenté au grec mustos, "silencieux", latin mutus, parent aussi de "murmure", faire "mm", comme dans les musiques ci-dessous), sont intarissables. Le sans-forme doit prendre forme. Quitte à en mourir (sur le bûcher ou ailleurs). Le silence est musique. Plus le miroir est limpide, plus les formes sont nettes et variées.

Une musique-silence, l'expérience mystique en musique :
















samedi 25 mai 2013

Dhrupad à la contrebasse

J'en rêvais. Il l'a fait. A quand la viole de gambe ?




Il existe une viole de gambe équivalante à la contrebasse : le violone.



Ne pas penser, est-ce être un éveillé ou un salaud ?


Il y a, dans la conscience au présent, quelque chose d'impersonnel. Une absence de traits individuels. De plus, elle ne dépend pas d'un discours, d'une pensée. Quand je regard ici, c'est transparent :



Pour autant, tout ce qui est impersonnel et anti-intellectuel relève-t-il de ce Bien souverain ?

A entendre 99,9% des enseignants spirituels non-dualistes, oui.

"La pensée est l'ennemie", pour presque tous les spirituels, dualistes ou non. Mais il y a là une confusion. Il y a certes des pensées-parasites, c'est un fait. Des pensées-TOC, des pensées que je ne pense pas, des pensées qui pensent ma vie, des souvenirs, des slogans qui viennent me perturber, des pensées-virus.
Mais ces pensées sont gênantes parce que leur fond n'est pas reconnu. De plus, se laisser prendre à leur remorque n'est pas le bonheur. Mais les craindre et chercher à les bloquer conduit à d'autres angoisses. En revanche, il suffit de voir que ces pensées sont transparentes pour qu'elles apparaissent comme le jeu du silence.
De plus, il faut distinguer ces pensées, pareilles à des nuages, de la pensée - l'acte de réfléchir, de se poser des questions, de remettre en cause. Quand je me laisse absorber dans le silence, j'ai moins de pensées qui viennent, elles sont comme des vagues limpides dans une eau limpide : aussitôt tracées, aussitôt effacées, naissante/épanouissantes. Un bonheur. Mais aussi, je pense mieux. L'acte de réfléchir jaillit dès lors sans entraves, comme le reste d'ailleurs. Cela est facile à vérifier. Si l'on veut, on peut comparer les deux modes de pensée à la lecture silencieuse où l'on "répète" mentalement les sons, d'une part ; et à celle où l'on lit directement, sans articulation intérieure, de l'autre. La lecture est plus rapide, intense.
A mon avis, percevoir les pensées comme ennemies est un obstacle. Mais considérer la pensée comme une ennemie est encore plus grave. On entend des autorités assurer que les pensées peuvent vous traverser sans dommage. Bien. Mais rares comme des étoiles en plein jours sont celles qui reconnaissent que penser participe de la liberté de la conscience. Pourquoi ? Parce qu'une partie d'entre ces maîtres sont des médiocres s'adressant à des médiocres. Et aussi, parce c'est une manière commode de neutraliser toute critique, toute intelligence. Je suis désolé de le dire, mais la quasi-totalité de ce qui est spirituel fonctionne sur le mode bureaucratique, militaire, totalisant, à la manière de n'importe quel groupe. Le groupe "pense", le gourou "pense". Personne ne pense. Impersonnel comme des majorettes. C'est beau, mais ça ne pense pas.

Ce qui nous amène au second point : l'impersonnel. L'absence de jugement. L'absence de mémoire, d'histoire, "ne pas être une personne", ne pas résister, ne pas revendiquer, ne pas refuser. Pas d'alternatives, pas d'espoir, pas de rébellion. "Penser, c’est dire non", disait Alain. Il ne faut pas dire non au Réel, donc il ne faut pas penser.
Dans cette veine, tout le monde, ou presque, parle du ressenti comme d'une panacée. Là aussi, c'est un moyen commode de flatter les consommateurs tout en les abrutissant. La conscience au présent ne fuit pas les sens, le corps : c'est très vrai. Mais aussi, la conscience libre est indépendante du corps, du "cœur", du ressenti, des émotions. Une conscience qui écoute les sensations n'est pas une conscience libre. Ken Wilber a bien raison d'accuser ces adorateurs du ressenti de confondre le trans-rationnel avec le pré-rationnel. Le plus souvent, "l'écoute du corps", la célébration de l'enfance innocente, du clown intérieur, du cœur, de cette prétendue "écoute de soi", ne sont que des régressions, des façons spirituelles de retourner dans le ventre de sa maman (bonne fête aux mamans !).

En outre, n'être personne, sans mémoire, sans jugement, sans initiative, c'est être un pantin, un lâche capable des pires crimes. C'est être le salaud de Sartre.

Posons-nous la question : peut-on imaginer un serial-killer éveillé ? Un Hannibal Lecter sans mémoire, parfaitement à l'aise dans l'instant présent, qui ne se prend pour personne, qui ne juge pas, qui ne pense pas, pareil à un miroir immaculé, qui ne discrimine jamais, d'une équanimité imprenable, serein comme l'espace, pour qui le bien et le mal ne signifient rien, qui est capable de dévorer un visage en restant juste dans le ressenti, comme un enfant, etc., etc. ?
En fait, il n'est pas nécessaire de l'imaginer. Ce genre de personne "impersonnelle" existe. Cela s'appelle un psychopathe. Un être "fonctionnel" mais dépourvu de tout sens psychologique, de toute empathie morale. Il ressent ce que l'autre ressent, mais... c'est un autre. Ou alors, l'Autre c'est Moi, comme le sein de maman. L'enfant, jusque vers 7-8 ans semble-t-il, est incapable de se mettre à la place de l'autre. Il a une sorte d'empathie, mais pas de sympathie. Il est sans dualité. Sans pensée. Sans discernement. Impersonnel. Tout le monde s'accorde à reconnaître que les enfants-soldats sont d'une redoutable efficacité. 
Il y a des cas historiques.
Eichmann, par exemple. J'en parle parce qu'un film sur Hannah Arendt vient de sortir. Philosophe allemand, et Juive, elle avait couvert comme journaliste le procès d'Eichmann en 1961. Eichmann a tué et organisé la plus singulière tuerie de l'histoire, la Shoah. Après cette vie de fonctionnaire paisible, il part tranquillement profiter de sa retraite en Argentine. Capturé, il est jugé à Jérusalem. La quasi-totalité du procès est visible sur Youtube.
Or, Eichmann est normal. C'est M. Normal. Il ne pense pas. Mais il ressent. Il écoute de la musique, danse le tango, a des amis, des enfants, une femme. Il est tendre. Il vit dans son cœur, pas dans sa tête. Aussi, quand on lui donne des ordres, il obéit. Pas d'atermoiement, de doutes, rien de personnel. Il fonctionne. Un rouage parfait dans le tout totalitaire. Il est libre de l'idée d'être une personne. Il ne regrette rien. Il n'agit pas vraiment. Pas d'initiative. Il se laisse porter par le cours des choses. Il ne juge pas, ne compare pas, ne revient pas sur le passé, sur son image, sur sa valeur morale (comble de l'individualisme occidental moderne décadent !). Eichmann incarne de façon troublante l'action impersonnelle tant vantée par les chantres de la non-dualité. La "banalité du mal" ne désigne-t-elle pas la vie impersonnelle ?
Donc, un homme simple, impersonnel, un x dans la foule, peut agir comme un psychopathe.
L'éveil - décrit comme éveil à une conscience impersonnelle, sans dilemmes, fonctionnelle, établie dans le ressenti de l'instant présent - est-il le Bien souverain ou une pathologie, le lit des pires monstruosités ?
Peut-on vraiment se vanter, comme le font des centaines d'"éveillés", d'avoir dépassé toute morale ?
On pourrait prendre d'autres exemples. Le Zen en guerre. L'expérience de Milgram (avec son remake sur France 2). Himmler qui fît traduire et distribuer la Bhagavadgîtâ pour ses S.S., avec des cours de yoga. Ou la vie en entreprise - l'abandon à l'action, toujours juste et impersonnelle, du Marché.

Si l'on peut avoir toutes les qualités d'un éveillé et se comporter comme un psychopathe, ne faut-il pas revoir la définition de l'éveil ? Dans la tradition chrétienne, on a réfléchi à ce qui pouvait distinguer les deux (même si c'était souvent pour de mauvaises raisons, pour défendre un pouvoir temporel). Comme Kant a réfléchi à la différence entre vertu et moralité.

Mais je crois que presque personne, dans ces milieux, n'en est capable, car le but n'est pas la liberté, mais le pouvoir - la jouissance infantile, sans limites, du pouvoir, si dérisoire soit-elle. Le côté obscur de l'éveil.

Donc, il n'y a pas d'éveil digne de ce nom sans réflexion. Comme dit Arendt "penser donne de la force". Sans pensée, le meilleur peut devenir le pire.

P.S. : je ne veux pas provoquer de polémique, mais je note que Heidegger n'a jamais regretté publiquement son passé nazi. Il a vécu "sans récapitulation", dans l'instant présent, des couloirs de l'Université nazie jusqu'aux sentiers champêtres de la "gelassenheit". Sans dualité.

vendredi 24 mai 2013

Conscience au présent



Je lis la nouvelle traduction du Chöying Dzöd de Longchenpa par Keith Dowman. Il n'y a pas l’auto-commentaire, mais la traduction est étonnante.

Spaciousness

Quelques propositions de Dowman : chos = expérience. Et surtout, ye shes = conscience au présent.
Cette traduction du sanskrit āna en tibétain ye nas shes pa a toujours déconcerté les traducteurs. Que signifie "ye", alors qu'il ne semble pas être présent dans l'original sanskrit ? On a rendu ye shes par "sagesse primordiale", "prime sagesse", "connaissance principielle", "timeless awareness", "primal gnosis", etc. Or, selon Dowman, ye serait une onomatopée comme "hé !", et désignerait le présent, le "maintenant". Dès lors ye nas = "au présent" et ye nas shes pa = conscience au présent, ce qui colle avec les gloses de rig pa par da lta'i shes pa, "conscience au présent" dont j'avais parlé ici. C'est tout un corpus qui change ainsi de parfum. Cette conscience au présent évoque des discours New Age, mais Dowman se défend de toute édulcoration.

Quoi qu'il en soit, la traduction est remarquable.
Un verset au hasard :

La vision suprême ne fait pas de différences en pratique,
Car en réalité la rencontre directe avec l'essence est inévitable :
La conscience née d'elle-même est la nature de l'esprit lumineux.
Inutile de la chercher désespérément au loin.
Reste simplement en toi-même. Tu ne la trouveras nulle part ailleurs.

Nous savons que la réalité, telle le soleil,
Demeure à jamais en son état naturel de claire lumière qui contient tout.
Confiant en leurs efforts pour éclairer l'obscurité,
D'autres essaient d'illuminer le soleil primordial :
Il y a une vraie différence entre la vision causale et la vision suprême.

jeudi 23 mai 2013

L'amour de soi est amour du Soi



 

Maître !
Toi seul est le Soi de tout et de tous.
Or, tous aiment leur Soi.
Voilà pourquoi l'amour pour toi est naturellement présent.
Qui le sait est le maître. 

"Maître, tu es le Soi" : Chacun n'aime que lui-même/que son Soi. Mais en réalité toi seul, conscience, est le Soi de celui qui (n'aime que son Soi). Dès lors, l'amour pour toi - pour Soi - est spontanément présent. Simplement, celui qui connaît cet (amour) parce qu'il a été pris par (ta) Puissance, celui-là gagne une maîtrise qui dépasse tout.

La Guirlande d'hymnes à Shiva d'Utpaladeva, avec l'explication de Kshemarâja, I, 7

L'amour de soi est un amour du Soi non reconnu. Or, l'amour du Soi est altruisme. Inversement, l'amour d'autrui est un amour du Soi non reconnu.
Ainsi l'égoïsme est un altruisme inabouti. Et l'altruisme, un égoïsme achevé.
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