On pourrait
décrire notre essence
comme un ciel immuable
dans lequel
passent les choses, tout,
comme des nuages.
La question est : qu'est-ce qui est ciel, qu'est-ce qui est nuage ?
Partant de la dualité ciel-nuage implicite dans cette comparaison,
je me demande si la volonté est ciel, ou nuage.
Ma volonté est-elle mon essence,
ou n'est-elle qu'un accident ?
La conscience est mon essence, car elle est toujours présente.
De fait, la conscience est présente en toute expérience
car elle est l'expérience elle même.
Conscience est synonyme d'expérience.
Donc la conscience n'est pas une chose ou un contenu parmi d'autres
de mon existence.
Elle est la texture de mon existence.
certain dirons qu'elle en est la "condition de possibilité".
En clair : sans elle, rien.
Impossible de la nier, car la nier,
c'est encore grâce que je le fais.
Pas de nuages, si sombres soient-ils, sans ciel.
Mais ma volonté ?
Est-elle ciel, est-elle nuage ?
Est-elle un fait, donné immédiat comme la conscience ?
Je trouve que oui.
Quand je me ressaisi directement,
je me découvre comme conscience, certes,
mais comme conscience inséparable de la volonté.
Conscience est synonyme de volonté.
Car tous les arguments pour la conscience comme essence
sont valable pour la volonté.
En effet, si je prends, a priori,
ma volonté pour un contenu qui va et qui vient au sein
de l'espace de ma conscience, comme une mouche,
c'est parce que je la confond avec ses objets.
De même que la conscience a un contenu,
la volonté a un contenu.
Je crois que la conscience change parce que je la confonds avec tel ou tel objet.
Je crois que la volonté change parce que je la confonds avec tel ou tel objet.
Mais une conscience du bleu n'est pas bleue.
La conscience du changement ne change pas.
Une volonté de bouger ne bouge pas, de même.
Comment faire l'expérience de la conscience ?
En retournant la conscience sur elle-même,
immédiatement, spontanément.
Comment faire l'expérience de la volonté ?
En retournant la volonté sur elle-même,
immédiatement, spontanément.
La conscience pure
est la même essence
que la volonté pure.
Cette conscience-volonté,
j'en fais l'expérience nue
entre deux pensées, entre deux élans.
Car il n'y pas pas de pensée sans volonté,
de même que conscience pure et volonté pure sont synonymes.
Dès lors, désir, volonté, souhait, penchant, instinct, élan, vélléité
sont autant de synonymes de la conscience,
distingués seulement selon le contenu visé.
mais quand on abstrait tous les contenus,
il n'y a qu'une seule et même expérience, volonté et conscience inséparables.
Cet élan pur, j'en fais l'expérience brute
quand je laisse cet élan remonter à sa source.
La source de la volonté n'est pas absence de volonté,
mais volonté sans objet différencié.
C'est une volonté qui veut tout.
De même, la source de la conscience
n'est pas une absence de conscience,
mais une conscience pure,
conscience de tout,
mais sans différenciation.
Élan global.
Vision panoramique.
Comme le premier coup d’œil à un paysage,
sur un tableau, quand j'embrasse un regard.
Il n'y a encore nulle distinction.
Une seule vision.
Et une seule volonté.
Et cette conscience-volonté,
j'aime aussi l'appeler acte, ou extase.
Et j'en fais l'expérience directe aussi
quand je me souviens d'une urgence ;
quand j'apprends une mauvaise nouvelle - ou une bonne ;
à chaque fois que je suis interrompu dans mon bavardage intérieur
- quand mon élan, l'élan que je suis, qui est tout, apparaît à vif.
Chacun découvrira plein d’expériences semblables.
Des moments.
Mais on me demandera peut-être :
- Comment connais-tu cette volonté ?
- Comment sais-tu qu'elle est universelle, comme la conscience ?
Je répondrai :
les doutes et leurs solutions sont les mêmes
que pour la conscience !
- Comment sais-tu que tel autre est conscient ?
Tu le devines, parce que, même partiellement ou confusément,
tu reconnais que la conscience en l'autre et ta conscience, c'est une seule et même conscience.
- Et tu le devines comment ?
Par le mouvement corporel et, spécialement,
par la parole. Pas seulement celle de la bouche, mais aussi celle du visage,
de la face entière.
Ainsi - miracle ! - la conscience volonté qui ne peut devenir objet,
devient objet, ineffablement.
Parce que vraiment, c'est ineffable, cette reconnaissance.
Sinon, comment expliquer l'amour ?
Même conditionnel, même égoïste...
D'ailleurs, même si tout amour est égoïste, n'est-ce
pas l'Ego, le Soi, que l'on aime toujours ?
Au-delà des différences, par-delà le voile de Mâyâ ?
- Comment sais-je que tu es conscient ?
Parce que je le devine !
- Comment sais que tu est volonté ?
Parce que je le devine !
- Comment ?
Par les mêmes signes !
Je serais même tenté de dire que je le sens,
pour signifier combien c'est indifférencié.
Même unité, dans les deux cas.
C'est donc la même essence.
Conscience, volonté : une essence.
- Mais la volonté est localisée dans le corps !
Ni plus ni moins que la conscience.
Les objets de conscience sont localisés.
Pas la conscience.
Or il en va de même pour la volonté.
Parfois, et comme la conscience, elle se concentre
en tel ou tel espace, comme le cœur, la poitrine, la colonne vertébrale,
les entrailles... Mais elle reste omniprésente.
La lumière du ciel, même si elle est concentrée par une loupe,
n'en reste pas moins infuse partout. De même pour la volonté !
- Mais pourquoi, alors, parle-t-on de la conscience partout,
et de la volonté (presque) nulle part ?
Parce que la conscience est plus proche de la vision,
sens prédominant, pour des raisons à la fois naturelles et culturelles.
Si nous n'avions pas d'yeux...
- Mais alors que signifie une conscience sans volonté ?
C'est une formule pédagogique.
Une conscience sans volonté,
c'est simplement une conscience sans volonté différencié,
fixée sur un seul objet à l'exclusion des autres.
Ici comme ailleurs, il en va exactement comme pour la conscience.
Et pour une excellente raison : la conscience, c'est la volonté !
Un seul acte, une seule activité,
décrite différemment,
comme un cristal transparent posé successivement sur du bleu et du rouge.
Mais l'habitude de parler seulement de la conscience
n'est qu'une habitude. Il y a des alternatives,
importantes pour une vie intérieure pleine et entière.
Voilà pourquoi j'y reviens régulièrement.
Tout cela est simple et accessible.
Le trésor est là. Il ne demande qu'à être aimé.