vendredi 30 juin 2023

D'abyme en abyme



La voie est différente pour chacun. Mais il y a des communs : d'abord des lumières, puis du vide. Et ainsi, en un cycle peut-être sans fin. 

Madame Guyon, dans le sillage de la grande tradition mystique, décrit ce chemin avec la métaphore de l'immersion dans la mer. Dieu fait mourir en nous tout amour propre. Pour cela,

"Il nous conduit de précipice en précipice, d'abîme

en abîme plus profond. Au commencement, Il donne quelque

barque pour voguer sur cette mer orageuse. Ensuite Il ne

laisse qu'une planche, puis Il ôte cette planche et alors,

sentant que nous nous enfonçons, nous nous accrochons à

tout ce que nous pouvons pour nous empêcher de tomber.

Mais enfin après nous être défendus de toutes nos forces,

tout manque et tombe des mains : les forces quittent, il ne

reste plus que la faiblesse. Cela arrive tout naturellement et

sans rien d'extraordinaire. Souvent Dieu voyant notre

opiniâtreté à nous attacher à quelque chose nous coupe les

mains, et alors nous sommes contraints de tomber. Mais

combien d'efforts ne fait-on pas pour se soutenir sur les

ondes, jusqu'à ce que la faiblesse soit si grande que, n'en

pouvant plus, on est contraint d'aller au fond ! Et encore, la

nature et l'esprit ont une si extrême frayeur et répugnance à se

perdre que du fond de l'eau souvent on reparaît. Et c'est un

jeu qui dure longtemps de paraître et se perdre, jusqu'à ce

qu'on se noie et se perde tout à fait par la perte de tous les

appuis créés, humains et divins, tant des perceptibles que de

ceux qui ne le sont pas."

Extrait tiré des Lettres de Madame Guyon, Lettre 74 de cette édition.


samedi 3 juin 2023

L'éveil incarné


L'éveil n'est pas le renoncement au corps, mais l'éveil du corps. 

Pourquoi ? Parce que le corps est de la conscience contractée. La conscience éveillée est un corps décontracté. Parfois au-delà des limites du corps "conventionnel". Le corps est, potentiellement, tout ce qui est perçu. Mais il y a toujours un corps : corps vaste, corps divin, fait de mantras, de yoginîs, ou même corps d'espace ou corps de conscience. Mais corps toujours.

Voilà pourquoi l'éveil proposé par le Tantra est incarné, vivant : jîvan-mukti. Libération (mukti) tout en étant vivant (jîvat).

Pour cela, il y a une pratique : la méditation de Shiva, décrite dans ce verset :

svatantraśivatām eti bhuñjāno viṣayān api /

animīlitadivyākṣo yāvad āste muhūrtakam //

L'adepte atteint la divine liberté

même en jouissant des objets des sens,

quand il reste un moment

l'œil divin ouvert.

Tantra de la Déesse-alphabet, 18, 23

"Rester avec l'œil divin ouvert", c'est rester avec le regard grand ouvert, les sens grands ouverts. Pourquoi ? Parce que cette ouverture des sens appelle l'ouverture de la conscience, aussi appelée "roue principale". Voilà pourquoi, dans la Méditation de Shiva, on reste le regard grand ouvert, comme dans une expression d'étonnement. Il en va comme dans la Vision Sans Tête de Douglas et Catherine Harding, aujourd'hui partagée par mon ami José Leroy. Le regard grand ouvert, l'attention se retourne, plonge dans l'immensité. Et ce regard qui ne débouche sur rien de saisissable, c'est l'éveil, c'est le corps de pleine conscience, dans lequel le corps énergétique va baigner et s'assouplir, comme une éponge plongée dans l'eau.

"Un moment" : le temps d'une séance de méditation assise, à peu près 48mn. Muhûrta désigne aussi un moment propice, car quand on reste ainsi dans cette attitude, on ne perd pas son temps.

Voilà un éveil incarné où l'ouverture des sens induit l'ouverture de la conscience. Comme un bâillement, mais en plus profond.

Pour apprendre la Méditation de Shiva et les autres pratiques du Tantra, inscrivez-vous à la Formation Tantra, prochain cycle à débuter en octobre 2023 :

https://david-dubois.com/enseignement/

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