1 Il existe plusieurs sortes de non dualité.
2 La plupart des gens qui parlent d'Advaita ne connaissent pas le sens de ce terme.
3 Il y a l'Advaita Vedānta de Śaṃkara. Il y a d'Avaita Vedanta sans Śaṃkara. Et il y a les Advaitas, pas Vedantas (sans parler des Vedantas pas Advaitas). Vedanta signifie ici "qui s'appuie sur les Upanishads", corpus oral complexe et rempli d'idées apparemment contradictoires sur le monde, son origine, la nature de la conscience, etc., mais aussi la manière de mener sa femme à la baguette pour avoir un fils (et pas une fille).
4 Selon certains, l'Advaita Vedānta est l'Advaita "traditionnel".
5 Mais il y a plusieurs sortes d'Advaita Vedānta.
6 Il y a celui de Śaṃkara. Pour le connaître, il faut lire ses œuvres, difficiles, même une fois traduites du sanskrit.
7 Selon certain connaisseurs de Śaṃkara, comme Swami Satchidanandendra, la tradition de l'Advaita Vedānta qui se réclame de Śaṃkara a trahi Śaṃkara.
8 La "tradition de l'Advaita Vedānta" n'est pas orthodoxe si l'on prend l'œuvre de Śaṃkara comme critère d'appartenance à la tradition de l'Advaita Vedānta.
9 La tradition de l'Advaita Vedānta trahit Śaṃkara car elle s'appuie sur d'autres source que les œuvres de Śaṃkara. Par exemple, le Vivekacūḍāmaṇi n'est pas de Śaṃkara, mais d'un certain Śaṃkarānanda (c. XVe siècle).
10 Ce néovedānta-traditionnel-mais-pas-orthodoxe est largement inspiré par le Yogavāsiṣṭha (c. XIIe siècle ?), qui est Advaita, mais pas Vedānta.
11 Rāmakṛṣṇa, Vivekānanda, Śrī Aurobindo etc. ne sont pas du Vedānta.
12 Ramana Maharishi, Nisargadatta Maharaj, Atmananda Menon, etc. ne sont pas du Vedānta.
13 Poonja, alias Papaji, n'est pas du Vedānta.
14 Pour tous ces maîtres spirituels, la source d'inspiration n'est pas l'Advaita Vedānta traditionnel ni shamkarien, mais des textes Advaita non védantiques tels que le Yogavāsiṣṭha, le Vivekacūḍāmaṇi, l'Aṣṭavakragītā, etc.
15 Tous leurs disciples ne sont pas du Vedānta, ni traditionnel, ni néo.
Bref, c'est la pagaille. Mais c'est aussi la vie.
Ce qui m'intéresse ici, c'est l'évolution, c'est-à-dire le fait qu'une forme de pensée dont tout le monde se réclame (celle de Śaṃkara), sert à légitimer une tout autre forme de pensée. Pour mesurer l'abîme qui sépare "le grand" Śaṃkara de ses "héritiers" contemporains, on pourrait comparer un discours tiré d'un satsang (une réunion spirituelle) d'aujourd'hui (n'importe lequel fera l'affaire), avec un texte de Śaṃkara. Pour donner une petite idée de la non dualité selon Śaṃkara, voici un court traité qui est sans doute du maître (il s'agit du Śiṣya-pratibodha-vidhi-prakaraṇam, inclus dans l'Upadeśa-sahasrī), et dans lequel il décrit sa méthode pour atteindre l'Eveil toujours-déjà-atteint. Voici le début, limpide :
Méthode pour éveiller un disciple
Selon Śaṃkara
1. Nous expliquons ici la manière d’enseigner le moyen d’obtenir la délivrance à ceux qui sont doués de foi et qui aspirent à la délivrance.
2. Ce moyen d’obtenir la délivrance est la connaissance. Il doit être exposé encore et encore jusqu’à parvenir à une compréhension assurée. Le disciple est un brahman[1] en état de pureté rituelle détaché de tout ce qui peut être atteint (mais) qui est impermanent. Il a renoncé au désir d’avoir un fils, à la richesse et au désir d’un (quelconque) paradis[2]. Il a adopté la manière de vivre d’un parfait vagabond[3], il est doué de maîtrise, de compassion, de calme, etc. : il possède au complet les qualités d’un disciple telles qu’elles sont vulgarisées dans les traités. Il a approché (le maître) en respectant l’étiquette, maître qui a examiné sa caste, sa profession, ses activités, sa science et ses ancêtres.
[1] Un membre masculin de la caste la plus haute.
[2] Litt. « au désir des mondes » que ce soit en cette vie ou dans un au-delà.
[3] Litt. « d’un cygne suprême », sorte d’ascète errant, figure suprême de l’ascétisme dans le brahmanisme orthodoxe.
Alors oui vraiment voila quinze bonne remarques qui donne envie de se spécialiser sur Abhinavagupta!
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