Section de la Déesse Vierge du Tantra de Bhairava-le-baratteur, Chapitre 41
Le sublime Protecteur dit :
Ô très chère !
Une grande et divine curiosité s'élève en moi !
Là où il n'y a rien, que peut-on viser ?
Comment évoquer (bhavanā) ce que l'on ne peut définir ? 1
La méditation (bhāvanā) engendre des dualités.
L'immaculé est sans objet/ sans "quoi "ni "qu'est-ce" (bhāvahīna)...
La méditation au contraire se présente sous de nombreuses formes :
Visualisation, culte, récitation, yoga...
Dès lors, dans quel but en as-tu parlé,
Ô suprême souveraine ? 2-3a
La sublime Gibbeuse dit :
Les phonèmes se présentent sous de nombreuses formes,
De même que les visualisations et les concentrations (lakṣa). 3b
En effet, je les ai révélé
Pour apaiser l'esprit.
Car l'esprit est versatile, distrait, puissant et coriace. 4
Son mouvement est plus (rapide) encore que le vent.
Comment donc le contrôler ? 5a
Dans la mesure où l'on médite une (chose)
Une autre sera présente (, qui sera son opposé). 5
(Dans la non dualité), il n'y a jamais de visualisation,
Ni de concentration, ni de projet (saṃkalpa).
Voilà pourquoi, ô dieu, il faut laisser tout cela. 6
De même que celui qui tient une torche
La délaisse dès qu'il a trouvé la substance précieuse (qu'il cherchait dans l'obscurité d'une mine, de même) on doit abandonner la Gnose
Dès que l'on a aperçu ce que cette Gnose sert à faire connaître. 7
Ô dieu, tout ce qui est engendré par l'esprit,
Tout ce qui est visé, visualisé, et qui n'est qu'imagination,
Tout cela est (finalement) anéanti.
On doit seulement méditer sur le "je ne suis pas". 8
"Je ne suis pas, et rien d'autre n'existe".
(Voilà ce que doit penser) celui qui aspire à la pratique (kriyā) de la non dualité.
Il ne doit pas même penser
" Je suis délivré, je suis lié", jamais. 9
On doit abandonner les traces d'ignorances
telles que "je suis un ascète", "je suis un père de famille",
Ou même "je suis brahmane", "je suis intouchable", "je suis la divinité". 10
Bien au contraire, c'est (le fait de ) ne pas penser
Qu'il est jeune, vieux ou dans l'enfance
Qui signale celui dont (l'esprit) est dissous comme il faut.
Il ne pense pas "je suis au Ciel" ou "en enfer" ou "dans les limbes". 11
Ce qui signale que (son esprit) est dans un (état) de dissolution avancée,
C'est bien plutôt qu'il ne pense pas "je suis", "cela est",
"Je suis uni (au Seigneur)", "je suis séparé".
Il est sans désir ni avidité. 12
Ce qui le signale comme étant bien dissous,
C'est qu'il est omniscient, sans ego.
L'omniscient ne se dit pas
"Je suis idiot", ni "je suis savant". 13
Tant qu'il n'a pas tout laissé, il n'a rien,
Car l'état du "je" est toujours conditionné (baddha) par les trois guṇas. 14
Ô dieu !
Tant qu'il n'a pas tout laissé, il sera toujours frustré (niruddha).
Celui pour qui sont égaux le bonheur et le malheur,
L'ami et l'ennemi, le faste et le néfaste, 15
Celui-là est délivré de la prison du saṃsāra des naissances, sans aucun doute.
De même que le veau laisse (sa) mère quant elle n'a plus de lait, 16
De même l'homme atteint le suprême domaine de l'Extinction (mirvāṇa) quand il n'y a plus d'esprit.
Tout le monde s'attache aux fils, aux femmes, à la famille. 17
L'Extinction commence quand on s'affranchi des qualités/états (guṇa), une fois que l'on a laissé ces (choses).
Même ceux qui ont atteint la cime de l'existence,
Qui aspirent à une union immuable, 18
Même ceux-là chutent dans l'océan de l'existence
Quand la soif et l'ego les consume. 19[1]
On doit d'abord délaisser tous les liens que sont les espoirs,
Puis s'exercer au yoga.
Même s'il est un brahmane connait les quatre Védas,
Celui qui a (commis les double crime) de coucher avec la femme de son maître et d'avorter le fœtus, 20
Celui-là ne sera pas délivré de ses péchés tant qu'il ne se sera pas exercé au yoga.
Qui est délivré dans tout son être (ātmā)
Celui-là voit tout.
Partout, il ne voit que lui-même/que le Soi. 21
"Tout est comme je suis".
Il voit que tout est un même état.
L'unité a de nombreux modes, comme les fils d'une étoffe de laine. 22
Louange et blâme lui sont égaux.
Egaux les partis amis et ennemis.
Délivré, il délivrera tous les êtres.
Il n'y a pas là matière à expérimentation ou à investigation. 23
Il est sans dilemmes, il est indéfinissable, au-delà de l'esprit, suprême.
Il est délivré sans aucun doute dès lors qu'il est établi dans sa vraie nature. 24
Le Soi (adhyātma) de celui qui s'est établi
Dans le cours de sa vraie nature
Devient le Seigneur.
On dit (de lui) qu'il est libre de l'imagination et de la pensée. 25
On doit le considérer à l'instar de l'Embryon d'Or,
La matrice de tout cet univers.
Le sublime Protecteur dît :
Dans la non dualité libre de tous les couples de contraires,
Dépourvue de toute marque distinctive, 26
Il n'y a pas de second.
Comment celui qui ne vacille pas (niścala)
Peut-il s'y établir ?
La Déesse répondît :
Ô dieu !
Sans contact avec le mobile-et-immobile, il n'y a pas de "mobile et immobile". 27
L'expérience du mobile-et-immobile dépend de l'activité mentale.
Les yogins vénèrent ce par quoi tout est mu. 28
Ô dieu !
On dit que pour les êtres incarnés,
Les cinq qualia (tanmātra) son, tactiles, saveurs, formes et odeurs,
Sont de très puissants ennemis (saṃga). 29
En effet (même) ceux qui se délectent dans le yoga de l'apaisement
Sont entravé le défaut qu'est leur contact.
Par ce contact naît le désir sensuel,
Et ce désir engendre la cupidité. 30
Puis la cupidité engendre les dilemmes (vaikalpam).
Il faut donc laisser-là tout contact (avec eux).
La vie en ce monde (lokayātra) et même le souci religieux 31
Proviennent d'une mauvaise compagnie (kusaṅgāt).
Par le renoncement complet à tout,
On atteint le royaume ultime. 32a
[1] Expressions typiquement bouddhistes.
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