Je lis sur Yahoo que Claude Guéant à provoqué une polémique en affirmant notamment ceci : "Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas".
Harlem Désir et d'autres qualifient ces propos de "racisme culturel", paraît-il. Ce serait une "tentative d'infériorisation de l'Autre".
Or, Guéant a raison de dire que son discours est républicain. Donc, être républicain aujourd'hui, c'est être raciste. Comment a-t-on pu en arriver là ? Prenez un discours parmi les plus célèbres de ceux commis par les grandes figures de la laïcité. Prononcez-le en votre nom aujourd'hui, et vous vous ferrez traiter de nazi par le MRAP et compagnie. Incroyable, mais vrai. Les soi-disant militants antiracistes emploient un argument du même type que ci-dessus - une comparaison en vue de formuler un argument ad personam - mais en sens inverse. "Vous aimez les chiens ? Mais Hitler aimait les chiens ! Vous êtes donc bien un nazi !"
De plus, le raisonnement du Ministre se tient ; alors que la position relativiste se réfute elle-même.
En effet, dire que "toutes les cultures se valent", c'est dire que "toutes les opinions se valent". Mais, si toutes les opinions se valent, alors l'opinion selon laquelle "toutes les opinions se valent" a la même valeur de vérité que celle selon quoi "toutes les opinions ne se valent pas". Je suis peut-être un rationaliste butté, mais cela me semble limpide. Pas vous ?
De plus, les relativistes apparaissent d'abord comme des défenseurs de la tolérance et de la justice, c'est vrai. Mais, à y regarder de plus près, j'ai quelques doutes. Je ne pense pas ici à un procès d'intention, mais à de simples raisonnements sur les implications du relativisme. En effet, si "toutes les cultures se valent", alors que reste t-il aux millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent (et meurent) sous l'oppression ? "Vous êtes vendu comme esclave après avoir été capturé au Sud-Soudan ? Certes, c'est bien triste. Mais au nom de quoi vous révolterez-vous ? Toutes les cultures se valent ! L'esclavagisme est une vision du monde comme une autre. Si vous soutenez le contraire, c'est du racisme culturel contre les esclavagistes ! Je vais le dire au MRAP !" On voit combien il est facile de retourner l'argument relativiste pour justifier l'injustifiable, pour dire qu'une tyrannie (économique, militaire, religieuse) n'est, finalement, qu'une "culture" parmi d'autres. De même, il faudrait alors tolérer même les intolérants, ce qui conduirait à la destruction des sociétés tolérantes... Et il en va de même - sur un autre plan - des non-dualistes qui affirment que "tous les concepts sont faux" sans se rendre compte de ce qu'ils disent, peut-être (?) parce qu'ils ne font que répéter sans réfléchir.
Bref, si "toutes les cultures se valent", il n'y a plus de vérité. S'il n'y a plus de vrai, il n'y a plus de faux, donc plus d'affirmation "toutes les opinions se valent" qui tiennent ; et surtout, plus de mal, plus d'injustice, plus d'inégalités, plus rien, à vrai (!) dire. Si bien que, comme dirait Abhinavagupta, "l'humanité périrait sans même un cri"...
De plus, les relativistes sont relativistes dans leurs discours, mais souvent absolutistes en pratique. Comme, par exemple, un supermarché qui vous berce de slogans sur "A chacun sa vérité", "Parce que vous êtes uniques", etc. et qui en fait n'emploie ces argument relativistes que pour faire du profit, ce qui reste sa référence absolue. De même, certains adeptes des religions invoquent le relativisme quand ça les arrange - "La Genèse, c'est comme la physique quantique !". Et il en va de même en politique. Le relativisme "de gauche" est souvent basé sur un absolutisme caché : l'Histoire, les lois sociales, le conditionnement linguistique, la lutte des classes, voire une référence camouflée à une certaine idée de la nature humaine.
Donc, plutôt que d'avoir des valeurs sans avouer lesquelles, je pense qu'il est préférable de s'interroger ouvertement sur le choix des valeurs.
Ne pas discriminer, c'est encore discriminer.
Ne pas juger, c'est encore juger.
Ne pas hiérarchiser, c'est encore hiérarchiser.
Ne pas conceptualiser, c'est encore conceptualiser.
Ne pas choisir, c'est encore choisir.
Donc, discriminons, jugeons, hiérarchisons, conceptualisons, choisissons bien, et honnêtement.
Il y a une vérité. Et plusieurs conceptions d'icelle. Mais il y a bien une vérité. Affirmer le contraire est ruineux, et lâche.
Cela n'implique pas que je suis d'accord avec Claude Guéant.
Pour commencer, je ne crois pas que le relativisme soit "de gauche". C'est un cliché répandu, mais inexact. En effet, ce relativisme est un ingrédient indispensable au consumérisme, et donc au libéralisme économique. "A chacun son opinion" : entendez "pas de valeurs", de normes, de références. C'est-à-dire des références qui changent sans cesse, des repères qui n'en sont pas. Des "ventes flash", de la "flexibilité", une règle de Lesbos en pleine canicule, en somme. Voilà, aussi, ce que permet le relativisme. Une politique de la déréglementation serait-elle possible sans les arguments relativistes ? Je ne le crois pas. Le libéralisme économique repose sur le relativisme. Du reste, Adam Smith n'était-il pas l'ami de David Hume, champion du pragmatisme anglo-saxon ? Il y a un lien logique, nécessaire, entre relativisme, libéralisme économique et consumérisme. "L'homme sans qualité" - sans vérité. La "cible" parfaite. Pas de nature propre - une croissance, une accumulation pendant des éons incalculables !
C'est pourquoi je crois aussi que la Droite ne pourra pas lutter contre les poussées religieuses qui menacent les libertés. Le multiculturalisme - branche du relativisme - est, lui aussi, indispensable au consumérisme, à la bonne marche des affaires. Voyez l'exemple anglais.
Et puis, que l'on ne vienne pas me dire que Guéant tient ces propos uniquement par conviction. Il y a bien sûr de l'opportunisme - rallier les électeurs des Droites extrêmes. Mais cela n'enlève rien à la validité de ce qu'il dit.
Enfin, je précise que je ne voterais pas pour notre cher Président. Mon poste a été supprimé voici trois ans, au début de son mandat. Il n'a depuis cessé d'être remis en question chaque année. Et en fin de mandat, voici que j'apprends que mon poste est de nouveau supprimé ! Des "postes fixes", notez bien. Flexibilité, déréglementation : relativisme. Et puis, il y a le Collège International de Philosophie. Il faut tout de même que j'en dise un mot. Fondé en 1983, il avait notamment pour vocation de permettre à des professeurs de philosophie du second degré de mener une recherche. Il y avait donc des décharges de service à mi-temps. En 2009, notre cher Président supprime tout cela (y compris les milliers de décharges pour des associations qui travaillaient à l'alphabétisation, à l'animation d'activités sportives, etc.), pour le remplacer par quelques détachements - un an ou deux seulement, et vous perdiez votre poste. Et puis, l'an dernier, après une procédure de sélection au sein du Collège et par des intervenants extérieurs, le Ministère (de l'Education) n'a pas daigné donner suite. Ou plutôt, on nous a promis une réponse avant le 20 juillet 2011. Nous attendons toujours... N'est-ce pas un peu beaucoup ? Certes, ce sont là des motifs personnels (mais qui touchent beaucoup de personnes, tout de même) ; quoi qu'il en soit je ne voterais pas pour Sarkozy.
Malgré ce contexte, les propos cités du Ministre me paraissent partiellement vrais, et ceux qui les qualifient de racistes jouent à un jeu dangereux.
Je ne sais pas ce qu'a voulu dire C Guéant, je ne l'ai pas lu...
RépondreSupprimerMais ce que vous dîtes sur le relativisme me paraît juste et important à penser.
Quand tout se vaut, plus rien de vaut...
Tout se vend et s'achète par contre , surtout si plus rien n'a de prix. Un vent nihiliste fait place net pour la marchandisation de toute forme de vie. L'éternalisme fanatique ne vaut pas mieux...
Les déclarations non- dualiste sont ambigües et dangereuses, comme Nagarjuna le soulignait en comparant l'approche de la notion de vacuité à celle d'un serpent (des Indes !). L'enseignement dans le dharma des deux vérités, que rappelait Jeepy , me semble absolument crucial pour penser le réel.
Quant à l'organisation de la vie commune en société la vérité relative (la loi de cause à effet, l'interdépendance, l'éthique , la discrimination entre le bien et le mal etc...) me semble bien suffisante .
Je ne sais pas si la pensée de la non-dualité a trouvé meilleurs application à ce jour que dans les droits de l'homme , l'égalité homme- femme par exemple ?
D'accord pour le fond, le problème est dans la forme - comme l'ont remarqué de nombreux commentateurs. Parce qu’on peut comprendre le terme « civilisation » de plusieurs manières.
RépondreSupprimerDoit-on parler de civilisation lorsqu'on parle d'esclavage ou autres faits de société violant les droits humains ? Ce genre d'actes ne sont-ils pas précisément caractérisés comme des actes barbares au sens de non civilisés ? Peut-on, par exemple, parler d'une civilisation du nazisme (comme le fait Arno Klarsfeld pour défendre Claude Guéant), sans faire de l'expression un contre-sens ?
« Mais surtout, la civilisation n'est-elle pas autre chose pour nous ? N'est-elle pas le culte de certaines valeurs spirituelles, unanimement admises par tous les hommes de bonne volonté ? N'est-elle pas ce respect du droit des peuples, sans lequel la vie internationale ne connaît plus qu'une loi : la loi de la jungle ? N'est-elle pas cette idée vivante dans la conscience des habitants d'un même pays, qui sont des citoyens et non pas des esclaves, cette croyance que l'homme a une certaine valeur, une certaine dignité, qui est, pour lui, toute sa raison de vivre ? Or, sous quelque aspect qu'on l'envisage, la civilisation apparaît comme niée, systématiquement méprisée et foulée aux pieds par les nazis. LE NAZI NE SE DEFINIT QUE PAR OPPOSITION AU CIVILISE. Il est une espèce de civilisé retourné ; en un mot, un barbare. »
Extraits de l'article « Nazisme et civilisation » paru dans le journal clandestin Défense de la France, n° 12, 20 mars 1942, numéro spécial sur lʼAllemagne.
http://www.crdp.ac-creteil.fr/cmsj/index.php/component/ressources/?task=view&id=101
Bref, toute cette querelle me semble avant tout reposer sur une question de définition (idem pour le terme de « culture »).
Elise :
RépondreSupprimerTout à fait d'accord. Distinguer et manipuler les deux vérités est un point crucial du bouddhisme et du Vedânta (qui a emprunté cet outil au dharma). Mais on ne peut enseigner la réalité que par les apparences, la vérité par l'erreur, le réel par les concepts, les mots. Pas facile !
Space :
Je crois que Guéant a employé le mot "civilisation" au sens large.
Dans l'article que vous citez, "civilisé" est employé comme synonyme de "moral". C'est un usage particulier et quelque peu désuet. Mais, en son acception la plus large, on parle de civilisation chrétienne ou hindoue, au sens de "culture". C'est un ensemble de valeurs et d'usages.
L'exemple du nazisme est extrême, mais intéressant. Peut-on parler d'une "civilisation nazie" ? Je ne le crois pas. Par contre, on peut se demander si le nazisme n'est pas l'un des fruits de la civilisation allemande. A côté de Maître Eckhart et Goethe : Hitler... Autrement dit, une civilisation est une culture complexe, si l'on prends comme référence, par exemple, les étapes de développement proposées par Ken Wilber (qui lui-même les a prises à d'autres). Il peut y avoir des civilisations avec des aspects barbares (comme le nazisme allemand), de même qu'un individu peut avoir des expériences "d'éveil" et rester grossier sur le plan moral, ou même régresser dans certains domaines. Par exemple, la civilisation turque du XVIIe siècle était raffinée sur le plan esthétique. Mais elle prospérait par les razzias (un aspect du djihad) et l'esclavage. Les cultures, comme les hommes, sont pétries de contradictions. Et, de même qu'il y a des stades de développement moral, il y a des degrés de développement culturel. La complexité de la notion de culture (=les contradictions, les névroses, si j'ose dire) ne doit pas empêcher l'effort de hiérarchisation , même si tout cela doit, bien sûr, être discuté, et non pas pris pour argent comptant.
Donc pour répondre : oui, une civilisation peut engendrer la barbarie, et l'intégrer pour perdurer et prospérer. L'esclavage a fait partie de presque toutes les civilisations, au moins jusqu'à l'époque moderne...
Si on réduit le terme de civilisation à celui de culture défini comme étant un ensemble de valeurs et d'usage, comment ne pas accepter l'expression "civilisation nazie" ? Le troisième reich (qui se voulait millénaire) avait tout cela : sa propre culture, ses propres valeurs (anti-démocratiques, ...) et usages. Pour y échapper ne faut-il pas remettre une dose éthique dans la bouteille ? On pourra alors parler du national-socialisme comme d'une "perversion" de certaines valeurs de la civilisation occidentale ou allemande (car l'anti-sémitisme, par exemple, composante du nazisme, n'a jamais été une exclusivité du peuple germanique).
RépondreSupprimerVous avez raison de souligner la complexité de la chose mais précisément, dans la mesure de cette complexité, la comparaison ne devra pas tant porter sur l'ensemble que sur les parties. En ce sens toutes les civilisations se valent : toutes sont composites, possédant à la fois des valeurs "authentiques" et "douteuses". Il n'y a donc pas de civilisation "pure" (exempt de scories), ou suffisamment, dont le destin serait de remplacer toutes les autres.(Comme les fondamentalistes de tout bord le fantasme). Si la civilisation moderne occidentale à produit de grands biens (démocratie, droits de l'homme, développement scientifique,...) elle a aussi crée de grands maux : pollutions les plus diverses, inégalités, exclusions, ... en raison notamment d'une tolérance imbécile envers les pouvoirs de l'argent. La forme ancienne de l'esclavage n'existe plus, soit, mais nous en avons créé de modernes (travailleurs pauvres, ...). Si on se met à noter les civilisations on peut être certains que chacun notera la sienne avec plus de triple A que celle du voisin. La comparaison qui fait sens ne peut porter que sur des aspects bien précis et non sur l'ensemble.
Donc la phrase de Guéant me semble bien pouvoir se lire de différentes manières.
C'est vrai, la chose est complexe. Et chacun voit midi à sa porte. Mais Guéant disait aussi (c'est un autre extrait rapporté sur Yahoo, si ma mémoire est bonne) que "une civilisation fondée sur la liberté et l'égalité est préférable à celles où règne l'oppression" notamment celle dont les femmes sont les victimes. En somme, il parlait des idéaux de civilisation. En droit, et non en fait (bien que les civilisations qui aspirent délibérément à réaliser un idéal de liberté sont probablement celles où il y a le plus de liberté). Ensuite, il est vrai que chaque civilisation comporte des aspects positifs et négatifs, etc. Qui irait dire le contraire ? Néanmoins, on peut juger une civilisation dans son ensemble aussi, selon ses idéaux. Par exemple, je puis porter un jugement critique sur la civilisation chrétienne, non seulement en me basant sur son histoire, sa capacité ou son impuissance à atteindre ses idéaux (l'esclavagisme, par exemple, voir "La conférence de Valladolid"), mais aussi en prenant pour objet ces idéaux eux-mêmes (qu'en est-il de la femme, du corps, de la chair ?). Ainsi, une personne qui n'aurait aucune connaissance historique de la civilisation hindoue pourrait tout de même porter des jugements sur elle, pourvu qu'il connaisse ses textes fondateurs. Mais sans doute théorie et pratique doivent être être considérée ensemble et en comparaison pour que le jugement soit plus pertinent.
RépondreSupprimerQuoi qu'il en soit, il est impossible de ne pas juger. Ainsi, quand vous dites que les civilisations ont tendance à être ethnocentriques, vous admettez implicitement que l'ethnocentrisme est inférieur à une vision plus large. En fait, on juge les cultures - comme tout le reste - d'après des critères. On ne peut y échapper.
Pour le nazisme, non, il s'agit plutôt d'une sous-culture. Mais peu importe : au fond, je voulais dire que l'on peut et donc que l'on doit juger, et que prétendre ne pas juger est une forme de lâcheté. On doit sans doute rapprocher mon argumentaire de celui de Sartre à propose de la liberté : nous sommes condamnés à être libres, à décider, à juger, à évaluer, pour le meilleur et pour le pire. Il faut donc l'assumer. Non ?
Il faudrait aussi distinguer relativité et relativisme.
Est-ce parce que toutes les civilisations ne se valent pas qu'il y a des civilisations meilleures que d'autres ?
RépondreSupprimerPeut-être est-ce là le fond du problème. Mr Guéant a-t-il voulu dire "factuellement" que les civilisations étaient ce qu'elles étaient comme il pourrait dire que son chat est roux et que celui de ses voisins est gris ou a-t-il voulu dire qu'il y avait des civilisations au-dessus des autres pour dire que son chat était mieux que celui de ses voisins ? En examinant les intérêts à affirmer de telles choses, nous pourrons certainement comprendre ce qu'à voulu dire Mr Guéant.
Si, on retient la première version, il n'y a pas grand chose à redire. Ok son chat est roux, celui de ses voisins est gris. Tout va bien. Il ne semble n'y avoir aucun intérêt à affirmer pareil propos. Après tout on s'en fiche de la couleur des chats !
Par contre, si on retient la seconde version, si il a voulu dire que son chat était mieux que celui de ses voisins, les choses se compliquent. En effet, il pourrait apparaître qu'il a affirmé cela pour flatter les propriétaires du chat dont il fait parti. L'intérêt est évidemment de gagner des voix en posant son parti comme garant d'une Vérité que son chat saurait mieux qu'un autre.
Etant donné le contexte, il semble évident que Mr Guéant ait avancé que toutes les civilisations ne se valent pas pour dire qu'il y en a de meilleures, notamment la sienne. De tels propos peuvent apparaître comme tout à fait dangereux, d'autant plus que la "supériorité" est affirmée à mots couverts. La position relativiste opposée l'est tout autant car elle refuse la distinction des couleurs. Quelle pauvreté politique si nous sommes contraints de choisir entre des fanatiques et des gens qui refusent de voir.
J'en reviens à ma première impression, le mot de civilisation me semble innaproprié. L'oppression relève du politique et non de la culture et pourra survenir dans n'importe quel pays. Par conséquent en condamnant l'oppression que condamne-t-on ? un régime politique et non une civilisation. Ou alors les mots n'ont plus de sens. En l'occurence le voile intégrale (l'exemple de Guéant) n'est pas constitutif de la civilisation islamique, il n'est mentionné ni dans le Coran ni dans les hadiths.
RépondreSupprimerL'essentiel n'est pas de juger ou de s'abstenir de porter des jugement, mais de bien ou mal les porter ou s'en abstenir. Un jugement à l'emporte-pièce n'a pas plus de valeur qu'une posture de non jugement. Les deux sont des impostures.
Je ne pense pas qu'une civilisation, puisse être fondée essentiellement sur des valeurs négatives (comme la peur, l'oppression, ...) c'est pourquoi l'expression "civilisation nazie" me semble impropre.
En portant un jugement sur la civilisation chrétienne à partir ses idéaux porte-t-on un jugement sur cette civilisation ou sur la compréhension que nous en avons ? "La femme, le corps et la chair" n'ont pas revêtu les mêmes significations tout au lond de l'histoire chrétienne, ou pour tous les auteurs qui ont nourri cette civilisation. Par exemple l'importance accordée à la Transfiguration (surtout dans l'orthodoxie) montre que la chair n'était pas du tout honteuse puisque susceptible de se métamorphosée en lumière.
On en revient à la complexité, pour ne pas tomber dans la caricature ne doit-on pas davantage rester sur les détails ?
Le Diable se cache dans les détails.
RépondreSupprimerVa-donc pour les détails !
Peut-on vraiment séparer politique et civilisation ?
Je ne le crois pas. Du moins, l'islam est justement fondé, entre autres principes, sur l'idée que la religion révélée par le Prophète enveloppe en droit tous les domaines : culture (art, coutumes) ET politique. De même, peut-on comprendre la démocratie sans connaître un peu l’histoire d’Athènes ?
D'autre part, vous dites que le voile intégral n'est mentionné ni dans le Coran, ni dans la Sunnah (la tradition orale du Prophète). Mais cette affaire de voile n'est qu'un prétexte pour exprimer des valeurs et une vision globale qui, elle, est bel et bien formulée dans la Révélation et la Tradition ! Guéant et les autres parlent du voile pour ne pas mentionner expressément l'islam, puisque toute critique de cette religion est aujourd'hui amalgamée à du racisme. Ceux qui font ainsi preuve d'esprit critique sont stigmatisés pour un oui ou pour un non, littéralement.
Le vrai débat porte sur l'islam, mais au vu de l'anti-intellectualisme ambiant et de la confusion qui règne dans les cœurs, cela est devenu presqu'impossible. Mais cette évaluation critique concerne également, quoique à des degrés moindres - justement - certains aspects de la civilisation hindoue, du bouddhisme, du christianisme, de l'Occident, du confucianisme, des droits de l'homme, et même du non-dualisme.
Mais il y a des degrés, des nuances, une hiérarchie. Complexe, mais nécessaire. La pensée nous aide à nous guider dans l'action en réduisant la complexité apparente à des schémas plus simples.
Ibn Arabi ou Abd El Kader ne peuvent compenser les aspects "négatifs".
De plus, je crois qu'il faut distinguer l'islam comme utopie, des cultures islamiques.
Et sur ce point, Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Guéant. Je vous rejoindrais donc, en un sens, pour distinguer culture et politique. Mais je parle plutôt du "projet" et de ses "réalisations", de l'essence et des accidents. Et, encore une fois, les deux sont inséparables dans le cas de l'islam. Je crois que l'utopie (l'idéal, le projet) est critiquable,plutôt que les cultures (résultats d'interactions complexes). C'est-à-dire l'islam lui-même dans son essence, dans son projet. Mais je fais la même distinction pour le christianisme. Tous les mystiques que je cite n'effacent pas l'ardoise de l'Inquisition, ni les aspects les plus discutables de l’Évangile. Cependant, toutes les utopies, religieuses et/politiques, ne sont pas également dangereuses.
D'où la hiérarchisation.
Pour ce qui est de la complexité des idéaux au motif qu'ils évoluent, je suis tout à fait d'accord dans le cas de l'hindouisme ou du catholicisme. Vu la taille et la diversité des corpus, c'est un point incontournable. Mais le cas de l'islam est différent : plus qu'aucune autre religion, il est fondé sur un seul texte et une tradition remarquablement homogène. L'islam est relativement simple. Relativement à la complexité de l'hindouisme. Ainsi, déterminer le statut de la femme dans le tantrisme est véritablement une affaire complexe, tant le corpus est vaste. Mais la chose est plus aisée dans le cas de l'islam, non ?
Pour finir, un détail. Vous mentionnez le dogme de la transfiguration en corps de lumière dans l'orthodoxie, mais ce dogme est aussi bien accepté par Rome. Lors de la Résurrection, tous les corps des bienheureux seront des corps de lumière, blanche et "transparente comme le cristal" (dixit le Bienheureux Ruysbroeck dans Le Royaume des Amants, dernière partie).
Donc nos positions ne sont pas si éloignées que cela. ;)
RépondreSupprimerLa Transfiguration est fêtée aussi en occident (c'est pourquoi j'ai écris "surtout..."), mais, comme vous le mentionnez, elle est vue davantage comme une préfiguration de ce qui arrivera lors de la Résurrection. En orient c'est le thème même de la déification qui peut advenir dès maintenant. L'équivalent chez les mystiques rhénans serait la naissance de Dieu (ou du Christ) dans l'âme.
Fascinant ! Aussi avec les commentaires qui suivent. "Vie spirituelle et vie devant les écrans", ce serait plus facile s'il n'y avait pas des informations fascinantes à dévorer sur internet, comme sur ce site.
RépondreSupprimerCa me rappelle une discussion au lycée avec une prof qui dénonçait l'excision et plusieurs d'entre nous avions rejeté son propos, non pas parce que nous n'étions pas d'accord avec elle sur l'idée de fond, mais parce que l'on entendait ses mots comme un positionnement supérieur propre à l'Occident.
Je suis pour le fait de débattre, mais que ce soit fait avec honnêteté. Peut-être que si cette prof avait dit cela tout en disant que l'Occident n'est pas non plus parfait et qu'il y a des choses à changer, à améliorer, on aurait pu l'entendre.
Cette phrase de cet homme peut paraître arrogante, d'autant plus avec le "pour nous". Et puis comme ça a été discuté ci-dessus, des hommes de toutes les civilisations pourraient la prononcer...
Ce serait merveilleux en politique des débats de fond, de bonne Foi, en prenant le temps d'échanger, en écoutant, en cherchant de vraies solutions.