Je lis la nouvelle traduction du Chöying Dzöd de Longchenpa par Keith Dowman.
Il n'y a pas l’auto-commentaire, mais la traduction est étonnante.
Quelques propositions de Dowman :
chos = expérience. Et surtout, ye shes = conscience
au présent.
Cette traduction du sanskrit jñāna en tibétain ye nas shes pa a toujours déconcerté les traducteurs. Que signifie "ye",
alors qu'il ne semble pas être présent dans l'original sanskrit ? On a rendu ye shes
par "sagesse primordiale", "prime sagesse", "connaissance
principielle", "timeless awareness", "primal gnosis", etc.
Or, selon Dowman, ye serait une onomatopée
comme "hé !", et désignerait le présent, le "maintenant". Dès
lors ye nas = "au présent" et
ye nas shes pa = conscience au présent,
ce qui colle avec les gloses de rig pa
par da lta'i shes pa, "conscience
au présent" dont j'avais parlé ici. C'est tout un corpus qui change ainsi de parfum. Cette conscience
au présent évoque des discours New Age, mais Dowman se défend de toute édulcoration.
Quoi qu'il en soit, la traduction
est remarquable.
Un verset au hasard :
La
vision suprême ne fait pas de différences en pratique,
Car
en réalité la rencontre directe avec l'essence est inévitable :
La
conscience née d'elle-même est la nature de l'esprit lumineux.
Inutile
de la chercher désespérément au loin.
Reste
simplement en toi-même. Tu ne la trouveras nulle part ailleurs.
Nous
savons que la réalité, telle le soleil,
Demeure
à jamais en son état naturel de claire lumière qui contient tout.
Confiant
en leurs efforts pour éclairer l'obscurité,
D'autres
essaient d'illuminer le soleil primordial :
Il
y a une vraie différence entre la vision causale et la vision suprême.
Je n'ai pas lu le livre de Dowman. Mais en me basant sur les précédents, c'est quelqu'un qui ose, qui explore, ce qui est bon pour la réflexion et le débat. Que demande le peuple ?
RépondreSupprimerJe sais que le Space et le présent ont le vent en poupe, mais si je comprends bien, l'espace et le présent se situent toujours dans une dimension spatio-temporelle, ne serait-ce qu'au niveau de notre représentation. Pour moi, le "ye" serait plutôt éternel dans le sens d'atemporel. Il désigne ce qui dépasse les trois temps (tout en y évoluant), y compris le présent. Car il ne s'agit pas de se limiter au présent (voir Michel Laroque). Un peu comme la dimension turya. Voilà la seule réserve que j'aurai au sujet de cette approche.
Sinon, on ne peut évidememnt pas tout traduire en français, comme c'est le cas pour les anglophones qui ont plus de moyens. Mais ce type de texte (chos dbyings mdzod, grub mtha' mdzod,...) sont indispensables, car ils feront avancer le schmilblick bouddhiste (et spirituel en général) en occident beaucoup plus que ces livres qui se répètent les uns les autres.
Oui. Dowman est encore plus radical cette fois-ci, semble-t-il. Même le chapitre dix où Longchenpa évoque les préceptes de trekchöd et thögäl ont, selon lui, comme un parfum de gradualisme ! Sans parler des allusions au bardo dans le dernier chapitre. Jamais, je crois aucun adepte formé dans la tradition n'avait été aussi loin dans la critique de la tradition.
RépondreSupprimerC'est aussi pourquoi j'ai été déçu par The Great Secret of Mind. Tulku Rigsal est sympatoche, mais fragile en sciences. Et puis il touille l'eau du dzogchen avec l'huile des Neufs Véhicules. Il remue vite et longtemps, mais c'est peine perdue... Dowman écrit d'ailleurs une intro étrange. Je suppute qu'il a traduit ce livre par politesse, ou parce qu'il avait besoin d'argent.
Bon courage pour tes traductions !