samedi 6 juin 2009

L'Illumination de l'Esprit - 5

Yogîs de la tradition Nâth, berceau du hathayoga. Dans un temple de Shiva non loin de Pashupatinâth



Deuxième stance : Comment toutes choses sont une libre création du Seigneur
Hommage à l’incarnation du Maître, à l’incarnation méridionale !
Comme un grand yogī, comme un magicien,
Il déploie ce monde selon son désir.
Ce monde existe d’abord comme la pousse dans la graine,
Sans représentation discursive.
Puis, la diversité merveilleuse des aspects, des temps et des lieux
Est l’œuvre de (sa) magie. 2
On considère que les effets, depuis la pousse jusqu’au fruit, « existent ».
Mais d’où viennent ces particules agencées dans les graines de banian ? 9[1]
Tous peuvent admettre que l’effet existe dans la cause.
Par conséquent, l’existence et l'apparaître (des choses) ne cessent jamais. 10[2]
(le reste du commentaire sur cette stance est une reprise critique des thèses du Nyāya)


[1] Première objection faite à la théorie Nyāya de la causation : il n’y a pas d’effet sans cause. Or, d’où viennent les particules, les atomes dont vous faites tout dériver ? Le fruit vient de la pousse, qui elle-même vient de la graine, qui elle-même vient des particules. Mais d’où viennent les particules ? Le Nyāya tombe dans l’extrême de la discontinuité entre la cause et l’effet. Il pose en effet une discontinuité radicale entre eux. Le Sāṃkhya, au contraire, tombe dans l’extrême de la continuité : l’effet n’est qu’une transformation de la cause (la « nature », prakṛtiḥ).
[2] Premier énoncé de la théorie Pratyabhijñā de la causation qui fait la synthèse des théories Nyāya et Sāṃkhya : tout existe toujours (il n’y a pas seulement discontinuité), mais de manière plus ou moins claire et distincte (il n’y a pas seulement continuité). Tout existe toujours en tant que pur Apparaître indifférencié. Cet Apparaître, cette Lumière qui est le Soi-Seigneur, se connaît toujours tout entier. Mais en vertu de sa liberté souveraine, il met en avant tel ou tel aspect, par exemple ce vase ou ce vêtement, etc. Ainsi, quand je vois cette table, je me vois moi-même tout entier, mais plus particulièrement en tant que cette table. Le « reste », à savoir les autres apparences possibles, innombrables, sont aussi présentes, mais de manière indifférenciée, et donc insaisissables par l’entendement et inutilisables à des fins pratiques. Par exemple, il y a là le numéro du prochain tirage du loto. Mais il n’apparaît « pas clairement » (asphuṭam). On peut alors se demander pourquoi il ne suffit pas de le désirer pour le voir apparaître distinctement ! Abhinavagupta répondrait sans doute que nous ne le désirons pas vraiment. En effet, la volonté individuelle n’est qu’une contraction de la volonté absolue, souveraine. Et cet élan créateur refuse que je gagne au loto. Autrement dit, moi Seigneur tout-puissant, je désir jouer à être moi, untel, et ce désir enveloppe un certain nombre de frustrations.

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