lundi 25 octobre 2010

Goûter l'intervalle

Mandala de Hevajra, monastère près de Leh, Ladakh 2008


La brève explication de la Doctrine

La brève explication de la Doctrine (Laghuvākyavṛtti) est un petit texte (18 stances) attribué à Śaṃkara. Mais ce titre et cet auteur sont sans doute des ajouts postérieurs à sa rédaction. Le contenu s'apparente au Traité pour la délivrance (Mokṣopāya, noyau du Yogavāsiṣṭha), composé au Cachemire vers 950, peut-être par Narasiṃha (le père d'Abhinavagupta ?), ministre du roi Yaśaskara, soit vers la même époque que Vāmana alias Vīranātha. La notion d'intervalle (madhya, antarāla) est importante dans les non dualismes cachemiriens, alors qu'elle est absente de l'œuvre de Śaṃkara. Son origine est sans doute à chercher du côté bouddhiste, peut-être du Yogācāra ?

Grossier, le corps est fait de chair.

Subtil, il est fait de désirs (vāsanā).

Ce dernier est également doué de pensée et de sensation (prāṇa),

Ainsi que des organes de connaissance et d'action. 1


L'ignorance (ou l'absence de connaissance, a-jñāna) est la cause.

La conscience est le Témoin.

Elle est ce qui manifeste (le corps dans ses dimensions subtiles et grossières).

Une apparence de la conscience est présente dans l'intellect,

Qui est (ainsi) l'agent des vertus et des péchés. 2


C'est lui qui transmigre sous l'effet des conséquences des actes (karma),

Sans trouver de repos dans les deux mondes (de l'ici-bas et de l'au-delà).

On doit distinguer (vivicyate) la pure conscience (de l'intellect, etc.)

Par un effort décisif (atyanta-). 3


Veille et rêve ne sont que

La caricature d'une illusion de conscience.

En revanche, quand ces deux états sont dissous

Dans l'état de sommeil profond,

Alors la conscience en sa pureté illumine l'inconscience (du sommeil profond). 4


Même dans l'état de veille,

Le silence de la pensée est

Une manifestation (de la conscience) en sa pureté.

Quant à l'activité mentale,

Elle est aussi mise en lumière par la conscience,

Imbibée de la lumière de la conscience. 5


De même que de l'eau échauffée par un feu

Est capable de chauffer le corps,

De même l'intellect illuminé par la conscience

Et infusé de sa lumière

Se montre capable d'illuminer les choses. 6



Les notions dualistes que sont les qualités et les défauts

(Projetées) sur les formes et autres (phénomènes)

Sont des créations mentales.

L'acte de conscience (citi)

Est ce qui illumine ces créations

En même temps que leurs objets. 7


L'acte de conscience absolu

Est distinct des formes,

Des qualités et des défauts.

Il anime les notions dualistes (projetées) sur les formes, les saveurs, etc. 8


Les notions dualistes (forgées) par l'entendement

Changent d'instant en instant.

Mais l'acte de conscience est présent dans ces constructions mentales

Comme le fil dans (un collier de) perles. 9


De même que le fil couvert de perles

Est aperçu entre (madhya) deux perles,

De même la conscience recouverte par les notions dualistes

Brille clairement entre deux constructions mentales. 10


Quand une pensée a cessé

La conscience sans pensées

Brille clairement

Tant qu'une autre pensée n'apparaît pas. 11


Ceux qui aspirent à l'expérience de l'absolu

Doivent s'exercer avec zèle

A l'arrêt d'une pensée

En progressant ainsi :

D'abord un instant, puis deux, puis trois. 12


Celui qui (pratique ainsi)

Est un individu quand il a des pensées.

Quand il est sans pensées, il est l'absolu.

C'est (aussi) cela qui est indiqué par la doctrine du

"Je suis l'absolu". 13


Cette conscience (recouverte) par les pensées,

C'est moi, l'unique absolu,

Sans pensées, évident.

Les pensées doivent être arrêtées par l'effort. 14


Si l'on peut arrêter toutes les pensées,

Alors c'est la parfaite contemplation (samādhi)

Si chère à ceux qui savent !

Si l'on en est incapable,

Alors on doit arrêter une pensée le temps d'un instant,

Confiant dans le fait que notre vraie nature est l'absolu. 15


L'être imprégné de (cette) confiance

Doit examiner sa vraie nature qui est l'absolu

A travers les activités mentales.

En effet, ayant d'abord perçu (notre vraie nature)

Conformément à la doctrine (selon laquelle notre vraie nature est l'absolu)

Nous devons nous exercer constamment, selon nos capacités. 16


Les sages savent que la pratique de l'absolu

Consiste à l'examiner, à en parler,

A s'y éveiller les uns par les autres,

Et à en faire son unique nécessaire. 17


Celui qui est aussi ferme

Dans sa contemplation de l'absolu

Que (l'homme ordinaire) l'est dans l'idée qu'il est son corps,

Celui-là a fait ce qu'il y a avait à faire,

Il est assurément délivré.

Peut importe alors où et comment il meurt. 18


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