Or, cette vision est belle et libératrice.
Mais elle est incomplète.
Car je vois bien que les choses, comme un nuage dans le ciel ou une voiture dans le paysage, passent dans le ciel lumineux que j'appelle "conscience".
Mais il est plus difficile de l'admettre pour ce qui est de l'ordre de l'affectif, comme les émotions.
L'émotion est un mouvement qui a sa source en moi.
Le désir aussi.
L'objet du désir, et la face extérieure de l'émotion, sont des objets, c'est vrai.
Mais le désir et l'émotion pris en leur jaillissement ne sont pas des objets, ils ne font qu'un avec la conscience, avec moi, avec l'espace conscient. Autrement dit
espace=conscience=émotion=désir
Si vous ne comprenez pas comment le désir n'est autre que la conscience pure, c'est parce que vous confondez le désir pur avec les objets du désir. En ce sens, il n'y a qu'un seul désir sans objet, comme il n'y a qu'une seule conscience sans objet. Mais nous les confondons et nous croyons qu'il y a "des" consciences et "des" désirs. Mais il n'y a qu'un seul désir, qui est la seule conscience, le seul être.
Prenons un exemple :
j'apprend qu'une injustice m'a été faite.
Je sens la colère monter.
Les aspects extérieurs de cette colère sont des objets qui apparaissent dans l'espace conscient que je suis, Témoin immuable de ces changements. C'est vrai. Les battements de mon cœur, la modification de mon timbre de voix, de ma posture, de mes gestes, de mon expression, les circonstances, sont des objets, c'est-à-dire des manifestations limitées dans l'espace et le temps, séparées des autres manifestations. A ce niveau, la dualité règne, dans l'espace de la conscience, certes, mais il y a bien dualité, c'est incontestable.
Mais que se passe-t-il si je prends cette émotion en sa source ?
Tandis que les objets apparaissent, je reviens à l'émotion pure, brute, nue. Cette émotion est-elle un objet ?
Je constate qu'elle n'est pas un objet.
Pourquoi ?
Parce que, à son niveau, il n'y a pas de dualité.
Il n'y a pas "la" colère que "je" ressens, mais une seule vibration, difficile à décrire, dans laquelle le "pourquoi" et le "comment" de la colère ne sont pas clairement différenciés. Autrement dit, la colère pure n'est pas vraiment une colère, mais plutôt une sorte d'ébullition sauvage, sans dualité. Ou une énergie pure, si vous préférez. "Pure" veut dire "sans dualité".
Il n'y a donc aucune distinction réelle à faire entre l'espace de la conscience et la vibration de l'émotion à l'état pur.
Si je sais cela, alors je peux l'expérimenter.
Quand la colère monte, au lieu de simplement observer ses aspects objectifs et superficiels, je plonge en sa source, comme un saumon, et je ne me retrouve pas seulement "Témoin", mais Source créatrice de tout.
Or, si je ne connais que la non-dualité comme posture de Témoin, je ne pourrais pas plonger ainsi.
Mais, me dira-t-on, la posture de Témoin n'est-elle pas suffisante ?
Cette posture - qui n'en est pas vraiment une, car la conscience est vraiment Témoin de tout ce qui arrive - ne suffira pas. Si je n'avais pas d'émotions, elle suffirait. Mais j'ai des émotions. Donc elle ne suffit pas.
Pourquoi ?
Parce que, toute mon attention étant fixée, au moment de la colère, sur ses aspects objectifs et superficiels, l'énergie sous-jacente continuera de jaillir. Et d'alimenter les aspects superficiels, objectifs, qui persisteront, même si je les "observe" avec intensité. Et le sentiment de perte de contrôle et de désagrément persistera...
Alors que si je plonge dans la Vibration créatrice, je plonge au niveau où la colère n'est plus colère, mais pure énergie, pure conscience, pure clarté, pure émotion sans objet, sans dualité. Et même, je dis que cette "vibration" (parce que c'est un mouvement immobile) amour. Et donc je me sentirai réellement mieux. C'est à ce niveau que le ressenti, autrement souvent trompeur, devient précieux et fiable. Dans ce jaillissement originel.
Evidemment, il faut aussi s'exercer avant les moments de colère. Se familiariser.
Mais la différence de ressenti entre 1) une simple posture de "je suis espace" et 2) ce plongeon dans la vibration nue de l'émotion prise en son jaillissement, est indubitable.
Donc, à côté et de et en complément à la "pratique" de l'espace consciente, il est bon, très bon, de pratiquer ce plongeon.
Au lieu de retourner mon attention vers moi,
je retourne mon intention vers moi.
Le retournement du désir complète
le retournement du regard.
Tel est l'apport du tantra non-duel, sa spécialité, si vous préférez.
Sur ce thème, j'animerai une conférence le vendredi 18 novembre 2016.
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Merci pour ce caillou blanc sur mon chemin
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