mercredi 30 avril 2025

Les mors du yoga : avidyâ, l'ignorance


 

Dans la plupart des traditions de l’Inde, l’ignorance est désignée comme la source de toutes les souffrances. Mais qui est ignorant ? Et que ignore-t-il ? Est-ce un simple manque de savoir ? Une illusion psychologique ? Une forme de péché originel ? Une erreur de perception ?

Le mot sanskrit avidyā, que l’on traduit le plus souvent par « ignorance », peut aussi être compris comme « inconnaissance » ou « non-savoir », c’est-à-dire absence de connaissance. C’est un mot féminin formé du préfixe privatif a- et de vidyā, qui signifie connaissance, science, issue de la racine vid, connaître, comprendre, apprendre. Ce préfixe privatif a- joue un rôle essentiel : il marque souvent la négation, mais pas nécessairement de manière péjorative. On le retrouve par exemple dans advaita, la non-dualité, qui ne signifie pas une absence ou un manque, mais un dépassement de la dualité.

Ainsi, avidyā désigne une ignorance profonde. Ce n’est pas simplement le fait de ne pas savoir quelque chose : c’est beaucoup plus radical. Il s’agit d’une méconnaissance essentielle, d’une illusion fondamentale sur la nature de la réalité. C’est une pseudo-connaissance fondée sur cette méconnaissance — c’est-à-dire tout ce que nous croyons savoir, y compris ce que nous savons de manière apparemment juste, car ce savoir est fondé sur une base erronée, partielle, mal orientée.

L’ignorance est parfois assimilée à ajñāna, la « non-science » ou encore à akṣati, la non-perception. Chaque école de pensée indienne, chaque tradition, a développé sa propre interprétation de cette ignorance fondamentale. Voici les principales théories :

Anyathâkhyâti : la perception autrement que ce qui est. L’ignorance consiste ici à percevoir autre chose que ce qui est réellement là. Par exemple, croire voir de l’argent alors qu’il n’y a que de la nacre. C’est la position des Mīmāṃsaka, tenants du ritualisme védique.

Ātmākhyâti : projection du soi. L’ignorance consiste ici à prendre une projection mentale pour une réalité indépendante, comme dans un rêve où l’on prend ses propres fabrications pour des faits objectifs. C’est la position de l’idéalisme bouddhiste : tout est comme un rêve, une projection que nous prenons pour une réalité.

Satkhyâti : perception du réel, mais de façon déformée ou incomplète. Selon cette théorie réaliste, même une erreur de perception repose sur quelque chose de réel. Si l’on voit une conque blanche comme jaune, c’est à cause d’un trouble visuel : la teinte jaune est projetée, mais la base réelle (la conque) reste présente.

Asatkhyâti : perception de l’irréel. Ici, l’ignorance consiste à prendre pour réel ce qui ne l’est pas du tout, comme l’eau d’un mirage. Il n’y a aucun substrat : tout est illusion, flottant dans le vide. C’est la position de la théorie bouddhique de la vacuité.

Akhyāti : ignorance comme non-distinction. Elle est l’incapacité à distinguer deux choses différentes. Par confusion, on prend la nacre pour de l’argent parce que les deux se ressemblent. C’est la théorie ancienne du Vedānta, notamment défendue par Śaṅkara.

Anirvacanīya-khyâti : perception indécidable. Selon cette approche subtile du Vedānta tardif, l’illusion ne peut être dite ni existante ni inexistante. Elle apparaît, mais lorsqu’on l’examine, elle disparaît. Comme le mirage qui, lorsqu’on s’en approche, révèle son inexistence. L’ignorance est alors une apparence sans réalité.

Apūrṇa-khyâti : ignorance comme perception incomplète. Elle consiste à percevoir des fragments de la réalité et à les prendre pour la totalité. C’est la fable des aveugles et de l’éléphant : chacun touche une partie de l’éléphant et croit qu’il s’agit du tout. C’est la théorie de la reconnaissance (pratyabhijñā) dans le śivaïsme du Cachemire, c’est-à-dire dans le Tantra.

Revenons maintenant à l’analyse de Śaṅkara à propos de l’ignorance. Pour Śaṅkara, le philosophe majeur du Vedānta advaita, avidyā est fondamentalement une confusion, une superposition (adhyāsa) : l’attribution des qualités de l’un à l’autre, du Soi (ātman) au non-Soi, et inversement.

Par exemple, lorsqu’une boule de verre est posée sur un tissu rouge, on croit que la boule est rouge. On confond les attributs du support avec ceux de l’objet posé dessus. De même, nous projetons les qualités du Soi — conscience, permanence, immédiateté — sur les pensées, les sensations. D’où l’illusion de l’ego : « je suis ceci », « je ressens cela », « je pense que… ». En réalité, selon le Vedānta, le corps, les pensées, les sensations ne sont que des objets. Mais nous confondons la conscience avec ces objets.

Et inversement, nous projetons les qualités du corps et du mental sur le Soi. Nous croyons que la conscience de la douleur est une conscience douloureuse, que je souffre. Mais pour le Vedānta, il y a simplement conscience d’un objet.

Le problème est que cette confusion suppose une ressemblance. Or, quoi de plus dissemblable que la conscience et le corps ? La conscience est transparente, immédiate, sans forme, alors que le corps est limité, opaque. Comment cette confusion est-elle possible ? Śaṅkara, suivant l’interprétation de son disciple Padmapāda, répond :

Cette confusion existe effectivement — il faut donc commencer par reconnaître son existence.

Elle peut concerner un objet et un non-objet, comme lorsqu’on confond le ciel bleu avec l’espace incolore. L’espace est la métaphore privilégiée de la conscience dans le Vedānta.

Cette confusion prend racine dans l’ego (ahaṅkāra), qui est un mélange, une hybridation de la conscience et des objets perçus (pensées, corps, monde extérieur). La pensée, en tant que forme mentalement éclairée par la conscience, rend possible la superposition entre le Soi et les pensées.

Ainsi, l’ignorance réside principalement dans le mental (manas), et plus précisément dans l’intellect (buddhi). Elle est intellectuelle, et seule une connaissance claire, rigoureuse, réfléchie, peut la dissiper.

L’ignorance est une erreur double : prendre le Soi pour le mental, et le mental pour le Soi. Cette confusion peut être corrigée par l’écoute (śravaṇa), la réflexion (manana) et la contemplation (nididhyāsana). L’écoute signifie l’étude, la lecture des enseignements du Vedānta ; la réflexion est la cogitation rationnelle ; et la contemplation est le prolongement de cette réflexion jusqu’à une vision directe et sans doute.

Le Vedānta, selon Śaṅkara, est donc une voie de guérison non pas ascétique, mais philosophique. C’est une thérapie du regard sur soi.

Cependant, la tradition du Vedānta a évolué. Padmapāda, disciple de Śaṅkara, propose une vision différente : l’ignorance devient une puissance cosmique appelée māyā, quasi-substantielle, dotée d’une forme d’existence. Dès lors, la simple réflexion ne suffit plus : il faut une réalisation, une pratique. Mandana Miśra introduit alors l’idée que le Vedānta ne mène qu’à une connaissance indirecte. Pour l’expérience directe du Soi, il faut une autre voie : le yoga, la méditation.

Vācaspatimiśra poursuit cette tendance en intégrant le yoga de Patañjali comme complément nécessaire au Vedānta. Celui-ci devient alors un simple préambule, une carte, et non le territoire lui-même.

Mais Śaṅkara avait expressément réfuté cette idée. Pour lui, le Vedānta suffit à réaliser la vérité ultime : la non-dualité du Soi et de l’Absolu. Rien d’autre n’est requis.

Enfin, le śivaïsme du Cachemire, courant tantrique non-dualiste, adopte une autre posture. Pour lui, l’ignorance n’est ni une erreur à corriger, ni une force cosmique. Elle est un jeu libre de la conscience avec elle-même. Car il n’y a rien d’autre que la conscience, qui est absolument libre. Elle est tellement libre qu’elle peut jouer à ne pas savoir. C’est ce que nous faisons à chaque instant.

L’Absolu, la conscience, joue à se prendre pour le corps, qu’elle projette en elle-même. Elle joue à s’identifier à ce corps, à ce monde, comme si elle ignorait qu’elle projette tout cela. Ce n’est pas une chute, mais un jeu, un līlā sacré. Certes, il y a chute en apparence, mais elle est librement voulue, comme lorsqu’on joue à se perdre pour mieux se retrouver. Le Soi rêve, se projette, pour ensuite se reconnaître. Il s’enveloppe dans les voiles du monde, pour savourer le geste de se réveiller et de se reconnaître comme source et âme de tout cela.

Dans cette perspective, l’ignorance n’est pas une faute, mais un jeu à reconnaître, auquel nous sommes appelés à participer. Et donc, pour le Tantra, au-delà de la connaissance (jñāna), il y a la bhakti, la dévotion. L’ignorance existe, mais elle s’enracine dans la liberté essentielle de la conscience. La conscience n’est pas un témoin passif : elle est liberté créatrice, śakti, qui joue à ne pas savoir ce qu’elle est vraiment.

mardi 29 avril 2025

Les mots du yoga : advaita, non-dualité



Aujourd'hui, la non-dualité connaît une popularité sans précédent depuis la mort de Papaji, alias Poonja, en 1997. Les éveillés et les satsang prolifèrent dans le monde entier, tissant comme une vaste toile un enseignement contemporain souvent présenté comme intemporel.


Curieusement, ce courant attire aussi des individus qui, tout en prétendant mépriser le savoir, exhibent une sorte d'ignorance revendiquée comme ultime subtilité — une posture où le refus du concept est parfois érigé en suprême sagesse, comme si le crétinisme devenait soudain clairvoyance spirituelle.


Pourtant, la plupart des idées véhiculées par ces cercles trouvent leur racine profonde dans la tradition indienne. Le terme non-dualité traduit le mot sanskrit advaita, construit du préfixe privatif a- et de dvaita, issu du numéral dvi signifiant deux. Il exprime donc littéralement l'absence de dualité, de division, de duplicité.


Il s'agit d'une théorie (vāda en sanskrit), d'un discours sur le réel qui a pour finalité à la fois mokṣa (la libération) et aussi parfois bhoga (le bonheur dans la vie). Ce terme possède des synonymes : advaya (non duel), abheda (non séparé), nirdvandva (sans couple de contraires).


En tant qu'épithète, advita peut aussi signifier sans second ou quelque chose comme sans rival et se décline en expressions telles que advitīya (sans second), anuttara (sans supérieur), asamā (sans pareil), apūrva (sans précédent).


Cependant, advaita n'a de sens que dans un contexte interprétatif, car dire que "cela n'est pas deux" implique de déterminer ce qui n'est pas deux, et pourquoi. Les réponses varient selon les traditions philosophiques. Voici quelques approches de la non-dualité :


Le Vedānta affirme que le Soi (ātman) et l'Absolu (Brahman) sont un et identiques ; le monde, le corps, le mental ne sont que des illusions (māyā).


Dans le Yogācāra, une philosophie bouddhiste, le sujet et l'objet ne font qu'un : l'objet est une projection du sujet, comme dans un rêve.


Dans le Tantra, le pur et l'impur sont considérés comme des constructions mentales, voire sociales.


Il existe d'autres déclinaisons :


Non-dualité des apparences et de la vacuité.

Non-dualité du vide et de la forme.

Non-dualité de l'inspiration et de l'expiration.

Non-dualité de la sagesse (prajñā) et de la compassion (karuṇā).

Non-dualité du chemin et du but.

Non-dualité du plaisir et de la douleur.

Non-dualité du corps et de l'univers, des amis et des ennemis, de l'intérieur et de l'extérieur, de la théorie et de la pratique, de l'absolu et du relatif, de la dualité et de l'unité, du rêve et de l'état de veille, de soi et d'autrui, de la méditation et de la vie quotidienne.


Mais quel est le sens de cette non-dualité ? Cela dépend.

Pour certains, elle signifie que l'un des deux pôles n'existe pas vraiment.


Pour le Vedānta, seul l'Absolu existe ; le monde est une illusion.


Le bouddhisme, au contraire, affirme l'absence d'unité réelle : tout est flux, rien n'a de substrat ; il n'y a aucune identité nulle part.


Ainsi, pour le Vedānta, il n'y a que l'Un, le multiple n'existe pas ; pour le bouddhisme, il n'y a que le multiple, l'Un n'existe pas.


Dans le śivaïsme, le monde est une manifestation de la conscience absolue ; il n'est pas séparé d'elle, puisqu'il en dépend pour exister.


Pour le Yogācāra, cette tradition bouddhiste, l'intérieur et l'extérieur partagent une même origine : l'esprit.


Dans le tantrisme, microcosme et macrocosme se reflètent mutuellement ; le corps et l'univers se correspondent.


Le yoga tantrique souligne la relativité de tous les opposés : il n'y a pas de gauche sans droite, pas de bas sans haut. Cela aussi est une sorte de non-dualité.


Par ailleurs, il existe plusieurs manières d'accéder à la non-dualité :


Par une expérience contemplative.

Par une intuition.

Par une transformation du corps.

Par la mort ou une expérience après la mort.

Par une méditation profonde.

Par une réflexion rigoureuse, en particulier dans le Vedānta.

Par un état atteint ou bien une simple évidence reconnue, comme dans la tradition de la Reconnaissance (pratyabhijñā).


Dans cette tradition philosophique que l'on trouve dans le Tantra, la non-dualité est une réconciliation des deux ennemis apparents : la dualité et la non-dualité. Ce n'est pas une position exclusive, mais un dépassement de l'opposition. Il y a à la fois dualité et non-dualité, et ces deux points de vue sont des expressions de la conscience universelle.


Certains affirment que la distinction même entre dualité et non-dualité est vaine, mais souvent cette contestation sert à promouvoir une autre version de la non-dualité présentée de manière différente.


En conclusion, nous pouvons dire que ce foisonnement d'interprétations montre bien que la non-dualité n'est ni un concept figé ni un absolu prêt à penser. Elle est un miroir, un point d'interrogation posé au cœur même de l'expérience.


Elle ne supprime pas la diversité des formes : elle les inscrit dans une seule et même réalité vivante.


Aujourd'hui, des bars de Bali aux studios de yoga de Paris, le mot "non-dualité" est brandi à tout propos. Il sert souvent d'étiquette chic, un peu comme "énergie", "intuition" ou "déconditionné".


Mais la dualité, elle, devient péjorative, synonyme d'intellect, de mental, voire même presque d'"occidental". Pourtant, sous la surface de ces modes, advaita demeure : le cœur battant des sagesses orientales.


Non pas une négation du deux, mais une invitation à reconnaître dans le deux la manifestation de l'Un, qui relie, qui unifie, qui anime sans exclure.


www.david-dubois.com

vendredi 25 avril 2025

L'hymne d'Ananta Shakti


 

En 1964, l'Université de Trivandrum, dans le Sud de l'Inde, a publié un hymne dont l'auteur semble être un certain Ananta-shakti (lien vers cette publication).

Or, il existe une autre oeuvre attribuée à un Ananta-shakti-pâda : le commentaire aux Vâtûla-nâtha-sûtra, lequel est une autre version de la Tradition secrète des Yoginîs (Chummâ-sampradâya), dont la traduction va paraître en juin prochain aux éditions Almora.

Je me propose donc ici d'examiner cet hymne.

1) L'édition de Trivandrum est basée sur un seul manuscrit de la bibliothèque de l'Université (C.O. 1278) mais dont la provenance n'est pas précisée. Or, nous savons que le Sud de l'Inde, et le Kerala en particulier, ont abrité de nombreux manuscrits de la tradition Krama. Dans cette vidéo, le professeur Alexis Sanderson évoque le cas d'une collection qui aurait disparue en 1907 suite à une crue. Par ailleurs, nous savons aujourd'hui qu'un Cachemirien, dont on ignore le nom, mais doté du titre de "Monsieur" (bhatta) serait venu au Kerala au XV7me siècle et aurait fait construire treize temples incarnant les douze Kâlîs du Cycle de la Conscience (samvit-krama), l'enseignement secret au coeur du Krama.

2) L'auteur de l'hymne semble être Ananta-shakti : anantaśaktikṛc cedaṃ stotraṃ "cet hymne est l'oeuvre d'Ananta-shakti.

3) Il comporte 104 versets dans divers mètres.

4) Il s'adresse à la Déesse Tripurâ, tradition Kaula qui intègre le Krama, par exemple dans le Mantra-rashmi-mâlâ, de même, d'ailleurs, que le culte de la Déesse Parâ seule.

5) L'hymne lui-même comporte des expressions typiques du commentaire d'Ananta-shakti aux Vâtûla-nâtha-sûtras, et typiques aussi de la Tradition secrète des Yoginîs. La langue du Krama est très particulière, comme l'avait relevé Kshemarâja. Voici un relevé de quelques unes de ces expressions :

Verset 1 : niruttara-camatkṛti-prasara-sāra-sambodhikā jayaty agama-jā : "Suprême est (cette Déesse) née de la Révélation, qui éveille l'essence qui flue d'un émerveillement absolu !"

Verset 4 : niruttara-icchobhaya-sāmarasyādyā mūrtir ādyā pravibhāti dīptā "Elle est la Lampe allumée depuis toujours, incarnation primordiale de la fusion du couple de l'Absolu et du Désir".

Verset 5 : sphurati niravakāśā śambhuśaktiḥ svatantrā "Libre, elle fulgure l'énergie de Shiva, sans interruption !"

Verset 41 : oḍḍiyāṇa-para-pīṭha-saṃśrayaṃ saṃśritā niravakāśa-dharmiṇī nirvikalpa-para-dhāma-cāriṇī yā kalā-mayām ahaṃ nato'smi tām "Je salue celle qui s'incarne dans le suprême sanctuaire d'Oddiyâna, (transmission) que rien n'interrompt, qui s'ébat dans le domaine transcendant de l'absence de pensées, qui (pourtant) déborde des énergies (de la pensée et des autres sens)."

Verset 53 : nirdhāma-dhāma-vibhatrā parameśa-dhāmni "Dans le domaine du Seigneur suprême, elle manifeste le domaine sans domaine (fixe)".

Verset 72 : prakāśatāṃ yāti nirākhya-rūpā yeyaṃ parā śaktir iha stumas tām "Nous saluons ici et maintenant cette suprême (Déesse) qui se manifeste comme Indicible".

Verste 76 : kāpy amitātra pūjā "L'adoration extraordinaire est ici sans limites."

Verset 86 : sadā bhakṣayan niravadhi-kramākramaiḥ "(Ce soleil de la Déesse) engloutit perpétuellement (par des illuminations) graduelles et soudaines, sans limites."

Verset 101 : vibhāti tāṃ naumi bhavābdhi-madhye pronmagna-jantūddharaṇaika-dīkṣām nirdhāma-dhāma-krama-viṣphuliṅga-prapūritāśeṣa-dig-antarālām "Je salue cette (Déesse) qui se manifeste au centre de l'océan de l'existence : elle est la seule initiation qui extrait les créature immergées (dans cet océan) ! Elle est présente dans l'espace remplit des étincelles de l'évolution du domaine sans domaine."

Verset 102 : kṛtam idam aniketa-dhyāna-sādhyaika-mūrter nirupama-nija-saṃvid-devatām āyayoccaiḥ "Cette (adoration) de l'Incarnation unique se réalise par une méditation sans demeure (fixe), adoration réalisée par les êtres excellents, adoration de la divinité qu'est notre conscience sans pareil !"

6) De plus, cet hymne est plein de détails de langage qui se retrouvent dans le commentaire aux Vâtûla-nâtha-sûtra et dans l'Elucidation de la tradition secrète des Yoginîs, attribué à Nishkriya-ânanda-nâtha (personnage qu'Ananta-shakti connaît). Du reste, le compilateur de cette Elucidation se qualifie d'ananta-shakti, "doué d'énergie infinies".

7) Néanmoins, cet hymne célèbre la Déesse Tripurâ, dont les savants s'accordent à dire qu'elle vient après, historiquement, la tradition du Krama.

8) Enfin, cet hymne est rempli d'expressions du "shivaïsme du Cachemire", comme par exemple svatantra, spanda, etc.

Mon hypothèse : rien de ferme, mais tous ces éléments sont troublants. Une possibilité : Ananta-shakti, auteur de cet hymne, pourrait aussi être l'auteur du commentaire aux Vâtûla-nâtha-sûtra. Dans ce cas, il serait sans doute du Sud de l'Inde et serait postérieur à la révélation de la tradition de Tripurâ, c'est-à-dire postérieur au XIèeme siècle. Il serait alors le compilateur de l'Elucidation de la tradition secrète des Yoginîs (Chummâ-saketa-prakâsha).

Quoi qu'il en soit, cet hymne est magnifique.

mardi 22 avril 2025

La Shakti qui fulgure dans le Coeur



 « Cette Splendeur primordiale (prabhā),

Tranquille par essence,

Se manifeste spontanément (svataḥ sphurati) [dans le Cœur],
[Elle qui est] mère des multiples lettres et mantras (vividha-mantra-varṇa-ambikā),
Porteuse en son sein des qualités d’équanimité (samata-guṇa-garbhiṇī).
Elle qui éveille la conscience suprême
Grâce à l’essence du déploiement de la merveille incomparable (niruttara-camatkṛti-prasara-sāra-sambodhikā),
Qu'elle triomphe, cette impérissable (avyayā),
Source de l'Enseignement (agama-jā),
La Triple Beauté manifestée sous trois formes (tridhā) ! »

Hymne d'Ananta-shakti, verset 1

Le 12 juin prochain devrait paraître Le Yoga de la Déesse, les enseignements de la Yoginî traduits pour la première fois.

Or, l'un des yogis de cette lignée est Ananta-shakati.

Les "trois formes" sont 1) la perception 2) l'imagination 3) l'oubli.

J'ai découvert l'hymne dont le premier verset est traduit ci-dessus, apparemment attribué à un certain Anata-shakti. J'ai bien conscience qu'il s'adresse à la Déesse Tripurâ.

Cependant 1) Il emploie des expressions propres à la tradition des Yoginîs (qui porte bien des noms : la tradition secrète, l'enseignement de la Déesse, la lignée de Kâlî, etc.) et 2) Pourquoi cet Ananta-shakti ne serait-il pas l'auteur du Commentaire aux Vâtûlanâtha-sûtras, inclus dans notre livre ?

Voici donc une nouvelle découverte extraordinaire qui, à tout le moins, m'illumine et que je voulais partager avec vous. Le chemin de la Yoginî est rempli de trésors sans prix, sans équivalents ailleurs. J'ai aussi besoin de vous pour transmettre et diffuser cette ancienne sagesse de la Yoginî.



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