mercredi 16 août 2017

Le jeu de la conscience - III

On dit que la souffrance vient de la croyance en la séparation. 
Or la séparation, c'est la différence, la dualité (bheda).
Mais d'où vient la dualité ?
Elle ne peut venir du mental, 
car le mental lui-même est un effet de la dualité ;
il n'existe pas avant la dualité ;
il ne peut donc en être la cause.
La dualité ne peut non plus venir de l'ignorance,
si l'on entend par là l'absence pure et simple
de conscience, 
car dans la pure et pleine conscience,
il ne saurait y avoir de pure inconscience,
puisque rien n'existe en dehors de la conscience
et en plus d'elle.


Alors ?
La dualité vient de la conscience elle-même.
Contrainte ou conditionnée par le mental, 
par l'ignorance ?
Non ! car il n'existe rien en dehors d'elle.
La seule hypothèse restante est donc que
c'est la conscience elle-même
qui se manifeste à elle-même
comme dualité, comme différence.
Elle joue à être autre,
à se prendre pour un autre (par exemple la matière),
puis à prendre cet autre, ou une partie de cet autre,
pour elle-même (par exemple, le corps).
Cette double erreur est librement assumée.
Par jeu. Gratuitement, "selon son désir",
comme dit ici Kshémarâdja.

De plus, ça n'est pas la conscience duelle,
(la croyance en la séparation) 
qui cause la souffrance,
mais plutôt le fait que cette conscience duelle
fait oublier la conscience de l'unité.
Or, unité et dualité sont compatibles,
comme nous l'apprend n'importe quelle expérience.
Je sais, par exemple, que mon corps
est fait de nombreuses parties différentes.
Cela ne m'empêche pas de savoir aussi
que ce corps est un tout unique. 
La souffrance, c'est quand la dualité cache l'unité,
ou bien quand l'unité cache la dualité.
Le bonheur, c'est réaliser que dualité et unité
ne sont pas incompatibles.
Ma conscience d'être un individu
n'est pas incompatible
avec ma conscience d'être le Tout.
C'est cela, être le "fond conscient",
comme sur un tableau,
où l'on peut voir à la fois les détails
et l'ensemble.
C'est la délivrance, définie comme réalisation
de la liberté de la conscience.
Qu'est-ce que la liberté ?
C'est être libre de la dualité
(pas conscient QUE de la dualité)
et de l'unité (pas conscient QUE de l'unité),
c'est être libre de passer à l'un,
sans perdre l'autre ;
c'est être libre du moi,
mais aussi, être libre d'être moi - tel individu singulier.
Cette liberté va au-delà de la délivrance,
car elle n'est pas simplement 
un affranchissement de toutes limites,
mais aussi un pouvoir de créer des limites,
de jouer avec.

Et donc, quand des pensées, des sensations, des souvenirs
ou des rêves me perturbent, échappent à "mon" contrôle,
c'est parce qu'ils viennent directement de la conscience,
de la conscience non identifiée à un individu.
C'est un point capital de la Reconnaissance,
qui explique que l'on y trouve guère de conseils
pour se "libérer" des pensées.
Tout ce qui va contre ma volonté individuelle
advient selon ma volonté transpersonnelle.
Donc je répète : ça n'est pas la croyance en la séparation
qui cause la souffrance. On peut avoir conscience d'être un individu tout en étant heureux, sans souffrances,
à condition que cette conscience (ou croyance)
"individuelle" ne cache pas entièrement
la conscience transpersonnelle.
Cependant, il est vrai que cette réalisation transpersonnelle
passe par la réalisation du caractère artificiel
de la personne (de la personnalité ?)
et la nature illusoire du libre-arbitre personnel.
D'un autre côté, une fois réalisé 
que la seule liberté est celle de la conscience transpersonnelle,
je réalise aussi que ma conscience individuelle
est la conscience universelle
qui joue librement à être personnelle.
Et donc, là encore, ces libertés ne se contredisent pas.

De plus, cette liberté individuelle
comporte des degrés.
Plus je (moi, conscience universelle) m'identifie (totalement)
à une personne limitée, moins j'ai de pouvoir.
Mais quand je réalise que ce ne suis pas seulement
cette personne, alors "je connais et je fais" tout
ce que je désire, "je" désignant la conscience universelle,
qui peut se réaliser entièrement
indépendamment des limites de la personne à laquelle
elle s'est d'abord identifiée complètement.

C'est ce que dit, en substance, ce verset du Jeu de la conscience :

C'est en son propre fond,
et selon son seul désir
qu'elle (la conscience) fait éclore toutes choses.
(Et ces mondes) sont variés selon

les différentes sortes de relation entre sujet et objet. 3

Chaque instant est une éclosion
de ce qui est toujours-déjà épanouit.

2 commentaires:

  1. bonjour,
    Excellent texte
    Merci

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  2. Un de vos plus beau texte.

    Texte de référence.

    Superbe résumé où l'essentiel est dit, simple sans simplification.

    Merci.

    RépondreSupprimer

Pas de commentaires anonymes, merci.

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