La spiritualité actuelle roule sur une lourde ambiguïté :
les appels à l'amour de "soi m'aime" résonnent partout.
Mais de quel Soi parle-t-on ?
Rare sont les esprits clairs à ce sujet.
On pourrait me répondre que le message des Oupanishads, qui sont la source originelle de l'idée du Soi, sont déjà porteuses de cette ambiguïté.
Mais paradoxalement, répondrai-je, l'ambiguïté s'y trouve exprimé plus clairement, en pleine connaissance de ce qui se joue.
Le Soi (âtman) est la plénitude (brahman). Mais ce centre de soi qui est le centre de tout est transcendant. Intime, il est lointain. Il n'est pas l'ego. On ne peut dire non plus qu'il soit impersonnel, au sens où ce serait une réalité de l'ordre du mécanique, de l'inerte, de l'indifférent. Mais c'est le Loin-Proche, comme dit Marguerite Porète.
Cette ambiguïté est aussi exprimée avec beauté par Outpaladéva :
Seigneur !
Certain errent dans leur moi,
dans un profond mal-être.
D'autres errent dans le Soi,
dans un profond bien-être !
(Hymnes à Shiva, X, 12)
Le paradoxe est évident dans ces deux vers sanskrits, quasi identiques, sauf pour leur conclusion.
Il y a aussi cet autre verset, anonyme, cité dans le Commentaire de la stance 56 de l'Essence de la vérité absolue, par Abhinava Goupta :
L'un dit "Il n'y a que moi !" [="je suis seul !"] :
ainsi cet individu souffre du violent poison de l'angoisse.
Un autre dit : "Il n'y a que moi ! Il n'y a personne d'autre que moi. Ainsi suis-je guéri de tout crainte !"
(Commentaire de Yogarâdja ad 58)
Bien sûr, l'individu renaît de cette mort.
Peu à peu, une autre vie se révèle, dans laquelle la personne devient vraiment unique en se libérant peu à peu des schémas mécaniques. Mais pour que cela soit possible, je crois que la distinction entre moi et Soi doit être claire.
Ainsi donc, la différence entre vie intérieure et nombrilisme est-elle infime.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pas de commentaires anonymes, merci.