Aujourd'hui, je sens la vie couler dans mes veines. A d'autres moments, je me sens abattu, voire dans la peine.
Or, il en ressort différentes philosophies.
Quand je me sens plein de force, je suis enclin au Tantra. Je dis oui aux instincts, oui à la vie. Tout est réel, tout manifeste la vérité, tout proclame l'élan primordial. J'ai alors envie de tout, je me sens généreux. Je me fous du bonheur, de la paix, de l'équilibre, de la "santé" même. Ce ressenti me rend généreux, au point que la mort et la souffrance ne sont rien, englouties comme paille dans un feu de canicule.
Quand je me sens abattu, je ne crois plus en rien, je me sens enclin à voir du mensonge en tout et j'ai envie de tout condamner au nom d'une "pure conscience" très abstraite. Un désir de paix s'empare de moi, qui n'est au fond qu'un élan destructeur. Je me réfugie dans la non-dualité, dans l'impersonnel, dans les écrans, dans le virtuel, dans les jeux, dans les séries, peu importe, pourvu que je fuis et que je puisse détester cette vie qui semble me quitter.
Il y a donc comme une bipolarité. Une "polarisation", comme on dit.
Cependant, vous observerez autre chose :
dans les deux états, malgré les différentes visions et valeurs qui en ressortent, j'ai "envie". Envie de créer, envie de détruire. Mais envie. En vie. Quoi qu'il arrive, en effet, la vie continue. L'élan demeure, indestructible, quelque soient ses effets.
Je ne peux refuser la vie. Si je la refuse, elle me détruit. Concrètement : si je déteste mes instinct, mes instincts me détestent. La vie semble alors se retourner contre elle-même. L'intelligence devient "le mental", le goût du sang devient obsession moralisante qui s'exprime, par exemple, dans des choix alimentaires extrêmes qui m'affaiblissent. Les maladies "auto-immunes" prolifèrent. La fécondité baisse. L'identité, la famille, le clan, l'ethnie, la hiérarchie (et donc les autres !) deviennent des ennemis. Et ceux qui ne souffrent pas ce poison sont jugés immoraux, barbares. Ceux qui ne veulent pas mourir sont jugés ennemis, à supprimer, à oublier. La vie entre en guerre contre la vie. C'est tout cela ce que nous voyons dans le monde aujourd'hui, et spécialement dans la "Vieille Europe". Bien sûr, il y a des îlots de résistance, de tous les bords politiques, du reste.
Bref, ce qui nous a permis d'arriver jusqu'à ce point de progrès, est désormais rejeté. Et toute cette puissance vitale qui nous a permis de survivre et de bien vivre, est détesté, condamné à longueur de vidéos, de pubs, de discours "spirituels", de séries, de films et de livres (pour ce qu'il en reste).
Mais si nous laissons nos instincts s'exprimer, l'humanité n'ira-t-elle pas à sa perte ? Peut-être. Mais faire la guerre à la vie ne nous permettra pas de continuer à vivre.
Alors, que faire ? Existe-t-il une troisième voie ?
Oui. La voie de la sublimation. De la transmutation du plomb en or. La voie de l'alchimie a toujours été la voie. La voie de la transformation du corps. Ni expression chaotique, ni répression (au nom du progrès, de l'"éthique", des "victimes", de la "bienveillance", etc.), mais œuvre. Opéra.
Cette œuvre, cette voie opérative, le Tantra la nomme vritti. "Opération". Plus précisément sâhasa-vritti : l'œuvre audacieuse. Le courage d'essayer la synthèse. Répétée, encore et encore, reprise et perfectionné.
Or, cela passe par le corps. La culture du corps. Mais une vraie culture, intégrale. Un corps qui pense. Une pensée incarnée. Une philosophie intégrale. Une philosophie en marche. Non une philosophie de l'esprit pur et éthéré. Une philosophie de l'esprit incarné. Et de ce qui va avec. L'environnement, le climat, la lumière, le paysage.
Voilà donc pourquoi je suis optimiste : je vois dans le soucis actuel du corps un regain de santé, de générosité, de grandeur d'âme. Être magnanime, c'est aussi danser, respirer. Je pense avec mon corps, en parlant, en marchant, en transpirant. Voilà aussi pourquoi le Tantra propose des actes. Chanter, faire vibrer le corps, l'immerger dans l'eau, le mettre face à un feu, le faire respirer, manger, boire, copuler. Qu'est-ce qui rend le corps plus fort ? Capable de plus ?
Mais attention : cette expansion continue sans fin ! La vie brûle jusque dans la vieillesse. Jusque dans l'agonie, jusque dans les saines larmes. Et jusque dans le sommeil profond, dans le vide, le sommeil. Car il existe un sommeil sain, bien sur. De sages siestes.
Le point est : grandit, croît, brûle, explose. Tremble, mais tremble d'extase. Vis. La Kundalini, c'est la vie. La vie qui coule. Ni une quête absurde d'une vie idéale, ni un puritanisme nourri par la haine de la vie. Notre état naturel. Svastho bhavatu : Demeure dans l'état naturel, et tu oubliera le "bonheur" et toutes ces idées déprimantes, culpabilisantes.
Plus : le but n'est pas la paix, mais l'harmonisation des forces en guerre. Et même plus que cela, mais pour le sentir, point besoin d'autre mots. Bref, en toutes choses : l'appétit, l'élan, la soif. Certains veulent l'éteindre dans un monde lisse, impersonnel. La rage égalitarisme a sa logique, qui conduit au néant. J'y vois un moment dans le cycle. Car cette énergie pervertie est un aspect de la totalité du mouvement qui est la vie.
Et cette totalité, cet élan absolu qui est la vie, je la ressens. Et alors, l'excitation est célébration. Le repos est admiration. Voilà l'éveil de la kundalini, et non pas une retraite anticipée. La méditation est bouillonnement, éveil au frémissement, guérison. Le vide n'est pas pour le vide. Le vide est pour le plein. Le rien est rien pour les choses. Shiva sans Shakti n'est qu'un cadavre indigne même d'une sépulture. Être canal, se faire vitrail, pour toutes les vagues.
Le Tantra ne prône pas d'idolâtrer la vie. Mais de brûler avec élégance. Amor tutti.
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