vendredi 7 mars 2025

A-t-on besoin d'un maître ?

 


A-t-on besoin d'un maître ? La réponse du Tantra en bref

L’image du gourou n’est pas brillante. Ce mot est devenu péjoratif, synonyme de charlatanisme, de manipulation et de scandales en tout genre. Il faut dire que les abus n’ont pas manqué depuis quelques décennies… depuis toujours, en fait. Car le pouvoir corrompt, tout simplement. Lorsqu’une personne détient du pouvoir, les tentations ne sont jamais loin. C’est une loi de la nature humaine, et rares sont ceux qui la transcendent – surtout ceux qui prétendent la transcender.

Faut-il pour autant renoncer à l’idéal du maître ?

J’ai eu beaucoup de gourous dans ma vie. Certains ont tenté de me manipuler, mais la plupart étaient des êtres droits et généreux. Ce qui est difficile dans la relation au maître, c’est de concilier la tête et le cœur. Quand on se laisse séduire, on devient aveugle. Et pourtant, le cœur est vital : sans émotion, rien ne bouge, rien ne change, aucune transformation n’est possible. Comment concilier émotion et lucidité ? Ce n’est pas facile. C’est un peu comme dans les relations amoureuses : vivre à la fois du cerveau gauche et du cerveau droit est un art qui s’apprend.

D’où l’importance d’une spiritualité qui affirme la complémentarité entre la connaissance et l’amour.

Si, dès le départ, on vous conditionne en vous disant que l’intellect est mauvais et qu’il faut s’abandonner aveuglément, la catastrophe n’est pas loin. Il existe plusieurs modèles de maîtres : à côté de l’avatar suprême et du culte de la personne, dont il faut se méfier, il y a l’ami, le guide, le conseiller, l’aîné, le frère, l’enseignant, l’instructeur, l’exemple, le partenaire de discussion, le maître artisan, l’expert.

Mais alors, que devient l’idéal de l’abandon inconditionnel, de la dissolution totale dans le maître ?

Cet idéal est bon et beau… à condition de ne pas s’adresser à la personne du maître, mais au maître vivant en nous-mêmes. Certes, cette lumière brille à travers une personne, mais dès que l’on se focalise uniquement sur elle, il y a projection – et la porte s’ouvre à tous les abus. Se donner entièrement à Krishna ? Très bien. Mais accorder une confiance aveugle à une personne qui prétend être Krishna, explicitement ou non ? Le danger est là.

Le véritable amour vit au fond de nous et n’attend que notre consentement. Pourtant, la tentation de projeter notre divinité intérieure sur un être extérieur est forte. C’est un jeu dangereux. J’ai rencontré tant de personnes qui pensaient pouvoir jouer avec le feu sans se brûler… Mais elles ont presque toutes été blessées et déçues.

Les projections psychologiques héritées de l’enfance et de nos ancêtres sont des forces qui nous dépassent. Génération après génération, les chercheurs l’apprennent à leurs dépens. Lorsqu’une personne a du charisme et de l’ascendant, il est très difficile de ne pas en devenir dépendant. Les promesses de liberté au bout du tunnel de l’obéissance sont bien souvent des pièges.

C’est comme en amour : il faut savoir à la fois ouvrir son cœur et garder raison. Il y a le coup de foudre, mais aussi les affinités profondes, celles qui se révèlent avec le temps.

En vérité, ce que nous cherchons est en nous. Il nous dépasse, mais il est en nous – caché dans nos sensations, nos émotions, nos pensées, au centre, au cœur, à la source. Trouver le maître, c’est répondre à l’appel, se souvenir et ainsi s’éveiller, réveiller le désir divin en nous – un amour qui répond à un amour.

Alors oui, le chercheur a besoin d’un maître… Mais qui est le chercheur ? Qui est le maître ?

Le maître est la vérité du chercheur. Le trouver, c’est se trouver. S’éveiller à ce qui, en nous, est plus vaste que nous. Dans ce rappel atemporel se révèle l’union, le yoga toujours déjà accompli, mais comme voilé par nos croyances, notre indifférence et notre manque d’attention.

Les maîtres extérieurs sont des guides temporaires qui doivent pointer vers le maître intérieur, éternel. Abhinavagupta, le grand maître du Tantra, conseille de questionner les maîtres comme une abeille butine de fleur en fleur. Mais le miel est à l’intérieur.

Le discernement est vital à l’amour, dit Advaita. Sinon, c’est l’impasse.

L’abandon, oui… Mais à qui ?

Au maître intérieur, à la déesse du cœur, à l’amour, à ce mystère insaisissable qui attend patiemment notre écoute.

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