dimanche 31 août 2025

La Yoginî grecque



Confidence : la tradition m'inspire. Et de plus en plus.

Laquelle ? 

Platon. Notre Moyen-Âge.

Dans "Le Banquet" (livre de Platon), Socrate transmet l'enseignement d'une grande Yoginî, appelée Diotime, "prophétesse honorée par Dieu" (Diotíma hē Mantinikḕ).

Elle nous apprend à apprendre en nous montrant l'échelle de l'amour, car Amour (τὰ ἐρωτικά) est l'âme de toute transmission :

- d’abord l’amour d’un beau corps,

- puis de tous les beaux corps,

- puis des belles âmes,

- puis des lois, des institutions, des sciences,

- enfin la contemplation du Beau en soi (à l'intérieur de soi) et aussi, absolu, complet, "à pur et à plein" (comme dirait Jean de Saint-Samson).

À chaque étape, la transmission s’affine : de l’attachement sensible à l’engendrement de pensées de plus en plus universelles, jusqu’à la révélation d’une vérité qui n’est plus conditionnée par un maître, ni par un objet, mais se manifeste directement à l’âme qui contemple.

L'ego s'ouvre, le désir s'ouvre, guidé vers l'absolu, sa source.

Diotime parle d’un chemin qui s’élève comme une échelle invisible.

Tout commence par l’éclat d’un seul corps, la beauté fragile qui captive le regard et fait naître le désir. Déjà, ce désir charnel nous pousse à nous transcender.

Puis le cœur comprend : cette beauté n’appartient pas à l’unique, elle se répand dans tous les corps, comme une lumière partagée.

Alors le regard s’affine encore et découvre la splendeur des âmes, leur profondeur, leur bonté, leur feu secret.

Plus haut encore, l’esprit s’attache à la beauté des œuvres humaines : lois, cités, savoirs — tout ce qui relie et structure la vie commune.

Et un jour, au sommet, l’âme entrevoit le Beau lui-même, sans forme, sans support, source pure de toute beauté.

À chaque étape, quelque chose se transforme : le désir se dépouille, il s’élargit, il devient plus subtil.

Ce n’est plus une attirance qui saisit, mais une fécondité : des pensées, des intuitions, des visions universelles naissent et se transmettent comme des enfants de l’âme.

Jusqu’au moment où la vérité cesse d’être donnée par un autre : elle s’ouvre d’elle-même, comme une évidence, dans l’espace silencieux de la contemplation.

Le maître, alors, n’est qu’un compagnon de route.

Il ne transmet pas une possession, il n’offre pas une réponse toute faite.

Il veille seulement à orienter le désir, à maintenir vivante la flamme.

Car c’est Éros lui-même qui instruit, Éros qui engendre, Éros qui conduit au dévoilement.

Et lorsque le cœur s’ouvre, la vérité n’est plus reçue du dehors : elle jaillit comme une source, au-dedans de l’âme qui contemple.

Cet enseignement est au coeur de ma vie depuis un quart de siècle.

J'ai eu l'honneur et la joie de le partager avec des centaines d'élèves. Je porte le projet d'écrire un livre, basé sur l'enseignement oral de Diotime. Il ferait résonner ensemble les transmissions des Yoginîs d'Orient et d'Occident.

A l'occasion de cette rentrée, je souhaite le meilleur, beaucoup de réussite et de passion, à mes collègues enseignants, dont mes amis philosophes José Leroy et Serge Durand qui, chacun à leur manière sont pour moi des modèles de probité et d'intelligence pédagogique.

Une pensée aussi pour mes maîtres de philosophie qui nous ont quitté, dont François Chenet, âme pure et enflammée de sages désirs.

vendredi 22 août 2025

La triple Kundalinî



 Asseyez-vous bien droit, comme si vous étiez suspendu à un fil.


Quand vous ne faites pas attention du tout à votre respiration,

c'est Shakti Kundalinî, l'énergie endormie, à l'état potentiel.


Maintenant, savourez le va et vient de l'air dans les narines, l'expansion et la contraction du ventre :

c'est Prâna Kundalinî, l'énergie d'incarnation.


Et à présent, goûtez la fin de chaque expir, quand il ne reste plus rien :

c'est Parâ Kundalinî, l'énergie de transcendance.

jeudi 21 août 2025

Architecture spirituelle


 

En Occident :

Base éthique - connaissance - maîtrise de soi - masculin - stoïcisme

Voie philosophique - penser transcendant - masculin et féminin - platonisme

Fruition mystique - amour - abandon de soi - féminin - christianisme

En Orient :

Base éthique - s'ajuster à l'ordre divin - dharma

Voie philosophique - reconnaître le divin en soi - pratyabhijnâ

Fruit mystique - aimer l'Amour - bhakti

samedi 2 août 2025

Pourquoi nos pratiques spirituelles ne marchent pas ?




 Voici un enseignement des plus actuels. Sous une apparence désuète (il semble parler de religion), il s'adresse à nous - il suffit de transposer les choses, de changer quelques mots :

"Certains hommes reçoivent les dons de Dieu
comme ses serviteurs mercenaires,
et certains autres comme des serviteurs confiants.

Et ils s'opposent en toutes leurs œuvres intérieures,
c'est-à-dire en leur façon d'aimer et en leurs intentions,
en leur façon de sentir
et en tous leurs exercices de vie intérieure.

Ici, fais attention :
Tous les hommes qui s'aiment eux-mêmes
avec tant de désordre
qu'ils ne veulent pas servir Dieu
autrement que pour leur propre profit
et pour leur propre salaire,
se séparent de Dieu,
renoncent à la liberté
et se rendent esclaves,
car ils se cherchent eux-mêmes
et sont leur propre but en toutes leurs oeuvres.

Et c'est pourquoi, avec toutes leurs prières
et avec toutes leurs bonne soeuvres,
ils recherchent des choses temporelles
ou des choses éternelles
qu'ils choisissent pour leur commodité
et pour leur propre utilité.

Ces gens-là sont repliés sur eux-mêmes
de façon désordonnée,
et c'est pourquoi ils sont toujours seuls avec eux-mêmes,
car il leur manque l'amour vrai
qui devrait les unir à Dieu
et à tous ceux qu'il aime.

Et s'ils paraissent observer la loi et les commandements de Dieu
et de la Sainte Eglise,
ils n'observent pas la loi de l'amour,
car tout ce qu'ils font,
ils le font par nécessité,
et non par amour,
afin de ne pas être damnés.

Et parce qu'ils sont intérieurement infidèles,
ils n'osent pas faire confiance à Dieu,
mais toute leur vie intérieure est hésitation et peur,
peine et misère.
Car ils voient la vie éternelle
du côté droit
et ils craignent de la perdre,
et ils voient la peine de l'enfer
du côté gauche
et ils craignent de la recevoir.

Toute la prière,
et tout le travail,
et toutes les bonnes oeuvres qu'ils peuvent faire
pour repousser cette crainte,
cela ne les aide pas,
car plus ils s'aiment eux-mêmes avec désordre,
plus ils redoutent l'enfer.

Et en cela, tu peux remarquer que la crainte de l'enfer
vient de l'amour propre
qu'ils ont pour eux-mêmes."

Ruusbroec, La Pierre Brillante
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