Confidence : la tradition m'inspire. Et de plus en plus.
Laquelle ?
Platon. Notre Moyen-Âge.
Dans "Le Banquet" (livre de Platon), Socrate transmet l'enseignement d'une grande Yoginî, appelée Diotime, "prophétesse honorée par Dieu" (Diotíma hē Mantinikḕ).
Elle nous apprend à apprendre en nous montrant l'échelle de l'amour, car Amour (τὰ ἐρωτικά) est l'âme de toute transmission :
- d’abord l’amour d’un beau corps,
- puis de tous les beaux corps,
- puis des belles âmes,
- puis des lois, des institutions, des sciences,
- enfin la contemplation du Beau en soi (à l'intérieur de soi) et aussi, absolu, complet, "à pur et à plein" (comme dirait Jean de Saint-Samson).
À chaque étape, la transmission s’affine : de l’attachement sensible à l’engendrement de pensées de plus en plus universelles, jusqu’à la révélation d’une vérité qui n’est plus conditionnée par un maître, ni par un objet, mais se manifeste directement à l’âme qui contemple.
L'ego s'ouvre, le désir s'ouvre, guidé vers l'absolu, sa source.
Diotime parle d’un chemin qui s’élève comme une échelle invisible.
Tout commence par l’éclat d’un seul corps, la beauté fragile qui captive le regard et fait naître le désir. Déjà, ce désir charnel nous pousse à nous transcender.
Puis le cœur comprend : cette beauté n’appartient pas à l’unique, elle se répand dans tous les corps, comme une lumière partagée.
Alors le regard s’affine encore et découvre la splendeur des âmes, leur profondeur, leur bonté, leur feu secret.
Plus haut encore, l’esprit s’attache à la beauté des œuvres humaines : lois, cités, savoirs — tout ce qui relie et structure la vie commune.
Et un jour, au sommet, l’âme entrevoit le Beau lui-même, sans forme, sans support, source pure de toute beauté.
À chaque étape, quelque chose se transforme : le désir se dépouille, il s’élargit, il devient plus subtil.
Ce n’est plus une attirance qui saisit, mais une fécondité : des pensées, des intuitions, des visions universelles naissent et se transmettent comme des enfants de l’âme.
Jusqu’au moment où la vérité cesse d’être donnée par un autre : elle s’ouvre d’elle-même, comme une évidence, dans l’espace silencieux de la contemplation.
Le maître, alors, n’est qu’un compagnon de route.
Il ne transmet pas une possession, il n’offre pas une réponse toute faite.
Il veille seulement à orienter le désir, à maintenir vivante la flamme.
Car c’est Éros lui-même qui instruit, Éros qui engendre, Éros qui conduit au dévoilement.
Et lorsque le cœur s’ouvre, la vérité n’est plus reçue du dehors : elle jaillit comme une source, au-dedans de l’âme qui contemple.
Cet enseignement est au coeur de ma vie depuis un quart de siècle.
J'ai eu l'honneur et la joie de le partager avec des centaines d'élèves. Je porte le projet d'écrire un livre, basé sur l'enseignement oral de Diotime. Il ferait résonner ensemble les transmissions des Yoginîs d'Orient et d'Occident.
A l'occasion de cette rentrée, je souhaite le meilleur, beaucoup de réussite et de passion, à mes collègues enseignants, dont mes amis philosophes José Leroy et Serge Durand qui, chacun à leur manière sont pour moi des modèles de probité et d'intelligence pédagogique.
Une pensée aussi pour mes maîtres de philosophie qui nous ont quitté, dont François Chenet, âme pure et enflammée de sages désirs.