Il arrive que les chiens soient les instruments de la plus haute Providence. Prenez Rousseau, ce rêveur-promeneur-solitaire. Le jeudi 24 octobre 1776, il se prit un chien en pleine absence-de-face. Littéralement. Il décrit ainsi son réveil en forme d'éveil à je-ne-sais-quoi :
La nuit s'avançait. J'aperçus le ciel, quelques étoiles et un peu de verdure.
Cette première sensation fût un moment délicieux. Je ne me sentais encore que par là. Je naissais dans cet instant de la vie, et il me semblait que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j'apercevais. Tout entier au moment présent je ne me souvenais de rien ; je n'avais nulle notion distincte de mon individu, pas la moindre idée de ce qui venait de m'arriver ; je ne savais ni qui j'étais, ni où j'étais ; je ne sentais ni mal, ni crainte, ni inquiétude. Je voyais couler mon sang comme j'aurais vu couler un ruisseau, sans songer seulement que ce sang m'appartînt en aucune sorte. Je sentais dans tout mon être un calme ravissant auquel, chaque fois que je me le rappelle, je ne trouve rien de comparable dans toute l'activité des plaisirs connus.
Cette première sensation fût un moment délicieux. Je ne me sentais encore que par là. Je naissais dans cet instant de la vie, et il me semblait que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j'apercevais. Tout entier au moment présent je ne me souvenais de rien ; je n'avais nulle notion distincte de mon individu, pas la moindre idée de ce qui venait de m'arriver ; je ne savais ni qui j'étais, ni où j'étais ; je ne sentais ni mal, ni crainte, ni inquiétude. Je voyais couler mon sang comme j'aurais vu couler un ruisseau, sans songer seulement que ce sang m'appartînt en aucune sorte. Je sentais dans tout mon être un calme ravissant auquel, chaque fois que je me le rappelle, je ne trouve rien de comparable dans toute l'activité des plaisirs connus.
Rêveries du promeneur solitaire, Pléiade, p. 661
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