Une stance du Vijnâna Bhairava Tantra (un recueil d'instructions pour reconnaître notre vraie nature) avec ses deux commentaires traditionnels. Le premier est de Shiva Upâdhyâya, un adepte du XVIIe siècle. Le second, peut-être de la même époque, est plutôt dans la ligne du Yoga Vâsishtha, un immense texte non dualiste composé au Cachemire vers 950. Traduit du sanskrit :
L’état de Bhairava est un champ (de conscience) partout
présent,
Même dans les (gens) du commun.
Quand on (médite) ainsi qu’il n’y a rien d’autre
En plus et au-dessus de lui, c’est la compréhension non
duelle.
L'Explication de Shiva Upâdhyâya :
L’état de Bhairava est partout présent,
en tous les lieux de l’espace. Notre véritable nature est le sujet de l’expérience.
Elle n’est pas vide de (tout) objet connaissable comme le (Soi) des
Bouddhistes, par exemple. On doit comprendre que ce champ enveloppe aussi bien
les gens du commun privés de discernement – tous les sujets connaissant, tels
que « ceux qui sont doués de toutes leurs facultés », « ceux qui
sont sans facultés durant une dissolution cosmique » et les autres. On
doit prendre conscience que, chez tous ceux-là, le « je » fulgure en
toute évidence comme « je connais » et « j’agis ». Il n’y a
donc personne d’autre que Bhairava. Telle est l’unité de la prise de conscience
« je ». (En effet), le Seigneur suprême se présente comme
« je ». Mais contrairement (à ce que l’on s’imagine habituellement à
propos du Seigneur), il est parfaitement évident. A quoi bon les trois sortes
de méthodes, par exemple celle de l’individu ? Car il ne convient pas de
chercher un moyen (pour connaître) ce qui est (déjà) plus que manifeste !
Ce qui est dit ici :
Le filet des méthodes ne peut manifester Śiva.
A quoi bon illuminer le soleil aux mille feux avec une
bougie ?
Celui qui reconnaît « c’est ainsi », d’un regard
intense,
Celui-là s’absorbe dès lors spontanément en la Lumière
conscience, Śiva.
La Lumière
de la conscience[1] dit de même :
Il est clair que
Ceux qui déploient des méthodes
(Pour te connaître) ne te trouverons pas,
(Car) tu es partout évident (puisque) tu es l’être du
devenir, immédiatement présent.
Et aussi dans le Florilège de la plus haute vérité[2] :
Celui que connaissent même les sots,
Celui que reconnaissent même les porteurs d’eau,
C’est à lui que revient l’hommage.
Pour qui donc n’est-il pas évident, ce Seigneur du tout[3] !
Et même la Révélation le dit :
Même les bergers le voient,
Même les porteurs d’eau :
Il fait la joie de toutes les créatures de l’univers
Qui le voient.
Le Clair de lune de la félicité, par Ânanda :
C'est comme le spectacle merveilleux
D'une cité, un village, etc. reflétés dans un miroir.
Ils semblent séparés les uns des autres et du miroir
également,
Alors qu'il n'y a pas de différenciation.
Selon ce passage et d'autres, dans tous
les mots et les choses, extérieurs ou intérieurs, toujours et partout, le
phénomène (désigné par le nom) "Bhairava" est évident. Rien n'existe
en dehors ou au-dessus de lui. Une fois que l'on a atteint cette cette
conscience, c'est la connaissance de la non-dualité, la compréhension
par-delà toute dualité. Car en effet, s'il y avait quelque chose en dehors de
(Bhairava) et (comme) au-dessus de lui, alors (cette chose) ne pourrait absolument
pas se manifester !
[1]
Saṃvit-prakāśa de Vāmana, un hymne à
Viṣṇu selon une perspective non dualiste.
[2]
Maha-artha-mañjarī de Maheśvara, un poème sur l’enseignement du Kālī-krama,
avec un auto-commentaire. Le poème a été traduit, ainsi que des extraits du
commentaire, par Lilian Silburn.
[3]
Kula-nātha : seigneur du corps, seigneur des énergies vitales symbolisées
par les yoginīs.
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