Ecouter de la musique dhrupad, c'est faire l'expérience de cette liberté qui est la vie elle-même
(jīvan-mukti). Le point-clef
est l'absorption dans "le premier instant du désir" (prathamā-tuṭi).
Quand
l'esprit est occupé et qu'il est soudain interrompu par un bruit, un choc, un
souvenir ("Mince, j'ai oublié le gâteau dans le four" !) ou quoi que
ce soit, il y a une interruption de la conscience ordinaire. Un éclatement, une
éclosion, un éveil, un moment atemporel de pure présence, de conscience de soi
sans aucun objet, sans limites ; mais qui enveloppe en lui-même toutes les
expériences possibles. Ou encore, quand on écoute la musique de la rudra-vīṇā
ci-dessous, on reconnaît l'intention, l'élan sous-jacent aux mouvements du son.
L'action, quelque soit sa complexité, est le
déploiement d'un seul désir. Ensuite, on peut reconnaître cette même volonté
dans n'importe quelle action - quand je cuisine, quand je parle, quand je marche
- c'est le déploiement d'une seule conscience-en-acte. L'idée que tout est créé
par la conscience devient alors une expérience vivante.
Voici comment le maître du fondateur de la philosophie
de la Reconnaissance (pratyabhijnā) décrivait le premier
instant du désir :
"Grâce à la dilatation de la joie (que l'on
éprouve) face à la majesté débordante qui est la nature (même) de la conscience,
il y a un moment où l'on "se tourne vers" (la manifestation à venir contenue
en soi). Cela, c'est "être la conscience", c'est le premier instant du
désir, au moment de l'ébranlement de ces créations variées qui composent
des tableaux merveilleux.
Or ce (premier instant) peut être perçu dans le cœur au
moment où l'on se souvient (soudainement) d'une chose que l'on doit faire, au moment
d'une nouvelle réjouissante, à l'instant d'un spectacle effrayant, au moment d'une
vision imprévue, au moment de l'orgasme ou quand on en parle[1], quand
on parle (vite) et quand on coure. En toutes ces circonstances sans exception, il
y a une excitation de toutes les énergies."
Somānanda,
La vision de Śiva, I, 7b-11a
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