samedi 2 juin 2012

Le "premier instant" : qu'est-ce que c'est ?


Ecouter de la musique dhrupad, c'est faire l'expérience de cette liberté qui est la vie elle-même (jīvan-mukti). Le point-clef est l'absorption dans "le premier instant du désir" (prathamā-tuṭi).
Quand l'esprit est occupé et qu'il est soudain interrompu par un bruit, un choc, un souvenir ("Mince, j'ai oublié le gâteau dans le four" !) ou quoi que ce soit, il y a une interruption de la conscience ordinaire. Un éclatement, une éclosion, un éveil, un moment atemporel de pure présence, de conscience de soi sans aucun objet, sans limites ; mais qui enveloppe en lui-même toutes les expériences possibles. Ou encore, quand on écoute la musique de la rudra-vīṇā ci-dessous, on reconnaît l'intention, l'élan sous-jacent aux mouvements du son.  L'action, quelque soit sa complexité, est le déploiement d'un seul désir. Ensuite, on peut reconnaître cette même volonté dans n'importe quelle action - quand je cuisine, quand je parle, quand je marche - c'est le déploiement d'une seule conscience-en-acte. L'idée que tout est créé par la conscience devient alors une expérience vivante.

Voici comment le maître du fondateur de la philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnā) décrivait le premier instant du désir :

"Grâce à la dilatation de la joie (que l'on éprouve) face à la majesté débordante qui est la nature (même) de la conscience, il y a un moment où l'on "se tourne vers" (la manifestation à venir contenue en soi). Cela, c'est "être la conscience", c'est le premier instant du désir, au moment de l'ébranlement de ces créations variées qui composent des tableaux merveilleux.
Or ce (premier instant) peut être perçu dans le cœur au moment où l'on se souvient (soudainement) d'une chose que l'on doit faire, au moment d'une nouvelle réjouissante, à l'instant d'un spectacle effrayant, au moment d'une vision imprévue, au moment de l'orgasme ou quand on en parle[1], quand on parle (vite) et quand on coure. En toutes ces circonstances sans exception, il y a une excitation de toutes les énergies."

Somānanda, La vision de Śiva, I, 7b-11a


[1] Ou bien "quand on prononce le visarga : ahhh...".


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