Voici un passage souvent cité, affiché dans les salles de classe même, mais ici dans une forme sans doute plus fidèle à l'original. Platon/Socrate explique comment la démocratie tend (inéluctablement ?) à se transformer en tyrannie :
"De quelle façon naît la tyrannie ?
Qu'elle naisse d'une transformation de la démocratie, cela semble presque évident...
N'est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie définit comme bien, qui la détruit elle aussi ? ...
Quand une cité démocratique assoiffée de liberté tombe sur des chefs qui savent mal lui servir à boire, quand elle s'enivre de liberté pure au-delà de ce qui conviendrait, et va jusqu'à châtier ses dirigeants s'ils ne sont pas tout à fait complaisants avec elle : elle les accuse d'être des misérables, à l'esprit oligarchique. Les dirigeants sont alors comme des dirigés, et les dirigés semblables à des dirigeants...
Et cela s'insinue jusque dans les maisons, jusque chez les animaux...
Quand, par exemple, le père s'habitue à devenir semblable à l'enfant, et à craindre ses fils, et le fils à devenir semblable au père, et à n'éprouver ni honte ni peur devant ses parents, puisque, bien sûr, il cherche à être libre. Et que le métèque s'égale à l'homme du pays, et l'homme du pays au métèque, et pareillement pour l'étranger...
Le maître, dans un tel climat, craint ceux qui fréquentent son école, et les cajole, et ces derniers font peu de cas des maîtres ; et il en va de même pour les précepteurs. Et plus généralement les jeunes copient l'apparence des plus âgés, et rivalisent avec eux en paroles et en actes, tandis que les vieillards, s'abaissant au niveau des jeunes, ne sont plus que grâce et charme, et les imitent, pour ne pas donner l'impression d'être désagréables ni d'avoir l'esprit despotique...
Si l'on fait la somme de tous ces faits accumulés, conçois-tu à quel point ils rendent l'âme des citoyens délicate, si bien qu'au moindre soupçon de servitude dans les relations qu'on a avec eux, ils s'irritent et ne le supportent pas ? Et tu sais sans doute qu'ils finissent par ne même plus se soucier des lois, écrites ou non ; ils veulent évidemment que personne, à aucun égard, ne soit pour eux un maître...
Eh bien donc, mon ami, tel est le point de départ, si beau et si juvénile, d'où naît la tyrannie, à ce qu'il me semble."
Platon, La République, 562b-563e, trad. Pierre Pachet
Autrement dit : Trop de liberté tue la liberté. Et à partir de là, quand les règles ne sont plus intériorisées, on s’affaiblit et l'on ne cesse d'ajouter des règles extérieures. Et l'on se met à persécuter les innocents pour faire oublier qu'on n'a plus le courage de punir les coupables. Chaque jour m'offre mille tentations de devenir platonicien, ou de me convertir à Guénon, ce Platon New Age.
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